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notre cœur, & le principe de fes divers mouvemens, auffi-bien que de toute notre conduite. Ainfi pour fçavoir, qui de Dieu ou du monde regne en nous, il n'y a qu'à confiderer quel eft notre amour, quels font nos defis, quelles font nos occupations & nos œuvres. Si nous ne defirons que Dieu feul, & fi nous ne nous occupons que de lui, nous faifons fa volonté en toutes chofes, nous fommes Cant. 2. tout à lui, il est tout à nous. Dilectus meus mihi, & ego illi.

16.

Mais finous n'aimons que les chofes temporelles, fi nous ne travaillons que pour les poffeder, fi elles font toutes nos efperances, nos craintes nos trifteffes & nos joies; qui peut douter que le monde ne nous domine, puifque fon amour occupe tout notre cœur, jufqu'à nous rendre fes efclaves, à nous faire faire tout ce qu'il veut, & à nous accabler d'inquiétudes & de peines?

X.

De l'aveuglement des pecheurs, & des moyens de difcerner leur état.

CE

'Eft ce qu'on ne doit jamais ceffer de repréfenter à ceux qui ne font aucun fcrupule de commettre toute forte de pechez, pourvû qu'ils ne foient pas mortels; qui s'expofent volontairement à de grandes occafions de peché, dans la penfée qu'ils le peuvent innocemment, pourvû qu'ils ne confentent point au mal; qui s'attachent fans crainte à toutes les affaires & à tous les amusemens qu'il leur plaît, fous prétexte qu'ils ne font pas criminels; qui fe croyent fort innocens, quoiqu'ils ne faffent prefque rien que pour le monde : & qui ofent efperer leur falut de la mifericorde de Dieu, quoiqu'ils ne pen fent prefque jamais ni à Dieu ni à leur

falut.

Lorfque ces déreglemens vont jufqu'à des crimes manifeftes, les confeffeurs, qui fçavent les regles de l'E

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glife, ne font pas en peine de ce qu'ils doivent faire; & fi les pecheurs në font pas tout-à-fait aveugles & endurcis, ils ne peuvent pas réfifter au foin qu'ils ont de leur impofer des penitences proportionnées en quelque forte à leurs pechez. Mais il s'en trou2. Cor. ve plufieurs qui veulent accorder Be6.15lial avec Jefus-Chrift, en ce que leur ambition allant fort loin, ils ne laiffent pas de dire qu'ils ne voudroient point des crimes pour s'élever, & qu'ils ne defirent d'être grands que par des voies permifes. S'ils ont de la paffion pour les richeffes, ils affûrent qu'ils n'en ont point jufqu'à faire tort à perfonne, ou jufqu'à manquer de donner l'aumône aux pauvres. Ils avouent qu'ils ne font pas capables d'une vie auftere; mais ils prétendent mettre des bornes raifonnables à leur fenfualité, & ne faire rien que par rapport à leur falut.

On ne fçauroit expliquer en combien de manieres ces fortes de pechez fe diverfifient. Il y a des perfonnes, qui vivant dans le grand monde, fe trouvent expofez à de grandes tentations, & engagez dans les em

barras du fiècle, par des liens qu'ils ne peuvent rompre. Il y en a d'autres, qui menant une vie plus retirée, & n'étant pas remuez par de fi grands objets, ne femblent pas commettre de fautes confiderables; mais qui n'ont pas un meilleur fonds, & qui ne manquent que d'occafions pour commettre de plus grandes fautes. Il n'eft pas fort facile de porter un jufte jugement de ces perfonnes imparfaites & attachées à leurs imperfections: puifque d'un côté fi on les condamnoit plus feverement que Dieu ne les condamne, on les jetteroit dans des fcrupules très-dangereux pour leur falut, & dans une efpece de défefpoir, au cas qu'ils ne fe puffent corriger des fautes qu'ils croiroient mortelles, fans qu'elles le fuffent. Mais d'un autre côté fi on les juftifioit lorfque Dieu les condamne, on les nourri roit d'une fauffe, efperance de falut, & on fe mettroit du nombre de ces guides aveugles, qui conduifent au précipice.

Ainfi dans des chofes auffi obfcures que celles qui dépendent de la connoiffance du cœur humain, nous ne devons fuivre ni notre zele, ni no

tre inclination, ni notre instinct, non plus qu'affecter d'être doux ou feveres; mais nous attacher uniquement aux regles de la verité & de la juftice. Quelquefois la feule vûë des fautes de ceux qui nous confultent fuffit pour nous découvrir le fond de leur cœur ; & alors nous pouvons leur donner quelques confeils, & nous employer à les fervir felon Dieu, pourvû qu'ils déferent afsez à notre jugement & à notre autorité pour nous croire, ou, ce qui est le plus fûr, qu'ils entrent dans nos raifons, & qu'ils en demeurent convaincus.

Mais fi après avoir confideré toutes les circonftances de leur conduite, nous n'y voyons pas affez clair pour en juger avec certitude, nous devons leur témoigner si positivement notre crainte & nos doutes, que cela les oblige de rentrer ferieufement dans leur cœur, & de confiderer attentivement ce qu'il y a de plus caché & afin de les aider à un examen fi néceffaire, nous devons tâcher de leur faire connoître, qu'encore que nous n'ofions abfolument affûrer que leurs fautes foient mortelles,

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