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XV.

Avec quelle application un directeur doit examiner les ames qu'il conduit, & par quel moyen il reconnottra leurs paffions dominantes.

fommes extrêmement cou

Npables, fi par efprit d'interêt,

ce,

ou par défaut de lumiere, de prudend'attention, de zele & de courage, nous manquons à découvrir à ceux qui s'addreffent à nous, les def feins que Dieu a fur eux. Nous répondrons & nous rendrons compte de leur mort, fi nous ne faifons

pas tout ce qui eft neceffaire pour les reffufciter à une vie nouvelle

,

& fi nous ne tâchons même de les élever au degré de vertu où ils font appellez. Or nous tombons toujours, au moins en partie, dans ces fautes, lorfque nous les rebutons de la penitence par une dureté indifcrete: & lorfque par une malheureuse indulgence, nous les jeûleur épargnons les travaux, nes & les autres exercices de pieté

dont ils font capables & qu'ils embrafferoient fi on les leur propofoit, après les y avoir bien pré

parez.

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Saint Jean Climaque, nous apprend qu'un abbé, qui étoit perfuadé de cette verité, n'obmettoit rien de ce qui pouvoit porter fes religieux à une plus grande perfection, tenant pour maxime, qu'un pere fpirituel manquoit beaucoup à fon devoir, lorfqu'il ne procuroit pas à fes difciples toutes les penitences, toutes les mortifications & tous les autres moyens de croître en vertu & en mérite dont il les jugeoit capables, parce que fouvent les plus vertueux mêmes s'af foibliffent & fe relâchent peu à peu, fr on ceffe durant longtemps de les exercer, de les humilier & de les reprendre. Car quoi que la grace rende leur ame une terre fertile & abondante en fruits de picté, elle ne produit que des fruits de malediction des épines, des déreglemens & des vices, fi elle eft abandonnée à ellemême, fans qu'on air soin de la cultiver par des exercices laborieux, & de l'arrofer en quelque forte par des corrections & des humiliations falu

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taires, & proportionnées à leurs for

ces.

L'ouvrage d'un confeffeur eft proprement un ouvrage de lumiere, & il doit agir comme en plein jour: il faut qu'il connoiffe bien les malades qu'il doit guérir, & les criminels dont il eft le juge. La confeffion peut fans doute contribuer beaucoup à lui donner cette connoiffance. Il fe trouve neanmoins fouvent qu'elle n'y fuffit pas, puifque les penitens qui ne fe connoiffent pas eux-mêmes, & qui n'ont jamais vû le fond de leur cœur, ne fauroient nous le reprefenter tel qu'il eft. Quoique plufieurs n'ayent aucun deffein de fe déguifer, ils ne laiffent pas de fe déguifer effectivement fans qu'ils s'en apperçoivent, fc contentant de faire le recit de leurs pechez, & ne découvrant ni ne connoiffant même la paffion dominante qui en eft la fource. Plus ils aiment cette idole de leur cœur, plus les tenebres de leur paffion la cachent aux yeux de leur efprit, & les empêchent de faire connoître à leurs confeffeurs ce qu'ils n'en connoiffent pas euxmêmes. Elle demeure pour l'ordinaire cachée fous quelque apparence de

vertu; & la plus fauffe pieté ayant fouvent le plus d'éclat, est aussi souvent plus capable de nous éblouir & de nous réduire à une parfaite ignorance du veritable état de notre ame:

Il feroit facile d'apporter une infinité d'exemples de ce malheur. Nous voyons tous les jours des prédicateurs de profeffion, qui fe donnent bien de la peine à inftruire les peuples de leurs devoirs, & qui au même temps qu'ils travaillent à fanctifier leurs auditeurs, s'exposent à des tentations très-dangereufes, aufquelles ils fuccombent très-fouvent. Rien ne peut ouvrir les yeux à ces aveugles volontaires, ni leur faire appercevoir leur défordre, parce qu'ils ignorent le fond de leur coeur: ils fuppofent que le feul zele de la gloire de Dieu & du falut des ames les engage à un fr

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grand & fi terrible miniftere. Ils ne voyent pas que c'eft l'ambition, l'interêt, l'efprit du monde qui les y porte, & qui enfuite donne lieu à tous leurs autres déreglemens. Il eft certain que ces mauvais fruits demeureront toujours en eux, quoiqu'ils faffent, s'ils n'arrachent la racine qui les produit. Cet aveuglement

eft prefque general, & il y a trèspeu de gens qui fachent difcerner les principes qui les font agir.

Cependant une des principales raifons pourquoi nous avançons fi peu dans la vertu, quoi que nous gémiffions, que nous travaillions & que nous faffions beaucoup de bonnes cuvres, c'eft que nous ne nous appliquons pas affez à connoître & à combattre la paffion qui domine dans notre cœur: & le demon, afin de rendre nos tenebres plus épaiffes, nous laiffe ufer nos forces à faire ce que nous voulons, pourvû que nous ne les employions pas à détruire la fortereffe, où il nous tient particulierement affujettis à fon empire.

On voit affez communément des femmes s'appliquer fouvent à l'oraifon & aux exercices de charité, ennemies des vanitez du monde & des divertiffemens; en un mot, très-aufteres, très devotes & très-faintes en apparence. Mais il y en a parmi elles plufieurs qu'on peut appeller, felon Matth. le langage de l'Evangile, des tom23.27. beaux blanchis. Si on trouve moyen d'ouvrir leur cœur, on n'y voit que

des vers, de la cendre & de la cor

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