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telles, elles font fi confiderables, qu'il ya fujet de craindre que la cupidi, té d'où elles naiffent ne foit affez cor rompue pour produire des fruits de mort. Il faut leur repréfenter que les degrez de leurs pechez, dépendant de ceux de leur cupidité, fi elle domine tellement dans leur cœur, qu'elle y étouffe la charité; toutes leurs fautes font alors très - dangereufes, & pour peu qu'elles paroiffent de conféquence, on doit apprehender qu'elles n'éteignent entierement la vie de leur ame. A quoi il faut ajoûter, qu'ils jugeront de la grandeur de leur cu pidité, par la difpofition où elle les met au regard des exercices de la pieté Chrétienne, puifque fi elle leur en donne de l'averfion ou du dégoût, & fi elle les tient occupez de fes plaifirs & de fes charmes, ce leur eft une marque qu'elle regne entierement dans eux, & qu'elles y exercent un funefte empire.

En effet, fi notre paffion ne nous aveugloit beaucoup, nous ne préfererions pas les chofes temporelles aux éternelles, les créatures au créateur, le néant à l'être infini; & fi une foy vive, une forte efperance, une arTome I.

li

33.44.

royaume

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dente charité élevoient notre ame au ciel, il n'y auroit point d'attrait affez fort pour nous attacher à la terMarth. re. L'Evangile compare le myftere dur de Dieu à la conduite d'un homme, qui ayant trouvé un tréfor dans un champ, vend tout fon bien pour l'acheter. Jefus Chrift eft ce tréfor, & fi nous defirons avec ardeur le royaume de Dieu, il n'y a rien que nous ne quittions avec joie pour l'acquerir. Mais quand au contraire nous abandonnons le tréfor de Dieu, afin de nous livrer tout entier aux affaires du fiécle; quand nous préferons une multitude de foins inutiles à l'unique néceffaire; quand nous aimons mieux le trouble & le tumulte que la paix de Jefus-Chrift, nous devons craindre que nous n'ap partenions au royaume du monde, & que nous ne foyons très-éloignez de elui du ciel.

X I.

De ceux qui s'appliquent aux affaires du monde,

C

E n'eft pas que l'Evangile condamne abfolument tous ceux qui s'appliquent aux affaires féculieres. Il leur eft permis d'y vaquer, pourvû qu'elles ne les empêchent point de penfer à celles de leur falut, & qu'ils mettent leur principal foin à chercher le royaume de Dieu, comme nous y Matth fommes tous très - étroitement obli-6 33. gez. Puifque Jofeph s'eft fanctifié dans la cour de Pharaon, & Daniel dans celle de Nabucodonofor, nous n'aurions pas raifon de condamner ce que la divine Ecriture approuve dans ces deux faints. Mais il faut vivre dans le monde comme ils y ont vêcu, afin de s'y fanctifier comme eux, & tirer pour cela de leurs actions les regles de notre conduite. Ils fe font regardez toute leur vie comme des étrangers; & confiderant leur état comme un exil, ils ont confervé

dans leur cœur un continuel defir de retourner à leur véritable patrie.

Ils ne poffedoient les richeffes & les grandeurs de la cour, que comme ne les poffedant point. Pendant 1. Cor. que leur captivité les réduifoit à la 7. 31. néceffité de fervir les rois de la terre; ils foupiroient fans ceffe après la liberté des enfans de Dieu. Ils fuivoient dans leur engagement la vocation & les ordres dont il les avoit affûrez par des miracles extraordinaires: & quoiqu'ils fuffent au milieu des plus groffieres tenebres de l'idolatrie, tout étoit lumiere pour eux, parce qu'ils confervoient le vrai culte de Dieu dans toute fa pureté, & qu'ils étoient toujours prêts à lui rendre témoignage de leur fidelité en mourant pour lui. C'eft ce qui paroît dans la conduite de Daniel, qui ne ceffa point d'adorer Dieu à toutes les heures ordonnées par la loy, quelque défenfe que Nabucodonofor en eût faite & qui aima mieux s'expofer à la mort, que de fouiller fon ame par la moindre ombre de l'idolatrie.

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C'eft à ces conditions qu'il eft permis d'entrer dans les affaires du fiécle,

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Il ne faut s'appliquer qu'à celles où nous nous trouvons comme forcez, ou par la néceffité des nôtres, ou par les devoirs de la charité. Il faut y être comme dans un état violent & dans un exil, avec un gémiffement, une peine & une douleur continuelle. Quelque permis & avantageux même que nous paroiffe notre employ, il faut examiner fi Dieu nous y appelle veritablement: car fi ce n'étoit que notre feule convoitife qui nous y eût engagez, & que cette mauvaise entrée n'eut pas été purifiée par l'efprit de penitence, nous n'agirions dans la fuite, que par les mouvemens de la même convoitife & tout ce que nous ferions ne ferviroit qu'à l'augmenter.

Il faut encore nous fouvenir que rien ne nous fçauroit difpenfer de ce que nous devons à Dieu, & que les plus grandes néceffitez qui nous empêcheroient de nous en acquitter, ne font pas des néceffitez pour nous puifque la feule néceffité d'un Chrétien c'eft de rendre à Dieu le fervice que Dieu exige de lui. Ainfi en quelque condition où nous nous trouvions & quelque forte d'affaire qui

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