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les préférer aux veritez les plus claires & les plus conftantes : nous les aimons parce qu'elles ont pris naiffance dans notre cœur, & nous nous y foumettons autant que nous les ai

mons.

Quiconque a un tel tel caractere d'efprit & de fi mechantes difpofitions, eft dans un extrême danger de fe perdre car à mesure qu'il s'engage dans le peché, fes paffions croiffent & font croître fes tenebres, & en croiffant elles lui cachent les lumieres neceffaires au falut, & achevent d'éteindre dans fon coeur ce qui peut y refter d'efprit de pieté.

CHAPITRE XIV.

Des pechez d'attache où peuvent tcmber les perfonnes qui font profeffion de fervir Dien.

I.

C

E n'eft pas feulement dans les grandes erreurs contre la foi, & dans les paffions criminelles que nous devons craindre les tenebres, & la corruption qui attachent fi mife

rablement notre cœur au peché; il faut craindre d'être attaché même aux plus petites choses. Si nous ne pou vons éviter de faire des fautes, il faut éviter de les aimer, de s'y attacher, de les approuver & de nous y répofer long-temps. Il ne faut pas donner créance aux menfonges, & aux déguifemens de notre amour propre, fous lefquels il fe cache pour nous furprendre. Car alors les fautes qui paroiffent petites par elles-mêmes, peuvent devenir très-confiderables & très-dangereufes, fi notre affection nous y at

tache.

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Il n'y a rien de fi commun que de voir des perfonnes qui fe paffionnent; & s'entêtent pour des bagatelles. Or qui doute que ces paffions & ces entêtemens quoiqu'ils n'ayent pour objet que des chofes de très-peu d'importance, ne faffent beaucoup de défordres dans l'ame où ils fe rencontrent, & qu'ils ne fcandalifent notre prochain, & ne déplaisent beaucoup

à Dieu.

2. On fera facilement convaincu de ces veritez, fi l'on confidere que dès que nous fommes attachez à nos penfées en de petites chofes comme

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dans les grandes, nous n'écoutons plus les raifons dont on fe fert pour nous détromper, & nous nous rendons encore moins au poids de l'autorité qu'à la force de la lumiere.

Il n'eft pas étrange que celui qui s'eft rendu efclave de fa paffion, & qui lui a donné une fouveraine puiffance fur fon cœur, fuive toujours fon parti, lui obéïffe en tout & ne reconnoiffe point d'autre maître; mais ce qu'il y a de furprenant, c'eft de voir qu'il refte encore dans ceux qui ont vaincu leurs paffions, un entêtement pour leurs penfées dont ils no peuvent fe défaire.

3. De-là naiffent tous les troubles que l'on voit dans les maifons religieufes & dans les familles chré→ tiennes. Quand un fuperieur trouve des efprits fi attachez à leur fens, & à leur propre volonté, qu'ils ne fe rendent jamais à fes raifons, & qu'ils réfiftent toujours à fon autorité, quoiqu'en de petites chofes, il y a tout fujet de craindre que ces petites chofes ne produifent de grands défordres.

Notre vie n'eft compofée que de petites actions que nous recommençons tous les jours; que fi ces actions

fe font fans aucune regle, fi nous en faifons beaucoup dans un efprit d'indépendance, fi nous y fuivons autant qu'il nous plaît notre propre vo lonté, en rejettant le confeil de nos amis & l'autorité de ceux que Dieu nous a donné pour fuperieurs, nous rejettons Dieu même, nous nous entretenons dans des divifions qui peuvent avec le temps alterer beaucoup la charité, & avoir des fuites très-fâcheufes.

4. Que fi l'on trouvoit dans un mónaftere, plusieurs perfonnes qui euffent des répugnances infurmontables à toutes les obéïffancés où l'on les jugeroit propres, & qui n'euffent d'affection qu'à celles qu'on croiroit leur être dangereufes, ne jetteroient-elles pas la communauté dans une étrange confufion? & ne mettroient-elles pas leurs fuperieurs dans l'impuiffance de les fervir dans l'ouvrage de leur falut? I eft rare qu'un religieux qui a quelque crainte de Dieu, refifte à fon fuperieur en des chofes fi importantes. Les déreglemens des maifons religieufes, ne commencent jamais que par la liberté qu'on fe donne de faire fa volonté en de petites chofes, & de

ne s'affujettir pas à de certains reglemens qui paroiffent de moindre im portance.

D'abord on ne fait pas fcrupule d'une attache qui femble peu confiderable; mais telle qu'elle foit, elle ne laiffe pas d'être la fource quelquefois d'un grand nombre de fautes; & puis il arrive facilement que quand on ne refifte point à une attache, il s'en forme une feconde, & une troifiéme.

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par

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Il eft aifé que celui qui s'eft porté par une affection déreglée à un fentiment particulier, le faffe encore dans d'autres occafions; & il eft à craindre qu'il ne nuife fon mauvais exemple, & qu'il n'augmente fon peché. 5. Lorfque nous demeurons ainsi attachez à notre faute, quelque petite qu'elle foit nous nous mettons encore en danger de tomber dans une telle dureté de cœur, que rien ne puiffe plus nous en donner de la crainte, ni le defir d'en fortir. Quelque charité qu'ayent pour nous nos fuperieurs & nos freres quelques bons exemples qu'ils nous donnent,' quelques larmes qu'ils répandent; rien de tout cela ne fçauroit nous fervir fi notre orgueil continuë de nous fai

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