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Nous voyons dans le monde, qu'un enfant qui aime veritablement fon pe

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craint de l'offenfer dans les moindres chofes ; qu'il ne neglige aucun de fes commandemens; & qu'encore qu'il lui donne avec foin toutes les marques qu'il peut de fon affection, il ne fait pourtant rien pour lui qui ne foit au-deffous de ce qu'il defireroit faire.

Mais la plupart des Chrétiens, loin d'avoir de pareils fentimens pour Dieu, dont ils font les enfans, & qu'ils l'appellent tous les jours leur Pere, cherchent continuellement à fe décharger du joug fi doux & fi agréable de fes loix. Ils ne font pour lui qué le moins qu'ils peuvent, & fouvent le peu qu'ils font exterieurement fans aucun amour, furpaffe de beaucoup les mouvemens de leur cœur. Après avoir reçû tant de graces fpirituelles & temporelles de Dicu, ils ne conviennent pas encore de l'obligation qu'ils ont de l'aimer. Il en eft de fi ignorans & de fi aveugles, qu'ils n'en fçavent rien du tout. Quelques-uns en font une queftion & en difputent comme d'une chofe dont on peut douter. D'autres font affez temeraires & Tome I. Ff

assez malheureux, pour combattre cctte obligation, & la regardent comme un fardeau infupportable, & allant même jufqu'à foutenir, que c'eft un privilege & un avantage de la loy nou velle d'en exempter les Chrétiens. Enfin, plufieurs veulent aimer Dieu ou accomplir fes divines loix d'une maniere purement fervile & par un motif de crainte, témoignant affez qu'ils ne s'en mettroient guéres en peine, s'ils pouvoient fans cela éviter d'être damnez; & qu'ainsi ils n'aiment qu’eux-mêmes, ni ne cherchent que leur propre interêt dans l'amour qu'ils prétendent & qu'ils femblent avoir pour

Dieu.

Ils craignent auffi très-peu de commettre tous les jours des pechez lkgers, dont ils croyent qu'il leur est facile d'obtenir le pardon; & un grand nombre de ceux mêmes qui femblent avoir plus de pieté & de lumiere, mettent des bornes fi étroites à leur vertu, qu'ils fe contentent d'éviter les grands defordres, fans travailler à purifier -leur cœur d'une infinité de fautes qui contristent le faint Esprit.

Combien en voyons-nous qui s'informent avec grand foin, fi tels & tels

que

pechez font mortels, afin de fe laiffer enfuite aller fans fcrupule & fans crainte à tous ceux qu'on les affûre n'être veniels? Leur conduite fur ce fujet ne montre-t-elle pas clairement qu'ils ne s'éloignent des crimes, qu'à caufe que leur amour propre Icur fait craindre de brûler éternellement; & que s'ils trouvoient quelqu'autre moyen de fe garantir de ces effroyables peines, rien n'arrêteroit la volonté qu'ils ont d'offenfer Dieu.

Quel autre jugement peut-on faire de ceux qui fe portent à toute forte de divertiffemens, pourvû qu'on les affûre qu'ils ne les damneront point; & qui ne font aucun fcrupule de fe trouver à la comedie, à l'opera, au bal, aux feftins & aux jeux les plus prophanes, parce qu'ils fe perfuadent que ces chofes font indifferentes par elles-mêmes, quoiqu'elles caufent certainement la perte d'une infinité d'ames? On fçait affez que les confeffeurs font obligez de faire connoître aux fideles, le poifon qui eft enfermé dans tous ces mauvais plaifirs; mais combien eft-il difficile de trouver des confeffeurs qui rempliffent dignement un fi redoutable miniftere ?

Vie de

Therefe.

Sainte Therefe dans le livre qu'elle fainte a écrit de fa vie, affûre que la direc6.5. p. 2. tion de quelques confeffeurs demifçavans, lui avoit été très-préjudiciable, quoiqu'ils n'euffent pas mauvaife intention. Elle dit que les jugeant affez éclairez & affez habiles, elle ne fe croyoit obligée qu'à ce qu'ils lui enfeignoient; & que cependant ils la conduifoient par la voie large, jufqu'à faire paffer des pechez mortels pour des pechez veniels, & à ne compter pour rien les veniels. En quoi elle ajoûte que fon ignorance ne l'excufe point, parce que cette conduite étoit fi manifeftement mauvaife, & les fautes qu'elle lui donnoit lieu de commettre étoient fi grandes, que cela feul devoit l'empêcher entierement d'y tomber : & dans le chapitre quatrième du même livre, elle declare encore que fon grand mal étoit de ne pas beaucoup craindre les pechez veniels.

I I.

La même lumiere qui fait connoître aux Chrétiens qu'ils font obligez d'aimer Dieu, les porte à éviter les moindres fautes.

L

eft de

E deffein de ce traité, parler feulement à ceux qui étant délivrez de toutes ces illufions par la verité, ne craignent point de dire avec faint Paul; Si quelqu'un n'aime pas notre Seigneur Jefus-Chrift, qu'il foit anathême; après avoir reconnu que l'Ecriture ne nous confcille pas feulement, mais nous commande d'aimer Dieu de tout notre efprit, de tout notre cœur, de toutes nos forces, & de remplir tellement nos defirs & nos actions de fon amour qu'il n'y ait rien en nous qui en foit vuide.

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Si nous en avons veritablement quelque étincelle, nous nous fentirons. auffi-tôt preffez de travailler à éteindre tout amour du monde, & nous nous mettrons en même temps en

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