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trême foibleffe, & operons notre falut avec crainte & tremblement. N'oublions pas que toute notre vie est Job. 1. un combat; ne nous diffimulons pas à nous-mêmes que nous avons en nous

un ennemi irréconciliable. Tenonsnous fur nos gardes, & ne ceffons point d'invoquer le fecours du Toutpuiffant, afin qu'il nous donne la victoire que nous ne pouvons remporter par nos propres forces.

Nous le voyons par l'exemple de ces faints folitaires, qui après avoir tout quitté, leurs biens, leurs parens, leur païs, après avoir vécu pendanṛ plufieurs années dans des jeûnes continuels, dans les exercices laborieux de la penitence, dans une vie toute de priere, fe plaignoient à Dieu avec. gémiffement, de ce qu'ils trouvoient encore en eux-mêmes une fource inépuifable de tentation.

3. C'est ce qui fait que quelque paix. que nous fentions en nous, nous ne devons pas nous y fier. Nos paffions qui ne font qu'affoupies peuvent être réveillées par le moindre bruit. Quand ce qui refte en nous d'orgueil & d'amour propre eft irrité par quelque injure qu'on nous fait, ou par quelqu'au

tre chofe qui nous déplaît, il fe remue auffi-tôt, & il fe trouve peu de gens qui demeurent infenfibles à une perte confiderable, ou à quelque grande injuftice.

4. Quand perfonne ne nous donne de louange, nous pouvons aifément ne les point defirer; mais fi elles s'offrent à nous, il eft bien difficile que nous n'y prenions point de part.Quand nous ne voyons point en nous de talens qui nous élevent au-deffus de nos freres, nous ne fommes point tentez de fortir de notre rang pour nous mettre dans les premieres places; mais s'il nous paroît que nous ayon's plus de lumiere & de pieté que les autres, il est bien mal aifé que nous n'entrions dans l'efprit du Pharifien de Luc. 18. PEvangile, & que nous ne nous élevions au-deffus de nos freres. Il en eft

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de même de toutes les autres affections, elles fe montrent & nous agitent avec violence auffi-tôt qu'elles font réveillées par quelque tentation, & hous ne fortons prefque jamais de ces for tes de combats que nous n'y recevions" quelque plaïe.

5. Les perfonnes les plus faintes por tent pendant cette vie une chair de

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peché, & elles y font tellement affu- Rom. 74 jetties, qu'elles ne font pas toujours le bien qu'elles veulent, & font fouvent le mal qu'elles condamnent: elles fe plaifent dans la loy de Dieu, felon l'homme interieur: elles font beaucoup d'actions faintes par la par la grace de Jefus-Chrift, mais elles ne font pas tout le bien qu'elles defirent, parce, qu'elles font encore charnelles & qu'elles fentent dans les membres de leur corps une loy étrangere qui combat contre la loy de leur efprit, & qui les rend captifs fous la loy du peché, c'est-à-dire, qui leur fait commettre plufieurs fautes, quoique l'efprit de Dieu qui domine en eux, les empêche d'en faire aucune qui donne la mort à leur ame.

6. L'état où nous fommes en cette vie, est une preuve continuelle de cette verité. Nous ne faifons prefque rien pour conferver la vie de notre corps, qui ne reveille notre convoitife, & qui ne nous foit une occafion de peché. Nous fommes obligez de manger, de dormir, de nous repofer, d'accorder beaucoup de fous lagement à nos fens, fans lefquels nous ne faurions fubfifter, Mais il eft

mal aifé de favoir exactement la me fure de ce que nous leur devons accorder, & encore plus de la garder quand nous la connoîtrons ; & cependant nous ne pouvons paffer cette mefure, fans donner quelque chofe à la cupidité, & fans tomber dans quelque faute; car nous devons quelque chofe à la confervation de notre vie & de notre fanté : mais nous ne devons rien à notre chair, comme nous l'apRom. 3. prend faint Paul: Debitores fumus non carni ut fecundum carnem vivamus.

C

Les du monde font obligez gens de conferver leur bien

pour fai re fubfifter leur famille, & en affifer les pauvres : mais où font ceux qui s'acquittent de ce devoir fans y faire de faute, & fans tomber dans quelque forte d'avarice, ou au moins fans fe laiffer aller à quelque inquietude humaine? Nous ne pouvons nous difpenfer de converfer avec les hommes, mais le faifons-nous toujours d'une maniere pleine de charité, de fincerité, de fimplicité, avec prudence, avec retenue, & avec une fage condefcendance? Nous devons fouffrir les défauts de nos freres avec ne patience qui foit à l'épreuve de

tout

tout ce qu'ils nous peuvent faire; & cette patience doit être cachée fous une extrême douceur. Qui eft cependant affez heureux pour s'acquitter exactement de ces obligations?

Enfin il faut que la charité nous transforme en tout ce qui peut être utile au falut de ceux avec qui nous vivons, & que nous veillions en forte fur nos paroles & fur nos actions, que nous ne difions & que nous ne faffions rien qui ne les édifient. - Voilà ce que Dieu nous commande, voilà ce que nous devons faire pour nous acquitter de ce que nous devons à notre prochain, voilà même ce que nous voulons accomplir; mais parce que nous le voulons trop facilement, nous ne l'accompliffons jamais, & nous faifons beaucoup de fautes, où nous engage notre foibleffe.

CHAPITRE XI.

Difference des juftes d'avec les grands 1. pecheurs.

N ne peut douter que

les chré

tiens qui font fidéles à Dieu,

Tome I.

D

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