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état de combattre les moindres pechez, puifqu'ils font oppofez à la fainteté de Dieu, & à la perfection qu'il demande de nous par ces paroles: Soyez parfaits, comme votre Pere celefte eft parfait: foyez faints comme je fuis faint.

Il eft vrai que pendant cette vie nous nous trouvons encore très-éloignez de cette perfection, & de cette plénitude d'amour. Mais cela vient de ce que nous ne fommes guéres a vancez dans la carriere, où nous fommes obligez de courir de toutes nos forces, & de ce que nous n'avons prefque point d'amour pour Dieu.

,

Quoique nous foyons indifpenfablement obligez de faire croître en nous le feu divin, & de travailler à purifier notre cœur des moindres pechez nous n'avons aucun foin de nous acquitter de ces devoirs, ni nous ne faifons rien pour ruiner le corps du peché qui eft en nous. Cependant fi nous nous laiffons aller à commettre beaucoup de fautes & que nous y demeurions avec négligence, il y a tout fujet de craindre que nous ne foyons déja morts, ou au moins en étať de mourir bientôt aux yeux de Dieu ;

,

puifqu'encore qu'aucune de nos fautes en particulier, ne paroiffe être de celles qui tuent l'ame d'un feul coup, la feule difpofition de faire toute forte de pechez, pourvû qu'ils ne foient pas mortels, fuffit pour éteindre en nous la charité, qui eft la vie de no

tre ame.

Souvenons-nous donc fans ceffe, de ce que difoit autrefois faint Bernard, que ce ne font pas feulement les grands crimes qui nous rendent digues de la colere de Dieu : & qu'il fuffit pour notre condamnation que nous ne faffions rien pour celui à qui nous devons tout. C'eft affez qu'un arbre ne porte point de fruit, & qu'il occupe inutilement la terre, pour être coupé & jetté au feu.

Le ferviteur qui ne fait point profi ter l'argent de fon maître, mérite qu'il le lui ôte & qu'il le châtie de fa négligence: & l'on fçait que Jefus Chrift dans le dernier jour, ne condamnera pas feulement les pecheurs chargez de crimes, mais encore tous les hommes qui n'auront point exer◄ cé la charité, envers ceux en la perfonne de qui il la defire recevoir de nous. Car eft-il poffible qu'on foit

fi

veritablement jufte, & que fçachant que Jefus-Chrift eft dans les cachots on ne le vifite point? Ou que fçachant qu'il eft réduit à la nudité, à la faim, à la foif, on ne lui donne aucun fecours? Pouvons-nous efperer les effets de fa mifericorde nous n'avons que de la dureté ou de l'indifference pour lui-même, & pour nos freres ? Et la fimple confideration de ces veritez, ne nous fait-elle pas voir combien faint Bernard a eu raifon d'enfeigner, que la feule inutilité fuffit pour nous perdre éter

nellement.

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I I I.

Le grand nombre des pechez veniels, eft dangereux à ceux qui les

L

'Amour

négligent.

que nous avons pour notre corps, nous porte à éviter non feulement les maladies mortelles, mais encore celles qui pourroient en quelque maniere diminuer nos forces. Or la vie de notre ame nous doit être mille fois plus chere que celle

de notre corps, & celui qui nous l'a donnée, nous ordonne de la conferver avec beaucoup plus d'application & de foin. Pendant qu'il nous oblige de n'avoir que du mépris pour celle du corps, il nous engage à nous éloigner d'autant plus de ce qui peut rendre notre ame malade; qu'au lieu qu'au regard du corps la vie peut fubfifter fans la fanté, elle en eft inféparable au regard de l'ame, dont le feul amour de Dieu fait la vie & la, fanté tout enfemble. C'eft pourquoi fi nous ne travaillons à nous confer

ver purs, des pechez qui peuvent

nuire à la fanté de notre ame, nous devons craindre qu'ils ne nous en faffent perdre la vie : & on peut même dire que nous l'avons veritablement perdue, lorfque nous ne vivons pas pour Dieu.

Il femble qu'il n'y ait rien moins à

craindre que des goutes de pluye des grains de fable, un peu de paille & de pouffiere, à quoi on a coutume de comparer les pechez veniels., Mais qui ne fçait que plufieurs goutes de pluye amaffées enfemble, font des torrens, & ruinent des campagnes; qu'un peu de pouffiere arrête

ou déregle le mouvement d'une horloge, & qu'une paille dans notre œil fuffit pour nous rendre aveugles? C'est ce qui paroît encore plus vrai dans les chofes fpirituelles, où une legere négligence, peut rompre la fuite de plufieurs bonnes actions, & caufer un déreglement general dans notre vie. L'œil de notre ame s'obscurcit aifément, & la moindre chofe créée que nous y fouffrons volontairement, eft capable de l'aveugler. Une feule parole indifcréte, peut faire prefque les mêmes défordres que les plus grandes tempêtes. Pour peu que nous laiffions d'ouverture à notre cœur, le démon s'y gliffe facilement, & le remplit de fa corruption. Le moindre relâchement volontaire dans notre oraifon ou dans nos autres exercices, peut nous priver des fecours dont nous avons befoin pour exccuter les chofes les plus néceffaires à notre falut. Enfin, ce qui nous doit donner une extrême crainte des moindres pechez, c'est qu'il n'y en a point de fi petits, qui, par notre négligence, ne puiffent devenir mortels.

C'eft auffi ce qui oblige les plus justes de gémir continuellement, &

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