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re croire qu'ils ont moins de lumiere & de raifon que nous : car ce font les fentimens que notre attache nous infpire alors.

6. C'est ainfi que les moindres fau tes deviennent grandes, quand nous nous y portons avec une pleine volonté, que nous nous y livrons tout entier, que nous y prenons beaucoup de plaifir, que nous nous y arrêtons long-temps, que nous nous y attachons fortement, que nous les continuons toujours, que nous ne nous en repentons point, que nous n'en faifons point de penitence, ou que nous ne la faifons que négligemment.

7. C'eft une faute legere de dire quel que parole inutile; mais fi on em ploye une efpace de temps confiderable en des entretiens qui ne fervent de rien,' fi on cherche les occafions de s'amufer fi on y prend du plaifir, fi cet amufement nous empêche de nous bien acquitter de nos devoirs, qui doute que ces fortes de pechez ne foient trèsdangereux, & que nous ne les devions extrêmement craindre, comme pouvant être les commencemens de notre perte ?

8. Si nous avions un ami dans le

monde, & qu'en fa prefence nous priffions plaifir à l'offenfer, quoiqu'en des chofes fort legeres, n'auroit-il pas raifon de croire que nous aurions renoncé à son amitié ? Et pourrionsnous nous plaindre de lui, s'il renonçoit à la nôtre? Si un fujet, au lieu d'être tout à fon prince, entretenoit un commerce continuel avec fes ennemis, & s'il les fervoit, quoiqu'en des chofes de peu de conféquence, ne mériteroit-il pas d'être traité d'infidele, & d'être puni comme un criminely Jacob. 1. Dieu eft jufte, & quoique fes mifericordes foyent au-deffus de fes jugemens, il ne peut néanmoins fouffrir d'injuftice, fans la punir de la peine Matth. qui lui eft dûe: Nous ne pouvons 4. 24. tout enfemble fervir deux maîtres. Aur moment qu'un amour étranger tient notre cœur attaché à quelque créature, nous ne fommes pas affez à Dieu & fi nous n'y remedions bien-tôt, notre faute peut croître de maniere qu'elle nous faffe mériter d'être traitez comme des ennemis, ou au moins comme de mauvais ferviteurs.

13.

Je fçai que toute attache ne va pas jufqu'à un tel excès; mais il eft vrai zuffi qu'elle eft fouvent beaucoup plus

mauvaise

que nous ne le penfons, & que ne le penfent ceux mêmes qui ont foin de notre confcience. Il eft vrai outre cela que les moindres at taches peuvent croître, & croiffent en effet fi nous n'y apportons du remede; il eft de notre interêt d'arracher promptement une fi mauvaise plante de notre cœur, de crainte qu'avec le temps, elle n'y prenne de fi pro fondes racines que nous ne puiffions plus l'arracher.

CHAPITRE XV.

De l'état dangereux de ceux qui font attachez à leurs pechez; quoiqu'ils ne foyent que veniels.

í.

ON ne fçauroit jamais affez con

fiderer combien eft dangereux l'état où fe trouvent une infinité de perfonnes qui négligent leurs petites fautes, & qui ne font rien pour s'en délivrer, elles ferment les yeux pour ne les point voir, elles dorment, & set affoupiffement les rend infenfibles

aux playes qu'elles en reçoivent.

Il est vrai que la crainte de Dieu les empêche de tomber dans des pechez visiblement mortels, ce qui les diftingue des grands pecheurs; mais elles s'attachent avec beaucoup de paffion aux autres pechez,elles s'y portent avec ardeur, elles les multiplient, elles s'y livrent; elles y épuifent tellement leurs forces, qu'il ne leur en refte que très-peu pour faire de bonnes

œuvres.

2. Ces perfonnes prient Dieu, elles font quelques retours fur ellesmêmes, elles font reglées dans leurs exercices de pieté. Mais elles ne font rien qui ne foit accompagné de pa. reffe, de lenteur, de tiédeur, & elles ne fe défont jamais de certaines fautes pour lefquelles elles ont une affection particuliére qui les y attache trèsfortement.

Ce ne font pas des fautes mortelles, mais elles fe mettent en trèsgrand danger de faire enfin de grandes fautes, en ne craignant pas affez d'en faire de petites. II eft impoffible qu'elles trouvent Dieu & qu'elles le poffedent, fi tous les jours elles coninuent de s'éloigner de lui, quoi

que chaque jour elles s'en éloignent très-peu ; elles ne peuvent pas conferver long-temps la charité dans leur cœur, fi chaque jour elles l'affoibliffent & la diminuent.

3. Il eft impoffible que l'image de Dieu demeure long-tems empreinte dans leur ame, fi elles travaillent fans ceffe à l'effacer. On peut dire que tant que ces perfonnes ont de l'horreur des grands crimes, elles ne font pas dans un entier aveuglement; mais leurs tenebres ne laiffent pas d'être grandes & dangereufes, quand elles font peu touchées de leurs autres fautes: & fi elles ne fortent point de cet état d'affoupiffement où elles font, elles ont fujet de craindre de tomber enfin dans la mort.

:

Elles ont cet avantage, que leur cupidité ne les a pas rendues les efclaves du demon leurs chaînes ne font pas encore de fer; mais ce font pourtant des chaînes qui les attachent à leurs pechez, & fi elles ne les rompent promptement, on doit craindre que ces liens ne deviennent plus forts & qu'on ne puiffe plus les brifer.

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