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core qu'ils ne foient pas fans cupidité, & que cette cupidité produife toujours quelque mauvais effet; neanmoins s'ils combattent avec fidelité ce peché qui habite encore en eux, s'ils travaillent à le détruire, s'ils l'affoibliffent tous les jours, il ne fera pas en état de dominer fur leur cœur; il ne les empêchera pas d'éviter tout le mal qui feroit capable de les perdre, ni de faire tout le bien qui eft néceffaire à leur falut.

Il eft vrai qu'ils font encore environnez d'un corps de corruption, qui les fait gémir de ce qu'ils font fi peu de bien, & de ce qu'ils le font fr imparfaitement; mais enfin s'ils invoquent Jefus-Chrift, s'ils ont recours à ce medecin tout-puiffant, ik les guérira peu à peu de toutes leurs foibleffes, & il leur donnera par fa grace, une pleine & entiere victoire fur le peche.

CHAPITRE XIII.

L'ignorance & la cupidité jointes enfemble rendent la converfion très-difficile.

1. Ignorance & la cupidité, felon qu'elles font differemment join

tes enfemble, forment une infinité de divers pechez. Notre ignorance favorife toujours notre cupidités car nous nous portons avec plus de liberté & de, hardieffe à un mal que nous ne connoiffons point être mal, & que nous prenons pour un bien. Et de même notre cupidité produit plus ou moins de tenebres, felon qu'elle est plus ou moins grande; & elle peut arriver jufqu'à un tel degré qu'elle obfcurcit entierement notre efprit, qu'elle déregle notre cœur, qu'elle nous détourne de faire attention aux veritez qui nous pourroient detromper, qu'elle affaiblit tellement nos yeux qu'ils ne peuvent plus fupporter la lumiere: & enfin notre paffion & notre aveuglement croiffant l'un avec

l'autre ;

f'autre, ils nous font enfin aimer les tenebres & haïr la lumiere; ils nous engagent dans le peché, ils nous portent à le commettre avec joie, & avec la même fatisfaction que fi nous faifions de bonnes œuvres.

2. De quelque aveuglement que nous foyons frappez, nous en pouvons guérir quand notre cupidité est foible; car alors nous ne refiftons pas à la verité fi elle se presente à nous avec toute fa force : & on peut dire de même, qu'il n'y a point de paffion fi violente que nous ne puiffions furmonter, s'il nous refte encore affez de lumiere pour la voir telle qu'elle eft, & pour la condamner. Il est comme impoffible que nous connoiffions bien notre peché, qu'il ne nous fasse horreur, & que cette horreur ne nous oblige enfin à le quit

ter.

per

Un ufurier, par exemple, qui n'exerce l'ufure que parce qu'il a été fuadé dès fon enfance qu'elle eft permife, peut fortir aifément de fon erreur, quelque groffiere qu'elle foit s'il rencontre quelqu'un qui l'éclaire; parce que fon cœur n'eft pas entiere

ment corrompu.

Tome I.

E

On peut dire auffi qu'un avare qui aime beaucoup fon argent, mais qui voit le crime qu'il commet en l'aimant, & qui en eft continuellement averti par les remors de fa confcience, peut être guéri par la verité fi on la lui reprefente bien fortement puifqu'il peut encore l'écouter & qu'il n'eft pas entierement fourd.

En ces deux rencontres la verité peut venir à notre fecours, nous la pouvons oppofer à notre paffion, clle peut nous en délivrer, & nous en rendre victoricux. Mais quand notre ignorance & notre cupidité ont fait enfemble une étroite alliance, le peché alors domine tellement en nous, qu'il nous eft comme impoffible d'en fortir fans un miracle extraordinaire de la grace & de la mifericorde de Dieu.

3. Pourquoi y a-t-il fi peu d'herctiques, de Juifs, de Mahometans de grands pecheurs, & fur tout de riches qui fe convertiffent? C'est qu'ils ne font pas moins aveugles que corrompus; ils font dans les tenebres & ils aiment leurs tenebres, ils s'y plaifent, & les préferent à la lumiere ; de-là vient l'opiniâtreté qui les porte

à réfifter avec tant de chaleur à ceux
qui les veulent détromper, & qui est
telle qu'on peut dire d'eux cette pa-
role de David: Noluit intelligere ut be- PC. 35.45
ne ageret. Ils ne veulent point con-
noître les voies de la verité, parce
qu'ils ne veulent point y entrer; ils
ne veulent point le convertir, & en
punition de la dureté de leur cœur, ils
ne fe convertiffent jamais.

Rom. II.

Ce font ces fortes de gens qui felon l'Evangile, font d'autant plus a- Joan. 9; veugles qu'ils fe croyent plus éclai- v. 40-41 rez; qu'ils font fages à leurs yeux, 15. & fi pleins des fentimens de leur propre fageffe, qu'ils n'écoutent jamais rien de ce qu'on leur dit pour leur propre falut, parce qu'ils ne font attentifs qu'à ce que leur amour propre leur met dans le cœur : Non recipit Prov.18 fultus verba prudentia, nifi ea dixeris 2. que verfantur in corde ejus.

4. Notre amour propre eft une fource très-abondante de fauffes lumieres & de fauffes raisons, & il a l'induftrie de nous les faire approuver, quelques extravagantes qu'elles foient quoiqu'elles ne foient que des productions monftrueufes d'un efprit déreglé, nous ne laiffons pas de

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