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CHAPITRE XVI.

L'attache rend les chofes indifferentes, mauvaises, & corrompt quelquefois les bonnes,

1.PUifque toutes les creatures paffent & périffent à chaque moment, fi nous nous y attachons par une affection fixe & permanente, nous agiffons contre l'ordre de Dieu; nous nous expofons au danger de périr en nous alliant avec des chofes périffsables; & nous arrêtant où nous ne devons pas nous arrêter, nous nous mettons en état de n'arriver jamais où Dieu nous appelle. Or nous ne pouNons fans faire une grande faute nous mettre dans un tel danger.

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2. C'est une action indifferente qui n'a rien de mauvais d'elle-même, de fe promener dans un jardin, de fe divertir à un jeu innocent, de lire quelques nouvelles, de s'occuper à la pêche, fi on a befoin de ces fortes de divertiffemens pour délaffer fon efprit, ou pour quelqu'autre bonne raifon,

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Mais fi on s'attache à ces chofes paffageres, fi on les aime contre l'ordre de Dieu, fi l'affection que l'on y a, & le plaifir qu'on y prend nous y fait paffer un tems confiderable, ou nous fait oublier quelques-uns de nos devoirs, cette action étant corrompue par une affection deregléc, devient un peché; & la caufe d'un grand peché, fi elle nous jette dans un grand déreglement, ou fi le déreglement d'où elle tire fa naiffance eft grand.

3. C'est une chose fainte de prier Dieu & de communier, fi nous le faifons dans de bonnes difpofitions: mais fi l'attache que nous avons à ces deux exercices de pieté nous arrête à l'églife, lorfque la charité nous oblige de fecourir un malade: fi nous voulons communier trop fouvent par un zele qui n'eft pas felon la fcience & contre l'avis de notre confeffeur notre attache change notre priere & notre communion en peché.

318.

4. On lit dans les œuvres de fain- Fondat. te Therese un exemple terrible d'une ch. 6. P femme devote, qui pour avoir été attachée avec entêtement à vouloir communier tous les jours, mourut d'u ne mort fi funefte, qu'elle laiffa un

grand fujet de craindre pour fon falut. Un prêtre de qui elle entendoit la meffe ordinairement, ayant un jour oublié à confacrer un pain pour la communier, elle en eut une telle impatience, & un fi furieux emportement la faifit, qu'elle ne le pût fupporter fans mourir, & cette mort fut fi prompte, qu'elle ne lui donna pas le loifir de faire paroître aucun repentir de fa faute.

Il eft bon de fe fouvenir de cet exemple pour veiller fur foi-même, afin de ne pas tomber dans un défordre fi dangereux, & d'éviter des attaches qui peuvent avoir des fuites fi funeftes.

Il femble que c'eft particulierement à l'égard des pechez d'attache qu'il est dit, que l'homme obéïffant remporte toujours des victoires; car il n'y a point de fi forte attache que nous né puiffions rompre, fi lorfque nous nous appercevons d'aimer avec paffion un emploi, une obéiffance, la conversa tion de quelque perfonne, ou quelqu'autre chofe que ce foit, nous avons la fidelité d'en avertir notre confeffeur ou notre fupericur, afin qu'il nous oblige de faire tout le contraire de ce que nous defirons. Si nous fom

mes

mes fideles à cette pratique nous nous appercevrons bientôt qu'il n'y a point d'attache que cet exercice ne rompe avec le tems.

6. Prions Dieu qu'il nous donne les difpofitions de foumiffion & d'obéïffance, qu'il rompe lui-même nos liens, qu'il nous dégage de l'amour du monde, & de tout ce qui eft dans le monde, qu'il ôte le poids qui nous tient attaché à la terre, qu'il nous donne des aîles qui puiffent nous enlever juf qu'au ciel, qu'il nous infpire une charité qui nous uniffe inféparablement à Jefus-Chrift, & que cette union foit fi forte, que rien ne nous en puiffe féparer: Quis nos feparabit à caritate Rom. 1, Chrifti?

35.

Tome 2

CHAPITRE XVII.

Combien les pechez veniels d'attache font dangereux à notre falut, quand nous nous y abandonnons & que nous les laiffons croître & multiplier fans borne.

Q

Uand on confidere que dans le moindre peché nous préferons notre volonté à celle de Dieu, & la loy de notre chair à celle de fon efprit; que nous offenfons fa fouveraine bonté pour fatisfaire à notre amour propre & que n'étant que de miferables efclaves, nous nous revoltons contre notre fouverain, il femble qu'il n'y ait point de peine que le moindre peché ne mérite. C'est donc par une très-grande bonté que Dieu ne nous traite pas comme des criminels, & qu'il ne nous punit pas avec une extrême rigueur des pechez veniels dont notre vie eft remplie.

2. Mais de peur que la vûë de cette bonté ne nous trompe & ne nous jette dans une fauffe confiance, il faut fe fouvenir que ces pechez peuvent croî

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