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la fageffe humaine ne peut penetrer laifle fouvent ceux mêmes qui font à lui dans des foibleffes qu'ils ne furmonteront jamais. Afin de reprimer leur orgueil, ou pour quelques autres raifons, il met des bornes à leur vertu & il la réduit à une certaine mefure, qu'ils ne pafferont jamais quelques efforts qu'ils faffent : & auffi la perfection de cette vie ne confifte pas à n'avoir point de défauts, mais à combattre jufqu'à la mort, ceux que

nous avons.

Il eft neceffaire d'agir avec beaucoup de prudence dans l'impofition de la penitence que l'on ordonne pour ces fortes de pechez ; & il faut prendre garde de ne rien exiger des penitens qui ne foit proportionné à leur foibleffe, de peur que les voulant corriger d'une faute, on ne leur donne Occafion de tomber dans une plus grande, par l'impuiffance de faire ce qu'on leur auroit preferit, & que la loi de l'ordonnance même, ne fe termine uniquement à les rendre prévaricateurs, par le peu de foin qu'ils auroient de l'executer. Le plus für eft de ne leur prefcrire la plupart des chofes que par forme du fimple con

feil, afin que ne demeurant pas dans l'ignorance de ce que Dieu demande d'eux, ils tachent d'en faire ce qu'ils pourront, & qu'ils évitent auffi les peines trop grandes de confcience dont ils feroient agitez, s'ils n'accompliffoient pas avec une entiere fidelité les ordres & les commandemens qu'ils auroient reçûs.

XIII.

De la difcretion qu'il faut garder
dans la conduite des ames.

Ib

Left certain qu'on doit avoir pour but, de porter les ames à la plus grande perfection dont elles foient capables felon leur état: mais il n'est pas moins certain, qu'on doit cependant fupporter leurs foibleffes avec patience, fuivre Dieu dans les difpofitions où elles fe trouvent, attendre fon heure fans la` prevenir, & ne se point hâter de mettre le vin nouveau des regles plus fpirituelles & plus fortes dans des vaiffeaux qui ne font pas affez renouvellez. Quoique tou

ne

tes les œuvres de charité foient trèslouables & très-bonnes,.il n'eft pas à propos de porter les penitens, dans les commencemens de leur converfion, à toutes celles que nous voyons avoir été pratiquées par les faints. Il celui faut pas engagér qui a befoin de retraite, de filence & d'humiliation, à des œuvres de beaucoup d'éclat, qui peuvent diffiper une ame peu accoûtumée au recueillement, & qui ne ferviroient qu'à donner de la vanité à celle qui n'eft pas encore bien affermie dans l'amour de l'humiliation. Il ne faut pas non plus confeiller à un efprit fort groffier, de s'appliquer à de longues & extraordinaires méditations, ni lui faire defirer des communications avec Dieu femblables à celles de fainte Therefe.

Que fi par un zele indifcret on oblige les perfonnes encore foibles à des exercices qui paffent leurs forces, ils feront des efforts inutiles qui ne ferviront qu'à les rebuter; ils fe lafferont fans avancer dans la voie de Dieu; & il arrivera ce qu'on a fouvent éprouvé, que pour vouloir trop faire, ils en viendront à ne rien faire du tout.

a connu

Ainfi un Ecclefiaftique s'étant mis dans l'efprit de dire fon breviaire fans aucune distraction, fe trouva réduit à ne le dire en aucune forte. Comme il n'étoit pas maître de fon imagination, ni capable d'empêcher que par fa mobilité, elle ne lui reprefentât divers phantômes malgré lui, il recommençoit plufieurs fois fon office, & toujours fans pouvoir éviter le défordre de fes penfees; cela lui caufant une infinité de fcrupules & de peines, l'impuiffance où il fe trouva de les furmonter & de les fouffrir lui fit demander & obtenir difpenfe de dire le breviaire, afin de n'être plus fujet à de telles diftractions en le difant.

'Auteur Une religieufe, après s'être obligée la reli- par vou, à l'exemple de fainte Thegieufe refe, de faire toujours ce qui feroit parle. de plus parfait, réfolut de fe retirer

dont il

des conferences, de fe priver de tout
divertiffement, de fe tenir dans une
entiere folitude, de retrancher beau-
coup de fon fommeil, & de jeûner
extraordinairement. Comme ces auf-
teritez la rendirent auffitôt malade
il arrivoit toûjours que l'indifpofi-
tion qui en naiffoit, lui faifant ou

blier fon væu, la jettoit dans de grands relâchemens, & dans des peines d'efprit très-fâcheufes.

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Lorfque nous fommes encore foibles, il eft dangereux de nous engager à des chofes difficiles, qu'on ne peut faire fans une grande vertu, & que nous ne faifons qu'avec des efforts tout humains, parce que ces efforts ne durent pas longtemps, & qu'ils ne fervent qu'à nous déregler après nous avoir laffez & affoiblis. Aufli un bon religieux d'un ordre fort auftere, difoit fur ce fujet, que leurs premiers fondateurs étant tout remplis d'une ardente charité embrafferent toute forte d'aufteritez avec tant de chaleur, qu'ils ne fentoient prefque point leurs corps, pendant que Dieu occupoit tout leur efprit: qu'ils ne trouvoient riende rude ni de fâcheux dans les jeûnes, les veilles & les haires; & qu'ils faifoient même leurs délices des plus grandes peines: mais que maintenant cette premiere ferveur étant prefque éteinte dans les monafteres beaucoup de religieux, pour n'avoir pas été affez éprouvez durant leur noviciat, tomboient après quelques années dans un fi grand dégoût des exerKK iiij

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