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Dieu. En cet état il n'eft pas étrange. que nous foyons contens de la nuit qui nous environne, puifque nous la croyons un grand jour, & que nous méprifons le jour qui ne nous paroît que comme une profonde nuit. Il est impoffible que nous évitions ces écueils que nous ne voyons point, & que nous prenons même pour des lieux de fûreté. La voie large paroît toujours bonne aux pecheurs, parce qu'ils ignorent qu'elle conduit en enfer.

2. La convoitife eft une autre par tie de l'heritage que nos premiers Peres nous ont laiffé; c'eft une inclination qui nous porte à aimer tout ce que Dieu nous défend d'aimer, c'est un poids qui entraîne notre cœur vers les chofes terreftres & corruptibles: c'eft un lien qui attache nos affections aux creatures; c'est une maladie quị nous donne une faim & une foif extrême des vanitez & des pompes du monde, & qui nous les fait goûter avec plaifir: c'eft ce que faint Paul Rom. 7.appelle la chair du peché, qui entre23.& 25tient en nous une continuelle revolte contre l'efprit; c'eft, felon le même Apôtre, la log du peché qui eft tou jours oppofée à la Loy de Dieu, &c

qui ne manque jamais, fi nous lui obéïffons, de nous rendre les efclaves du demon.

3. Puifque tout ce que nous faifons en fuivant nos tenebres & notre convoitife eft entierement oppofé à la lumiere de Dieu & à fa Loy, & que pecher n'eft autre chofe que d'agir contre ce que fa verité & fa fouveraine Loy nous enfeignent : il s'enfuit qu'il eft impoffible d'aimer le monde & ce qui eft dans le monde, d'aimer notre propre gloire & nos interêts, de vivre felon nos fens, que nous n'ayons une veritable averfion de l'efprit de JefusChrift, de fes humiliations de fa pauvreté & de fa Croix; & que nous ne méprifions les commandemens qu'il nous fait de gémir de nos pechez, de Luc. r. devenir comme de petits enfans, & 3. & 5、 de renoncer à nous-mêmes pour le fuivre jusques à la mort, & à la mort Matth. de la Croix. Il faut donc conclure que T'ignorance & la cupidité font les deux caufes generales de tous les pechez.

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4. Nous pechons par ignorance en nous trompant nous-mêmes & en prenant le mal pour le bien. Nous pechons par convoitife & nous corrompons notre ame de plus en plus en

Matth.

18. 3.

16. 244

nous dégoûtant du bien qui feul devroit faire toutes nos délices, & mettant toute notre fatisfaction dans le mal que Dieu nous défend.

5. Or qui peut affez concevoir quels défordres l'ignorance & la cupidité font dans l'efprit & le cœur d'un pecheur, puifque l'une aveugle l'efprit,& que l'autre corrompt le cœur?que peuvent produire deux fi mauvaises raciRom, 7. nes,que des fruits de mort? & qui peut goûter de tels fruits fans en être empoifonné ?

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I.

CHAPITRE II.

Divers degrez d'ignorance & de

cupidité.

Ly a une ignorance groffiere qui eft propre à ceux qui n'ont point été inftruits de leurs devoirs, ou qui l'ont été très-peu. Telle eft celle d'un grand nombre de gens de la campa gue, d'artifans, de ferviteurs, de foldats qui n'ont prefque jamais entendu parler des obligations du Chriftianif me, & qui ne fçavent prefque rien de la Religion, finon qu'il faut enten

dre la Meffe les Dimanches & les Fêtes; qu'il faut dire fon Pater & fon Ave; aller à Confeffe & à la fainte Communion à Pâques : Ils font fans réflexion toutes les fautes qu'ils voyent faire aux autres, & dont leurs Confeffeurs ne leur font jamais aucun fcrupule, parce que ces gens ne font pas capables d'entrevoir même leur corruption.

2. Il y en a qui font un peu plus inftruits des veritez generales & des articles de la Foi, mais qui fçavent très-peu leurs obligations particulieres. Il y a une infinité d'Ecclefiaftiques, de Juges, de Marchands, de Gens de guerre, de Peres de famille qui ignorent les devoirs les plus effentiels à leur état, & qui par confequent ne s'en acquittent jamais.

3. Ce qui rend nos ignorances plus criminelles, c'eft qu'elles font prefque toujours les effets de notre cupidité. Nous ne voulons pas prendre la peine de nous inftruire,parce que notre convoitife nous en détourne, & qu'elle nous engage dans d'autres occupations plus conformes à notre amour-propre. Nous aimons le repos où nous met notre aveuglement, & nous apprehen

dons le trouble où nous jetteroit la connoiffance de la verité.

4. Quand l'ignorance est jointe à une forte & ardente cupidité, elle est prefque fans remede, parce qu'elle rend notre ame fi charnelle & fi animale, que nous ne fommes plus capables de comprendre, ni même de concevoir les veritez qu'enfeigne l'efprit de Dieu : Elles nous paroiffent une fo lie,& bien loin de nous y rendre dociles, nous les méprifons, nous haïffons ceux qui nous les propofent, & nous nous laiffons au contraire perfuader de toutes les maximes qui s'accordent avec les paffions de notre cœur.

Mais il y a d'autres perfonnes dont l'ignorance eft moins dangereufe, & qui n'ayant encore que de foibles paffions, font plus capables de reconnoître leurs tenebres; ils reçoivent aifément les inftructions qu'on leur donne, & fe portent avec moins de peine à les pratiquer.

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