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tir, notre orgueil en a encore de plus forte pour nous relever. Il n'y a rien de fi commun que la complaifance que nous avons pour nous-mêmes, pour les ouvrages de nos mains, pour nos fentimens, pour nos amis, pour nos proches & pour tout ce qui nous regarde.

Nous ne cherchons peut-être pas groffierement des louanges, & peutêtre même que nous rejettons en apparence celles qu'on nous donne ; mais notre amour propre nous fait agir avec tant d'adreffe, que nous ne montrons de nous, que ce qui peut être avantageux à notre reputation; & fi notre vanité eft la paffion dominante de notre cœur elle nous fait faire autant qu'il nous eft poffible, tout ce qui nous peut attirer les louanges, la faveur, les careffes & la flatterie des hommes.

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La concupifcence des yeux n'eft pas moins étendue que la paffion de P'orgueif. Elle nous amufe de contes, d'hiftoires fabuleufes, de nouvelles qui ne fervent qu'à nous diffiper. Elle nous porte à nous informer de mille chofes dont nous n'avons que faire ; le nous infpire fouvent une certaine

malignité qui nous donne de la joie d'apprendre des évenemens qui attriftent & qui humilient ceux pour qui nous n'avons pas affez de charité; comme au contraire, nous nous attrif tons fi quelque avantage leur arrive. C'eft enfin un effet de cette paffion; de ce que ne devant jamais regarder notre prochain que pour nous en édifier; nous ne le confiderons au contraire très - fouvent que pour trouver quelque moyen de le mépri fer, & de le rendre méprifable aux

autres.

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C'eft encore un effet de notre amour propre, de cacher, d'excufer & de juftifier nos fautes autant qu'il nous eft poffible, ou de les avouer d'une maniere adroite pour paroître humbles, & pour éviter par là d'en être repris par nos fuperieurs auffi fortement qu'ils le devroient, & pour nous exemter de l'humiliation qui nous est dûe.

De-là vient auffi la peine que nous avons à fupporter les humeurs de nos freres. S'ils ne s'accommodent pas à nos inclinations, s'ils nous contredifent, s'ils n'entrent pas dans nos rai→ fons, s'ils nous refufent ce que nous

defirons d'eux; ils nous mettent aifément en colere & nous font concevoir de l'averfion & de l'aigreur contre

eux.

Rien ne nous doit être plus cher que la verité, car c'eft elle qui nous délivre de la captivité du peché & des tenebres de notre ignorance, fi nous fommes fes difciples, fi nous la confultons en toutes nos actions, & fi nous fommes fideles à fuivre les avis. Cependant qui eft-ce de nous qui ne l'abandonne pas en plufieurs rencontres? En combien de manieres la déguifons-nous? Ne nous arrive-t-il pas fouvent, quand nous rapportons quelque hiftoire, de ne nous point faire de fcrupule, d'y ajouter & d'en retrancher ce qu'il nous plaît, pour la rendre plus agréable, & pour l'accommoder à nos interêts, fans avoir égard à la fincerité que nous devons avoir dans nos paroles, auffi - bien que dans notre cœur? Nous avons une grande pente à parler des défauts des autres, & de tout ce qui peut fervir à les abaiffer ; à exagerer les défauts des perfonnes que nous n'aimons pas, & à cacher les foibleffes de ceux pour qui nous avons de l'inclination.

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Nous pórtons dans notre langue une fource d'iniquité qui ne tarit jamais, & que prefque perfonne ne peut arrêter. Il arrive que felon les differentes perfonnes à qui nous parlons, nous changeons de paffion & de langage. Nous parlons avec fierté avec hauteur avec emportement à ceux pour qui nous n'avons que du mépris & de l'averfion : nous parlons avec une baffe complaifance, avec flatterie, avec douceur & avec une humilité affectée aux grands dont nous efperons quelqu'avantage ou que nous craignons de fâcher. Notre vie eft pleine d'entretiens & de difputes qui ne fervent de rien; de reproches, de railleries, de ris & de joies excef fives. Et enfin pourroit-on s'affurer que dans tout ce que nous difons nous n'ayons pour but, que de fuivre la verité & de lui plaire?

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Nos fens nous font auffi faire une infinité de fautes. Qui eft-ce qui obferve exactement les regles de la fobrieté, qui ne mange que pour la né ceffité & ne donne rien au plaifir? Combien de fois dormons-nous quand nous devrions prier Dicu & travailler? Nous avons tant de foin de nous

défendre contre toutes les incommoditez du froid, du chaud, de la faim, de la foif, de la laffitude, que nous ne les reffentons prefque jamais. Les moindres maladies nous font chercher avec empressement tout ce qui nous peut foulager : & nous tombons dans F'impatience fi nous n'avons pas tout ce que nous nous imaginon's nous être néceffaire. Nous oublions aifément, que nous devons porter la croix dé Jefus-Chrift toute notre vie, & il n'y a rien que nous ne faffions pour adoucir celles dont nous ne pouvons pas entierement nous délivrer.

Nous donnons fouvent trop de liberté à nos yeux, fans confiderer que Jerem ce font des portes par lefquelles la*** mort peut aisément entrer. En ne mortifiant point nos regards, nous donnons lieu à un grand nombre de tentations, & mêmes de pechez. Nous ne veillons pas davantage fur nos oreilles, qui font prefque toujours ouvertes pour entendre du mal de nos freres. Nous croyons fur les moindres apparences, tout ce que l'on nous dit au défavantage de ceux que nous n'aimons pas affez, & nous n'écoutons prefque jamais ce qui peut fervir à leg

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