CHAPITRE III

De ceux qui font affez inftruits de leurs devoirs mais qui ne fuivent dans leur conduite que les tenebres, dont leur cupidisé les aveu

gle.

Ly a des perfonnes qui ne manquent point de lumieres, elles en ont même affez pour éclairer les autres, mais elles ne s'en fervent point, & leur cœur eft tellement corrompu, que bien loin de faire le bien qu'elles connoiffent,elles en font les ennemies, & cette connoiffance ne fert qu'à les irriter & à les tourmenter; l'impatience qu'elles ont de cette peine leur fait mettre toute leur induftrie à fermer les yeux à la verité: de forte, que fi elles ont encore quelque vue du pechéqu'el les commettent, c'eft malgré elles, & c'est une vûe foible & imparfaite qui n'a pas affez de force pour empêcher leur chûte; elles fe livrent aux fauffes raifons de leur amour-propre, la paf fion qui domine dans leur cœur ne

manque jamais d'affujettir leur efprit, & enfin rien ne les empêche de s'abandonner à tous leurs defirs dereglez.

2. Il n'y a rien qui faffe mieux paroître l'extrême impuiffance où l'homme eft réduit, que de voir que quelque lumiere qu'il ait, elle ne lui fert de rien quand fa convoitife eft bien forte. Nous voyons tous les jours des gens bien éclairez, n'agir prefque jamais felon leur lumiere; elle demeure captive de leurs paffions dominantes, & leur fcience n'empêche pas que toute leur vie ne foit un continuel égarement; il femble que tout ce qu'ils ont appris demeure comme en dépôt dans leur efprit, fans qu'il en paroiffe jamais rien dans la conduite de leur vie; & les tenebres qui naiffent de la corruption de leur cœur,leur dérobent dans toutes leurs actions cette lumiere qui repofe inutilement dans leur efprit, puifqu'elle ne les empêche pas de tomber dans l'égarement.

le

3. Ils font fi paffionnez de leur propre gloire, fi efclaves de leurs fens. fi idolâtres de leurs interêts, que poids de leur convoitife les accable:en forte qu'ils fe perfuadent ne pouNoir être que ce qu'ils font ; & défef

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perant que la verité leur puiffe être utile, ils ne veulent plus l'écouter, ils la haillent, ils lui font la guerre, ils ne 2. Time rentrent jamais dans leur cœur, & s'en 3. 8. tiennent le plus loin qu'ils peuvent, de peur d'entendre la voix de leur confcience; & après qu'ils ont long-temps méprifé la verité, elle les quitte enfin par un terrible, mais juste jugement de Dieu, & ils deviennent auffi aveugles que paffionnez: Deus infatigabili leges. Aug: Spargit, penales cacitates fuper illici- lib. 1. de tas cupiditates.

Conf. c.

18.

CHAPITRE IV.

Des horribles tenebres Spirituelles de ces derniers temps.

I.

A

Mefure que nous approchons des derniers temps, la foi s'obfcurcit & la charité s'éteint, le foleil de juftice eft caché fous une nuit obfcure, nos pechez croiffent & JesusChrift fe retire de nous : Il est vrai qu'il eft toujours avec ceux qui lui font fideles, mais ils font réduits à un très-petit nombre & prefque tous ceux qui portent fon nom, foulent aux Hebr.

6. 6.

pieds le fang qui les a rachetez, ils cru cifient de nouveau le Sauveur du monde,& ils méprifent l'alliance qu'ils ont contractée avec lui dans leur batême.

2. L'Eglife de Jefus-Chrift ne dé faillira jamais, mais elle eft fi pleine de gens charnels, de gens qui vivent comme les Payens & qui meurent dans l'impenitence, que c'eft une cho fe rare en nos jours de rencontrer un veritable Chrétien. On voit partout de mauvaises herbes, de la paille & de l'yvroye, & la ftérifité eft telle, & les jours font fi mauvais, qu'à peine peut-on trouver un peu de bon grain. Lue. 18. Filius Hominis veniens, putas inveniet fidem in terra?

3. Puifqu'il faut connoître fes devoirs pour s'en acquitter, on s'égare auffi-tôt qu'on ne marche point dans la lumiere; on fuit le menfonge quand on ignore la verité. Si donc les tenebres fe font repandues fur toute la terre, il faut qu'il fe foit fait comme un déluge de crimes; car l'aveuglement de l'efprit & la corruption du cœur marchent toujours enfemble, & ils font fi unis que rien ne les peut fe

parer.

4. Si nous ne fommes nous-mêmes

très-aveugles nous ne pouvons pas nous diffimuler que l'ignorance regne par toute la campagne, & par toutes les villes. Les pauvres font fans inftruction, & perfonne n'a la charité de leur rompre le pain dont ils ont befoin: mais les riches font encore dans de plus dangereuses tenebres, quand ils n'écoutent que des flatteurs qui leur parlent felon le defir de leur cœur; les uns & les autres font tellement privez de la lumiere dont ils auroient befoin pour fe conduire, qu'il Joan..ga femble que la nuit où ils ne pourront plus faire aucun bien, foit déja venue pour eux.

5. On ne peut affez gémir du miferable état de ce grand nombre de gens qui s'égarent & qui fe perdent dans feur égarement. Mais ceux qui les devroient inftruire, qui le pourroient & qui ne le font pas, font infiniment plus coupables, Ut populus, fic® Olc.4.9% Sacerdos.

On voit avec douleur, des Päfteurs qui font des Pasteurs aveugles, Zach.II muets, ignorans, des idoles plûtôt17. que des Pafteurs ; & qu'entre ceux qui ont de la fcience & des talens, il y en a qui les employent moins pour