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frayer dans la foibleffe où ils font encore, mais de travailler en fecret à leur guérifon, & de leur prefcrire les re-. medes neceffaires, fans leur marquer ni leur faire beaucoup fentir qu'on travaille à détruire cette même paffion.

C'est ainsi qu'un beneficier, aiant quelque fcrupule d'avoir un caroffe & confultant fur ce fujet un ecclefiaftique très-éclairé , cet ecclefiaftique lui témoigna méprifer fon fcrupule, parce qu'il fe reservoit à lui faire quitter une cure qu'il poffedoit, & qu'il jugeoit cela beaucoup plus important à fon falut, auffi-bien que très-capable de ruiner fa paffion dominante, & de lui ôter même infailliblement fon caroffe.

XV I.

Des avis qu'on peut donner aux penitens par rapport à leurs differentes paffions.

I

L y a des perfonnes affez reglées, & qui craignent Dieu; mais qui ne font rien qu'avec beaucoup de pareffe & une extrême lâcheté. Soit qu'elles prient, ou qu'elles travaillent, elles ne font aucune violence pour furmonter leur lenteur naturelle; & quoiqu'elles fe portent à des exercices faints par la lumiere de la foy, elles ne les pratiquent qu'avec une étrange tiédeur, & d'une maniere fort imparfaite. On ne peut douter que la pareffe ne foit leur plus grande paffion, puifque c'eft ce qui les fait manquer davantage à leurs devoirs, & qui fans dominer abfolument dans leur cœur, jufqu'à y éteindre entierement la charité, altere leurs bonnes œuvres par le mélange d'un plus grand nombre de défauts.

Il faut les obliger de méditer fou

48. 10.

Apoc. 3.

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vent cette parole de Jeremie: MatJeremie heur à ceux qui font l'ouvrage de Dieu avec négligence: & celle-ci de l'Apocalypfe; Parce que vous êtes tiédes 16. je vous rejetterai de ma bouche; auf fi-bien que leur reprefenter que, felon S. Ambroife, il eft très-dangereux d'avoir la foi fans la chaleur de la foi, & qu'elles doivent craindre de ne rien faire pour Dieu, quelque chofe qu'elles prétendent faire pour fon fervice, lorfqu'elles s'y appliquent d'une maniere fi indigne de fa divine majesté.

Il y en a qui étant d'un naturel vif & impatient, agiffent en tout avec beaucoup d'impetuofité; & non contens de fe remuer continuellement avec autant de précipitation que d'agitation, ils ne peuvent fouffrir ceux qui agiffent d'une maniere plus moderée, non plus que fe fouffrir euxmêmes quand ils n'ont point d'occu pation exterieure.

Au lieu que les pareffeux dont nous venons de parler fe plaignent d'avoir trop d'affaires, ceux-ci trouvent qu'ils n'en ont jamais affez › parce qu'ils prennent un extrême plaifir à fe diffiper, & à s'occuper au dehors jufqu'à

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fe mêler de tour, & à croire que rien n'eft bien fait s'ils n'y mettent la main. Mais ils doivent confiderer que JefusChrist ayant en quelque forte reproché à Ste. Marche, l'empreffement avec lequel elle fe portoit à le fervir, nous a apris dans la perfonne de cette fainte, qu'il ne nous eft jamais permis d'avoir de l'empreffement pour quelque fujer que ce foit; parce que cette agitation nous aveugle & nous ôte la préfence de Dieu, qu'elle nous éloigne de notre cœur &

u'elle nous fait oublier ce que nous qu'cons notre devons à notre prochain, ou rend inutile tout ce que nous entreprenons pour lui. Si nous courons dans la carriere de la pieté, notre courfe ne fert qu'à nous égarer de la vraie voie : & fi nous travaillons beaucoup à la pratique des bonnes œuvres

t

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notre

travail où nous ne cherchons qu'à
nous fatisfaire, ne fert auffi qu'à nous
laffer, fans nous procurer que la ré-
compenfe ftérile de cette vaine fatis-
faction qui nous rend plus pauvres &
plus foibles
que nous n'étions aupara

vant.

Il y en a d'autres fi chagrins & de

fi mauvaife humeur,

pleins de foupMm j

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çons & de défiances; qu'ils ne peu vent trouver ni lieu ni occupation, qui ne leur déplaife & ne leur ennuye. Ils trouvent que les travaux un peu pénibles, font au-deffus de leurs forces, & que les exercices faciles ne les occupent pas affez. Lorfqu'ils travaillent feuls, la folitude augmente leur mauvaise humeur : & lorfqu'ils font employez avec d'autres, ils ne peuvent s'accorder avec eux. Tout ce qu'ils voyent faire les bleffe; les actions les plus innocentes les fcandalifent: & comme ils interpretent tout en un mauvais fens, ils donnent toujours le tort aux autres, fans jamais fe condamner eux-mêmes: Il leur femble qu'ils ne commettroient point de fautes, fi on ne leur faifoit point d'injuftice; & moins ils ont de charité pour fupporter leurs frères, plus ils s'imaginent qu'on en manque à leur égard. Il faut donc tâcher de leur faire connoître, que leurs maux & leurs peines viennent du déreglement de leur cœur; & qu'ils feroient en paix, fi leur cœur étoit d'accord avec la fouveraine raifon. En effet, ils ne trouveroient rien au dehors qui les roublât, & ils fupporteroient tout

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