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tre & s'augmenter par notre négligence, jufqu'à nous mettre dans un trèsgrand danger pour notre falut.

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Nous avons en nous une convoitise qui nous porte cont nuellement au peché, & qui rous peut faire tomber dans les plus pro onds abîmes nous ne lui réffton fortement. Si nous laiffons croîte une mauvaife plante dans notre ca ur, & que nous n'ayons pas affez de foin de l'arracher, elle l'occupera enfin tout entier. Si nous ne travaillons à éviter que les pechez. mortels & que nous nous livrions à tous les autres, ils s'augmentent, ils fe fortifient, ils viennent enfin jufqu'à un tel nombre, que nous avons tout fujet de craindre qu'ils ne nous accablent & ne faffent mourir notre

ame.

Il eft fans doute que pour entretenir la vie de la grace, il faut veiller, il faut prier, il faut faire de bonnes œuvres, il faut courir, il faut combattre, il faut fe rendre obéïffans à Dieu. On peut fans faire aucun peché mortel exterieur, être très-négligent dans tous fes exercices & les faire d'une maniere qui déplaît beaucoup à Dieu. Mais peut-on dire qu'un hom

Matth.

me qui eft dans une telle négligence & dont Dieu, fans doute, eft fi mécontent, ait une veritable pieté & foit en état de falut?

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Nous voyons dans l'Evangile, qu'un 25. 27. mauvais ferviteur, pour avoir manqué à fes devoirs, pour n'avoir pas fait profiter le talent de fon maître, & pour l'avoir refervé fans en avoir fait aucun ulage, eft traité d'infidele. Il n'eft point accufé d'avoir commis un grand peché, mais c'én eft un grand de fuivre fans réfiftance toutes fes inclinations, fous prétexte qu'elles ne font pas criminelles, de ne point faire de bonnes œuvres, ou de n'en pas faire affez, & autant que Dieu veut que nous en faffions, & être dans l'oifiveté & dans l'inutilité, quand on eft auffi obligé de travailler que nous le fommes pendant cette vie.

Luc. 13.

7,

L'arbre qui occupe inutilement la terre & qui ne porte point de fruit,' eft condamné à être arraché de même que celui qui en porte de mauvais; ce qui fait dire à faint Bernard, que la feule inutilité fuffit pour nous faire mériter l'enfer.

En effet, quand notre vie eft tellement pleine de fautes, quoique ve

nielles, qu'elles couvrent tout notre cœur & qu'elles fe répandent dans toutes nos actions; quand nous nous laiffons emporter toutes nos humeurs & que notre propre volonté fe rencontre dans tout ce que nous faifons une vie qui est ainfi fouillée par une infinité de pechez, peut-elle paffer pour chrétienne ?

5. N'eft-ce pas en ces! rencontres qu'il eft vrai de dire, qu'encore qu'une goute d'eau ne foit prefque rien en elle-même, neanmoins il peut y en avoir un fi grand nombre, qu'elles foient capables de faire des déluges, d'abîmer des villes, & de ruiner des provinces entieres. Un grain de fable n'eft prefque rien, mais fi on en amaffe une grande quantité, ils forment des montagnes: or quelle étrange ruine ne feroient pas des montagnes, fi, par impoffible, elles venoient à tomber?

Quelque peu de mauvaises herbes dans un grand champ femé de froment, ne l'endommagent pas beaueoup: mais s'il y a incomparablement plus de mauvaises herbes que d'épis de froment, elles l'étouffent, elles em pêchent qu'il ne monte & qu'il ne

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meuriffe. C'eft l'image de ce que fort les pechez veniels quand ils font en grand nombre, en des ames endormies, lâches & négligentes. Quoique par eux-mêmes ils ne faffent pas mourir ces ames, ils les disposent infenfiblement à la mort.

6. Veillons donc pour éviter un fi grand mal, veillons pour n'être pas furpris par un ennemi qui ne dort jamais; demandons à Dieu, qu'il mette par fa bonté des bornes à cette mer de corruption, qu'il nous fauve de ces eaux corrompues qui couvrent toute la terre, qu'il en arrête le cours, & qu'il en tariffe la fource: travaillons par fa grace à cet ouvrage, avec une vigilance continuelle fur toutes nos actions, & engageons JefusChrist, par nos inftantes prieres, à combattre pour nous.

7. On peut dire en un fens après faint Chryfoftome, qu'il eft plus néceffaire de veiller fur les pechez veniels, que fur les grands crimes: car ces derniers, fi nous avons quelque crainte de Dieu, nous épouvantent, & la feule idée nous en infpire affez d'horreur, & nous avertit de les fuir: mais il n'en eft pas de même des autres

fautes. Elles fe rencontrent par-tout, elles fe cachent & nous furprennent, fi nous ne fommes pas toujours fur nos gardes.

CHAPITRE XVIII.

Combien nous devons craindre les effets des pechez veniels.

1. A raifon pourquoi les personnes mêmes qui craignent Dieu tombent fi aisément dans des fautes venielles, qu'elles y demeurent avec tant de négligence & qu'elles ont fi peu de foin de s'en relever, c'est qu'elles ne s'appliquent pas affez à concevoir combien elles font dangereuses, & combien elles nous peuvent faire de maux. Il femble que nous n'apprehendons que les grands pechez qui peuvent faire mourir notre ame tout d'un coup, comme s'il nous étoit indifferent qu'elle fût foible, malade, languiffante, pourvû qu'elle ne meure point, fans confiderer que cette indifference peut rendre très - mortelle ces fortes de foibleffes, de maladies & de langueurs.

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