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plufieurs manieres dans le peché, lors même qu'elle réfifte à ce qu'il y a de plus groffier dans la tentation. Cela leur arrive autant de fois que fe laiffant aller à la négligence, ou comptant fur leurs propres forces, ils n'évitent point les occafions du peché, & qu'ils laiffent occuper leur efprit par de certains objets, qui peuvent donner entrée à de mauvaises pensées ou à de mauvais mouvemens. Lors auffi que nous veillons fi peu fur nousmêmes, que notre imagination & nos fens reçoivent, quoique malgré nous des impreffions pernicieuses, croyons-nous en être quittes pour dire que nous n'avions point prévû ces funeftes effets Prétendons nous n'être point coupables des défordres que l'ennemi caufe dans notre cœur contre notre intention, après que nous lui en avons ouvert la porte, par notre conduite déreglée ? Et n'eft-ce pas au contraire aimer un mal, que d'aimer ce qui le produit?

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C'est ce que nous voyons tous les jours arriver aux gens du monde.Ceux qui ont quelque crainte de Dieu ne voudroient pas commettre de pechez groffiers; mais ils ne font aucun fcru

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pule de vivre dans l'oifiveté, dans la molleffe, dans la bonne chere ; quoique cette vie fenfuelle conduife au déreglement. Ils fe trouvent dansdes compagnies de pur divertiffement ils s'y arrêtent, & s'y laif fent aller à des entretiens dangereux. Comme ils donnent beaucoup de liberté à leurs yeux, à leurs oreilles & à leur langue, ils fe livrent aux tentations qui en naiffent. Enfin, ils ne craignent point de fe mettre au milieu du feu : & fi enfuite ils brûlent', quelques proteftations qu'ils faffent de ne vouloir point brûler, qui fera affez hardi pour les juftifier?

Que fi ceux qui vivent ainfi ne tombent pas dans les derniers défordres c'eft, peut-être, que le démon fe contente de l'état où il les trouve. Il lui fuffit qu'ils foient fous fa domination, & il les y tient d'autant plus affûrément pour lui, qu'ils s'en apperçoivent moins. Peut-être auffi qu'il ne veut pas les pouffer d'abord dans le précipice, afin de les y conduire par degrez, & d'une maniere beaucoup plus funefte.

En effet, dans la guerre qu'il leur fait, il employe tous fes artifices

pour

ruiner peu

à

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peu ce qu'ils ont de force. Ils les portent infenfiblement à une vie relachée fans qu'ils en voyent le peril & lorfque par la continuation de leur relâchement ils en viennent jufqu'à ne plus avoir aucune crainte ni aucun fcrupule, il les fait tomber d'autant plus facilement & plus malheureusement, qu'il les y a difpofez par une longue fuite de défordres.

Nous ne voyons que trop d'exemples déplorables de ces malheurs. Telle perfonne s'engage au commencement, fans mauvaife intention, en des compagnies de plaifirs, laquelle peu à peu s'y trouve tellement attachée, qu'elle ne peut plus s'en paffer. Comme il fe rencontre quelquefois qu'on est plufieurs années dans ces engagemens, fans tomber vifiblement en des fautes groffieres; on fe confie alors davantage en fes forces, & l'aveuglement où l'on eft, fait efperer qu'on évitera facilement toutes les chûtes. Mais quand on fe croit dans une entiere fûreté, c'eft alors que l'on tombe plus aifément dans le piege de l'ennemi: & il arrive pour comble de malheur, que la longue habitude que

l'on a prife de mener une vie molle & relâchée, fait paroître la pénitence impoffible. On regarde la moindre mortification comme un fupplice trèscruel, & la voie du ciel comme une terre qui devore fes habitans. Toute parole qui nous avertit de nos devoirs, nous eft dure & infupportable, comme l'étoit aux difciples infi- Joan. 6. deles de Jefus-Chrift celle par laquelle il les avoit inftruits de fes adorables myfteres. Qui pourroit dire le nombre de ceux dont la délicateffe eft fi grande,qu'ils ne fouffrent pas qu'on les reprenne, & qu'il faut fouvent les abandonner aux defirs de leur cœur, de peur d'irriter leur fureur contre la verité & contre nous fans aucune efperance de contribuer à leur falut?

Mais on peut dire au contraire pour la confolation de ceux qui veillent fur leur cœur & fur leurs fens, que fi toute leur vie fe paffe dans la retraite, dans la priere, dans de faints exercices & dans une humble fouf france des peines & des afflictions où Dieu les a engagez; s'ils fuïent toutes les occupations & les occafions qui leur feroient dangereuses; & s'ils font fideles à fuivre les confeils qu'on

leur donne ; ils ont tout fujet d'efperer que Dieu ne permettra point qu' ils foient tentez au-deffus de leurs forces. Quelques violens que foient les efforts de leurs ennemis, la grace de Jefus-Chrift les fera fortir victorieux de tous ces combats ; & quand ils feroient même au milieu des feux; Dieu les y conferveroit fains & entiers. Afin d'éviter les troubles & les inquiétudes qui leur peuvent venir de l'état d'obfcurciffement & de tenébres où ils fe trouvent quelquefois, ils doivent bien prendre garde de diftinguer ce qui fe paffe en eux malgré eux, de ce fait leur volonté. Car fi la volonté ne ceffe point de s'appliquer à Dieu & à fes devoirs,& qu'elle renonce fin

que

cerement aux vûës & aux mouvemens de fon-imagination, elle fe conferve dans une entiere pureté : & les confeffeurs doivent foutenir ces perfonnes dans leurs agitations & leurs troubles auffi-bien que les inftruire & les confoler dans leurs afflictions. Car il n'y en a point de plus fenfible pour des ames qui ont la confcience délicate,que de ne fçavoir fi elles n'ont point perdu la grace de Dieu, ou s'il n'y a rien de criminel dans certaines im

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