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facrileges qui les rendent de plus en plus indignes de recevoir l'efprit d'une veritable componction.

Ainfi plus ces confeffions font frequentes, & plus on y amaffe de corruption; comme ne fervant en effet qu'à augmenter nos tenebres, à nous endurcir,& à étouffer tous les remords de notre conscience, elles fe changent en des fources de pechez: car pendant que notre aveuglement nous empêche de voir le defordre de notre conduite & de nos actions criminelles, nous nous y portons d'autant plus hardiment, que ni la crainte de Dieu, ni celle des hommes, ni aucune autre confideration ne nous retient ; & qu'ainfi nous y confervons autant d'affurance & de repos, que dans la conduite la plus innocente & dans les meilleures œuvres.

Quoique cette difpofition foit capable d'engager à des crimes très-énormes & entierement extraordinaires, ceux en qui elle fe rencontre, le démon neanmoins fe contente fouvent que plufieurs d'entr'eux, fans tomber dans de grands excès, vivent affez mal pour fe perdre, & demeurent dans des pechez qui étant communs. parmi les Tome I. Ccc

gens du monde, ne les troublent pas beaucoup, ni ne les obligent de penfer à une plus folide & plus efficace penitence, que n'eft une confeffion qu'on réitere toûjours fans jamais changer de mœurs & de vie. Comme il eft encore utile au prince des tenebres, que ce qui peut fervir à l'établissement de fon royaume ait quelque apparence de bien pour furprendre plus facilement les hommes; il permet que ceux mêmes qui font engagez dans des crimes dont ils ne se retirent jamais, alient une pieté apparente avec une vie fi déteftable & qu'ils pratiquent entierement toutes les bonnes œuvres qui ne font pas directement oppofées à leurs inclinations. Cela les fait paffer pour des gens de bien, & pour des ferviteurs de Dieu, principalement s'ils ont quelques talens qui leur donnent de la réputation; s'ils prêchent bien; s'ils traitent d'une maniere élevée les veritez & les myfteres de la religion; s'ils s'appliquent beaucoup à la priere, & s'ils difent fouvent la meffe avec des marques de dévotion.

L'ancien ferpent qui a mille artifi ces & mille moyens de tromper les

hommes, tâche furtout de les poffeder fûrement. Or il n'y en a point qui fe convertiffent moins que ceux. dont les déreglemens ne paroiffent pas,' dont l'orgueil nourri d'aplaudiffement, de flaterie & de louange, ne peut fe réfoudre à l'humiliation de la penitence, parce qu'elle feroit voir ce qu'ils font en effet.

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Le facerdoce eft un étrange piege pour beaucoup de gens : & la peine qu'on a d'y renoncer, caufe l'impeni tence d'un grand nombre de pecheurs, qui ne pouvant exercer un fi divin miniftere fans d'étranges profanations & préferant néanmoins la gloire du monde à leur falut, ne laiffent pas d'en continuer les fonctions contre les regles de Dieu & de l'Eglife. Il feroit fouvent utile à ceux d'entr'eux à qui il refte quelque confcience de tomber dans des defordres qui les deshonoraffent tellement devant le monde, que leur confufion & leur honte les contraignît de fe cacher dans quelque folitude, où ils puffent plus aifément fe réfoudre à une veritable penitence, & où ils ne fe contentaffent plus pour toute chofe de réiterer leurs confeffions. Que s'il fe

rencontre que ces Ecclefiaftiques & ces Prêtres déreglez foient encore celebres Predicateurs, on peut presque s'affûrer qu'ils ne fortiront jamais de leurs defordres, parce qu'ils fe fervent de la parole de Dieu pour établir leur propre gloire, pour avancer leur fortune, pour fe donner entrée dans les compagnies les plus feculieres, & enfin pour fatisfaire toutes leurs paffions. Hs nuifent en cela auffi bien aux autres qu'à eux-mêmes, faifant ferviz le miniftere de Jefus-Chrift aux interêts du demon ; & s'ils ajoûtent à la prédication de la parole de Dieu la direction des confciences, il n'y a point de mal qu'ils ne puiffent commettre, & perfuader à ceux qui fe trouvent malheureufement foumis à leur conduite. C'eft de ces fortes de perfonnes dont on peut dire après faint Auguftia, que leurs vices n'empêchent point qu'ils ne foient honorez dans le monde, à caufe que la fainteté de leurs emplois les couvre, & qu'ils s'élevent par leur orgueil-au-deffus de tous les hommes, au même tems que l'excès de leurs crimes les rabaiffe au deffous de tous les autres pecheurs.

De certaines perfonnes que Dieu conserve dans une grande innocence, & qu'il fanctifie même fans qu'elles reçoivent aucun fecours de la part des hommes.

L

A medecine qui regarde les ames a de grands rapports avec celle qui regarde les corps: elles ont l'une & l'autre des principes & des regles très-femblables. Comme il y a plufieurs malades à qui les meilleurs remedes ne fervent de rien, l'Ecriture Sainte nous affûre, qu'il y a des pecheurs que rien ne peut corriger. Mais auffi comme il y a des corps f bien compofez qu'ils ne craignent ni la faim, ni la foif, ni le travail, nile chaud, ni le froid, ni d'autres plus grandes & plus dangereufes incommoditez; il y a des ames tellement favorifées & foûtenues de Dieu,qu'encore qu'elles manquent de tout fecours humain, elles ne laiffent pas de conferver & de faire croître en elles la vie de la grace au milieu des plus grands perils, & des plus épaiffes te nebres,

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