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cices dont il ne leur étoit plus perntis de fe difpenfer, qu'ils ne fe pouvoient fupporter eux-mêmes, & qu'ils fe rendoient infupportables aux autres. Matth. Cela nous doit apprendre à ne cou

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dre pas des pieces de drap neuf à un vieil habit, parce que le neuf emportera encore une partie du vieux,' & ne ferviroit qu'à rendre la rupture plus grande.

Les aufteritez du corps qui font audeffus de la pieté interieure, nuifent au lieu de fervir, ne contribuant qu'à nourrir l'orgueil & l'am r propre ; & fi l'on fuccombe fous leur poids elles ôtent le courage & la volonté d'accomplir celles mêmes qui font plus neceffaires au falut.

Ce qui trompe fouvent les confeffeurs, c'eft que les penitens qui s'addreffent à eux, les affûrent prefque tous, qu'ils font prêts de faire tout ce qu'on leur preferira: & ils le penfent même comme ils le difent. Cependant la prudence nous oblige de ne leur rien ordonner qui ne fe rapporte aux devoirs communs, effentiels & indifpenfables de la vie chrétienne, jufqu'à ce que nous connoiffions bien le fond de leur cœur. I

eft neceffaire d'avoir éprouvé leur fidelité dans des chofes aifées, avant que de les porter à de plus difficiles; & il ne faut pas même les écouter lorfqu'ils propofent d'entreprendre des œuvres qui ont peu de proportion avec leurs forces.

Il y en a veritablement plusieurs ; qui, dans leurs foibleffes mêmes, ne laiffent pas de pouvoir faire quelques actions extraordinaires de pieté & d'aufterité, fi on les leur permet; mais il est à craindre qu'ils ne s'y portent d'une maniere humaine, & elles ne fervent quelquefois qu'à les jetter dans un plus grand déreglement. Un jeûne extraordinaire de peu de jours, eft capable de nous infpirer beaucoup de préfomption & de nous perfuader que nous avons droit de nous relâcher, ou dans le repas fuivant, ou dans le refte de notre conduite. On fe réfoud volontiers à veiller toute une nuit, pour fe lever plus tard toute la femaine. On paffera trois jours fans parler, afin de parler enfuite durant tout un jour. Et les perfonnes les moins mortifiées entreprennent encore quelquefois d'autres actions laborieufes & pénibles, pourvû qu'elles ne durent pas long

V. 15.

temps. Mais ces fortes de pratiques; Lac 11. dont notre cupidité eft la fource, ne peuvent fervir à la détruire, parce que le démon ne chaffe point le demon, & que cette merveille ne peut être l'ouvrage que du doigt de Dieu. Si notre convoitife eft arrêtée pendant quelques jours, par une autre digue que celle de la charite ce n'eft que pour fe répandre enfuite avec plus de force, après avoir rompu & entrainé la digue même : & fi nous la voulons veritablement vaincre, il faut que nous la combattions à toute heure par l'efprit de Dieu, qui ne se lassant jamais d'agir, nous fait feul triompher de nos vices, par une vertu tou • jours égale & uniforme.

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V.

Des differens exercices qu'il faut prefcrire aux penitens.

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Es pafteurs font donc obligez de n e preferire à leurs penitens, que des exercices qu'ils puiffent pratiquer toute leur vie, & qui foient tout en

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moyens

femble des remedes capables de guérir leurs plaies & de deffécher la fource de leur corruption; des propres à les maintenir dans une vie chrétienne, & des peines fuffifantes pour fatisfaire à la juftice de Dieu. Ces exercices font l'application à la priere, le jeûne, la folitude, le travail, l'aumône & les autres œuvres de charité. Ils doivent être tellement proportionnez aux forces des penitens, qu'ils les puiffent pratiquer en fe faifant violence, afin que la fidelité avec laquelle ils y perfevereront, les foutienne contre toutes les tentations étrangeres, & contre les diverfes impreilions & changemens que le demon de notre amour propre tâche fans ceffe de faire en nous. Et il faut que les penitens de leur part, fuivent avec tant d'exactitude & d'uniformité la regle qu'on leur aura donnée, que leur vie foit une image de la vie du ciel, où on ne fcra pendant toute l'éternité qu'une même action, & où l'on ne fera occupé que d'un feul objet.

Pour prefcrite une telle regle ; il eft neceffaire d'avoir non feulement en general une grande connoiffance du

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cœur humain, de fes maladies, de fes inclinations, de fes foibleffes, & des divers remedes qui peuvent fervir à les guérie: mais il faut outre cola étre informé de l'état particulier de l'ame, à la conduite de laquelle nous nous trouvons engagez. Car chaque perfonne particuliere a une cfpece particuliere de corruption, qui la diftingue des autres, & elle doit être par confequent traitée d'une maniere qui ne convient qu'à elle feule Outre cela les pafteurs ont befoin d'une charité extraordinaire, qui les attache tellement à leurs penitens, qu'ils foient entierement à eux, & qu'ils faffent tout pour leur falut. Il faut non feulement qu'ils ayent beaucoup de vertu ; mais encore que leur lumiere, leur zele, leur douceur & leur force, fe plient & fe tournent en diverfes manieres, afin de s'accommoder aux differens états des malades; fachant qu'il n'y a fouvent qu'un feul moyen par où l'on puiffe faire entrer la verité dans de certains efprits, & qu'on ne fauroit trouver fans beaucoup de lumiere & de peine. Notre zele ne fervira jamais de zien à nos penitens, s'il n'eft felon la

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