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du fecours pour nous avancer dans la pieté; nous y trouvons au contraire de très-dangereufes tentations. S'ils nous font amis & que nous trouvions de la confolation dans leur entretien, nous fommes tentez d'avoir pour eux trop de complaifance, & une amitié toute humaine; mais s'ils nous haiffent & s'ils nous maltraitent, nous concevons aifément contr'eux de l'averfion, & nous fommes tentez de leur rendre haine pour haine. S'ils paroiffent avoir beaucoup d'efprit, de vertu, d'induftrie, & qu'ils foient fort au-deffus de nous; nous en faifons le fujet de notre jaloufie, & nous fommes portez à chercher les moyens de les rabbaiffer.S'ils n'ont rien de grand, s'ils font foibles & imparfaits, nous en faifons le fujet de notre mépris, nous les mettons beaucoup au-deffous de nous, & nous ne manquons pas dans les occafions de témoigner le peu d'ef time que nous en faifons.

Nous trouvons même dans nos fuperieurs & dans ceux de nos freres; qui font profeffion de pieté, dequoi nous affoiblir & dequoi offenfer Dieu, S'ils nous traitent avec rigueur, nous nous en plaignons comme d'une

injuftice: s'ils ont de la condefcendance pour nos foibleffes, nous les accufons de negligence;& nous les croyons coupables de toutes les fautes que nous faifons, parce qu'il nous femble que nous ne les ferions pas, s'ils nous en reprenoient plus feverement.

La feule vûe de nos freres fuffit pour agiter beaucoup notre imagination & pour occuper entierement notre efprit. Il n'y en a prefque aucun où nous ne blâmions quelque chofe. Nous examinons toutes leurs actions avec malignité: & le fecret defir que nous avons d'y trouver dequoi condamner, fait

que nous en voyons toûjours affez pour prendre la hardieffe d'en parler aux autres avec legereté, & d'en juger témerairement. Enfin il femble que toutes les creatures qui nous environnent n'ont de force & d'attraits que pour nous attirer au peché; elles confpirent toutes à nous perdre; elles font toutes enfemble un torrent impetueux, qui entraîne & qui fait perir tous ceux qui s'expofent à fon cours: elles empoifonnent l'air que nous refpirons, & elles font comme autant de bêtes farouches qui nous menacent de nous dévorer.

Nous trouvons des tentations très-dangereufes dans l'exercice même des

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bonnes œuvres.

'IL étoit vrai que nous euffions évité tous les dangers dont nous venons de parler, & que malgré cette multitude infinie d'ennemis, qui cherchent notre perte, nous fuffions arrivez jusqu'à une grande perfection; ce feroit alors que nous aurions plus de fujet de craindre, & que nous ferions peut-être plus dangereufement tentez. Il y a des anges qui font devenus a- Job 4. poftats dans le ciel : & nos premiers Genef. 33 peres ont perdu leur innocence dans le paradis. Rien n'eft plus capable de porter à l'orgueil des hommes foibles de fe voir dans un

comme nous ,

que

haut degré de vertu.

Si la moindre apparence de bien qui femble être en nous, & qui n'eft peut-être qu'une fauffe apparence, nous porte à nous élever; fi les moindres louanges ne laiffent pas de nous donner de la complaifance, quoique notre confcience nous avertiffe qu'il n'y a rien en nous d'approchant de l'i

18,

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dée qu'on forme en notre faveur ; que feroit-ce fi nous nous voyions, comme au troifiéme ciel élevez, par notre vertu, au-deffus des autres hom

mes?

Quoique nous foyons remplis de défauts qui nous devroient humilier, quand nous nous regardons par de certains endroits, & avec les yeux de l'amour propre, nous fommes tentez de Luc 18. dire comme le Pharifien, que nous ne fommes pas comme les autres hommes. Que feroit-ce dont fi nous ne fentions point le poids qui nous tient attachez à la terre, & qui nous rend tout terreftres, afin que nous reconnoif1.Cor. fions que ce n'eft pas nous qui faifons 10. le bien, mais que c'eft la grace de Je fus-Chrift, & Jesus-Chrift même qui le fait? Il faut pour nous obliger de rendre cette gloire à Dieu, que nous fentions nos infirmitez , que nous experimentions notre impuiffance, qu'un grand nombre de pechez que nous commettons toûjours, & que nous ne pouvons corriger, nous contraignent d'avouer que nous ne pouvons rien; que nous ne fommes rien,' & que nous nous trompons fi nous penfons être quelque chofe.

Galat; 6.

3.

Le

Le danger où nous mettent les tentations, nous oblige d'avoir recours à gefus - Chrift; qui a voulu être tenté & être victorieux, pour nous faire part de fes victoires.

Our nous défendre de cette mul

Ptitude de tentations qui nous en

vironnent, que nous rencontrons par tout dans tous les temps de notre vie, qui attaquent les forts & les foibles, & qui s'élevent plus vivement contre nous, lorfqu'il femble que nous les avons toutes vaincues; nous fommes obligez de chercher le fecours de celui qui a voulu être tenté, afin que la Matth victoire qu'il remporteroit en combattant contre le demon, & le monde, nous fût commune avec lui. C'est l'efperance qu'il nous a donnée lorfqu'il a dit: Confidite, ego vici mun – Joan, 36, dum; AYEZ confiance, j'ai vaincu le $3. monde.

Il n'y a rien de fi terrible que le monde, où periffent tous les jours tant de millions d'ames. Mais fi nous fomTome I.

X x

1.4.

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