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un défaut pardonnable à un chrétien de n'avoir point d'ardeur pour la plus grande de toutes les faveurs que Jefus-Chrift nous puiffe faire. Il est trèsdangereux pour notre falut de demeu rer en cet état ; car c'eft s'exposer à une mort certaine que de rejetter avec mépris le pain fans lequel notre ame ne fçauroit vivre: & c'eft ne dif cerner point le corps de Jefus-Chrift & le profaner, que de s'en approcher dans des difpofitions fi contraires à celles qu'il defire de nous.

Que devons-nous donc faire? 11 faut entrer dans notre cœur, & demander à Dieu qu'il le purifie de tout ce qui peut entretenir en nous le dégoût, la tiedeur & l'indifference où nous nous trouvons. Nous devons à La verité nous retirer alors pour quelque tems de l'autel; mais ce doit être par l'avis de notre confeffeur, & dans la vûe de notre indignité. Nous devons chercher le medecin tout-puiffant qui nous gueriffe, & le chercher par nos prieres, par nos pleurs, par nos gemiffemens, par notre penitence & par nos bonnes œuvres. Nous Luc 12. devons prier Jefus-Chrift qu'il nous enflâme de ce feu qu'il a apporté en

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la terre, & fans lequel nous ne fçaurions offrir à Dieu un facrifice qui lui foit agréable, ni participer dignement à celui qui eft tout feu & tout

charité.

Mais if faut remarquer qu'il y a une autre froideur, qui n'a rien de celle dont nous venons de parler, & qui fe rencontre dans les plus grands faints. Dieu quelquefois pour éprouver ceux qui font à lui, fe cache à eux, & il rend invifible l'amour qui les foûtient. Les ames qui font perfuadées de la néceffité d'aimer leur divin époux, s'étonnent & fe trou-, blent de ne fentir pas en elles-mêmes la moindre étincelle de ce feu dont elles voudroient fe voir confumer. Mais fi un confeffeur reconnoît que cette ame eft fidelle à tous fes devoirs, humble, mortifiée, obéiffante ; il n'aura point d'égard à toute cette prétendue froideur. Si ce feu & la chaleur de la grace paroît dans toute la conduite de fa vie, il la fera communier, felon le degré de vertu où elle eft.

Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. Luc 13. 24.

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L y a un très grand nombre de perfonnes qui entrent malgré eux par la porte étroite, qui fe trouvent ferrez de toute part par les maladies, par la pauvreté, & par toutes les autres miferes dont la vie des hommes eft remplie ; mais les veritables chrétiens ont cet avantage que quelque preffez qu'ils foient au-dehors, la charité dont leur cœur eft rempli, les met toujours au large.

Ils font fi occupez des biens infinis qu'ils attendent des promeffes de Dieu, qu'ils comptent pour rien tous les maux qui leur peuvent arriver; & ils font fi attentifs aux objets que la foy leur propofe, que leur efprit n'eft jamais ému de ce que leur corps peut fouffrir.

Celui qui eft affez heureux pour confiderer que les anges de fatan font occupez dans l'enfer à préparer aux pecheurs des tourmens proportionnez aux richeffes & aux plaifirs dont ils jouiffent fur la terre, fuient la vie

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molle & voluptueufe, comme le plus dangereux de tous les pieges. Ayant toujours dans l'efprit les années éternelles, il regarde les afflictions les plus longues & les plus pref- Rom. fantes, comme ne devant durer qu' un moment, & il les embraffe avec joie, parce qu'il a appris de l'apôtre, que les afflictions qui paffent fi vîte font non feulement fuivies du poids éternel d'une incomparable gloire; mais qu'elles la produifent même en nous dès cette vie; étant jufte que Dieu nous donne fon royaume, au moment que nous fouffrons avec patience & avec une parfaite-foumiffion à fa volonté.

Le moins que nous puiffions faire pour profiter de ces grandes veritez eft de mener une vie éloignée de toute forte de plaifirs; de nous attacher serieufement à un travail qui foit affez penible & affez humiliant pour mortifier toutes nos paffions déreglées ; d'entrer dans un vrai efprit de penitence qui nous faffe fuir toutes les confolations humaines, & nous abandonner fi entierement à toutes les croix que Dieu nous a préparées, que nous n'en cherchions le foulagement

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que dans la priere.

Nous nous trompons fi nous prétendons poffeder enfemble les confolations de Dieu, & celles de la terre. Les biens interieurs, dont la fource eft dans le ciel, ne peuvent fubfifter avec ce que les hommes charnels fou haitent fi ardemment. Il faut travailler à vuider notre cœur de tous les defirs du vieil homme, pour le mettre en état de goûter combien JefusChrist eft bon à ceux qui l'aiment. Il faut que nous foyons plongez dans toute forte de douleurs, pour nous enyvrer enfuite de ce torrent de delices qui arrose la celeste Jerufalem. Secundum multitudinem dolorum meorum in corde meo, confolationes tua latificaverunt animam meam.

Fin du premier volume.

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