V.

Que fi leur vie eft toute feculiere & toute mondaine, au dehors leurs difpofitions interieures font encore plus mauvaises. Leur cœur eft une mer toûjours agitée des plus violentes tempêtes: ils aiment beaucoup leurs commoditez & leurs richeffes: ils ne refusent rien à leur curiofité, ni à leurs fens: ils ont une étrange horreur de la pauvreté, des fouffrances des humiliations, des mépris & de tout ce que l'on appelle des croix : ils croyent affez fouffrir pour leur falut, quoiqu'ils ne fouffrent que malgré eux, & qu'ils n'ayent point d'autres peines que celles qu'ils fe font à euxmêmes par leur impatience, par leur promtitude, par leur legereté & par les autres deréglemens de leur efprit, dont ils tâchent quelquefois de retrancher les excès, mais inutilement parce qu'ils ne mettent jamais la coignée à la racine.

VI.

Puifqu'il n'y a plus dans le monde

aucune idée d'un veritable chrétien, ni d'un veritable penitent; il faut en inf truire ceux qui témoignent defirer de fe convertir, & de mener une vie nouvelle. Il faut leur apprendre qu'un chrétien eft un homme qui n'aime plus le monde ; ni rien de ce qui eft dans le monde, qui a renoncé à foi-même, à fes plaifirs, à fes commoditez & à la gloire des hommes, qui fe trouve heureux dans la pauvreté, dans l'humi→ liation, dans les fouffrances, & qui en rend graces à Dieu.

VII.

Un vrai penitent doit commencer par fe regarder comme un ver de terre, comme l'opprobre des hommes & comme le but de toute forte de contradictions. La vûe continuelle qu'il a de ce que meritent fes pechez, lui fait juger qu'il ne peut jamais affez fouffrir pour fatisfaire à la juftice de Dieu; & cela lui fait fouhaiter fi ardemment les humiliations & les croix, qu'il trouve toûjours les fiennes trop legeres & trop douces.Il prie Dieu de les lui augmenter, & d'augmenter en même temps fa patience & fa force. Comme

529 Comme il fait l'abus qu'il a fait des biens du monde il est réfolu d'en fouffrir la perte, & de l'eftimer un grand gain; c'eft pourquoi il ne refifte point à celui qui lui ôte fon manteau ̧ & il eft prêt même de lui abandonner fa robe. Il adore l'ordre & la providence de Dieu dans toutes les violences qu'on lui fait; il les reçoit avec une entiere foumiffion, & au lieu de s'en plaindre, il reconnoît humblement que quelque injufte que foit la conduite des hommes à fon égard, Dieu ne la lui laiffe fouffrir qu'avec beaucoup de justice.

VIII.

Afin de ne pas tromper ceux qui defirent faire penitence, il faut leur reprefenter d'abord que leur volonté leur a jufqu'alors fervi de regle; qu'ils ont fuivi les vûes de leur efprit & les mouvemens de leur cœur ; & qu'ils ont marché dans la voie large du monde: mais qu'à l'avenir, ils doi- Math: vent s'éloigner de toute leur con- 14. duite précedente; renoncer à tout ce qu'ils font devenir de nouvelles créatures; retrancher & rejetter tous Y y

Tome I.

7.13.&

les defirs de la terre, & entrer dans Luc 14. une voie très-étroite; où ils fe chargent d'une pefante croix, où ils foient couronnés d'épines, & où ils meurent entierement à toutes les affeçtions & à toutes les paffions déreglées.

26.27.

&33.

IX.

Ils font indifpenfablement obligés d'avoir fans ceffe les yeux fur JefusChrist, pour le regarder comme leur maître & leur modele; d'être attentifs à fes paroles; de graver fes maximes & fes regles dans leur cœur ; & de conformer en tout leur conduite à la fienne; de preferer fon extrême pauvreté à tous les avantages de la terre; de vivre comme lui dans les travaux; de ne pas prétendre non plus Matth. que lui être dans le monde, pour être 20. 25. fervi, mais pour fervir leurs freres; & enfin de ne mettre point de bornes à leur obéïffance, mais de la porter jufqu'à fouffrir la mort avec les fupplices les plus cruels & les plus honteux. Les regles de l'Evangile leur défendent de rendre le mal pour le mal, & leur ordonne de vaincre les Rem. injuftices à l'égard de leurs perfecu

12.17.

teurs, par des actions de douceur & de charité, & par toute forte de bons offices; fachant qu'il leur a laiffé l'exemple de fouffrir comme il a fouffert pour eux; & qu'il les a obligez 1. Petr. de le fuivre & de l'imiter en cela, auffi-bien que dans les autres circonftances de fa conduite.

X.

2. 21.

le Joan. 15.

20. &c.

A&. 14.

Comme il eft la verité mêine, ce qu'il nous a prédit, ne peut manquer d'arriver. Or il nous a prédit que le monde haiffoit & perfecutoit les veritables chrétiens, jufques à les affliger de toute forte de maux. Ses apôtres nous ont auffi déclaré, que nous ne Heb. 10. pouvons entrer autrement dans fon royaume; que l'épreuve des afflictions s. & 27. eft entierement neceffaire pour nous purifier; & qu'ainfi nous devons d'au- 12. tant moins les trouver étranges, que 1. The nous fommes mêmes deftinés à les fouffrir.

XI.

C'eft ainfi que Dieu traite tous ceux qu'il appelle fes amis & fes freres. Saint Jean avoit été prévenu de

gra

36.

Eccl. 2.

6.

1. Pet.4.

3.3.