Imágenes de páginas
PDF
EPUB

the trop grande à notre propre jugément, un manquement à rendre quelque fecours, une marque de peu d'attention, cent autres choses peuvent offenfer les perfonnes avec qui nous vivons, & refroidir en eux là charité qu'ils avoient pour nous. Combien donc devons-nous être circonfpects dans nos paroles? Combien devonsnous avoir de douceur, de docilité, d'humilité, de difcrétion pour conferver l'union que nous devons avoir avec tout le monde ; & en combien de manieres y manquons-nous tous les jours ?

Nous fommes à Dieu parce qu'il nous a tiré du neant par fa toute-puiffance, parce qu'il nous a racheté de fon propre fang, & parce que nous dépendons de lui uniquement. Cela nous oblige à lui rendre de continuelles actions de graces, & à être exacts à lui obéir en toute chofe, & à ne faire que ce qu'il nous commande.

Mais pour faire fon ouvrage, il faut que nous foyons dans le lieu où il veut que nous foyons, & dans l'employ que lui-même nous a choifi, & que nous nous adreffions à quelqu'un qui nous marque ce que notre fouverain maître demande de nous. Ce n'eft pas

affez d'être appliqué à fon ouvrage, if faut le faire felon fes intentions, y employer tout notre temps, toute notre industrie, toutes nos forces; y demeurer contens,quelque peine & quelque humiliation que nous y trou

vions.

Nous ne devons pas avoir moins de foin de conferver la charité que nous devons à nos ennemis, que celle dont nous fommes rédevables à nos amis. C'est pourquoi nous devons veiller continuellement far eux & fur nous, afin que de notre part nous ne manquions jamais de leur rendre tous les bons offices qui peuvent les gagner & de nous abftenir de tout ce qui peut les irriter contre nous. Mais nous devons en même-tems nous affermir tellement dans la charité que nous avons pour eux, que rien de tout ce qu'ils nous peuvent faire, injure, injuftice, médifance, perfecution, ne puiffe en aucune maniere nous émouvoir contre eux, ni aigrir le moins du monde la douceur de notre charité. Le feul moyen que nous avons de triompher de cet efprit qui feme la divifion entre les freres, c'eft de ne l'écouter point & de demeurex unis les uns aux

[ocr errors]

autres par le lien parfait de la charité;
quelque chofe qui nous puiffe arriver
de la
part des hommes.

26. Nous avons une obligation in difpenfable de nous mettre & de nous tenir au dernier lieu, de prévenir tout Luc. 14. le monde par une humilité fincere de chercher à être la moindre partie dans le corps de Jefus-Chrift, d'aimer à être contredits, à être repris & improuvez de tout le monde. Nous devons avoir une véritable joie, lorfque nous remarquons dans les autres des talens que nous n'avons pas, & que nous voyons certaines perfonnes efti mées pour leur doctrine, pour leur piété, pour leur efprit, pendant qu'on nous laiffe dans l'oubli, comme des gens que l'on croit, & qui font en effet inutiles à tout.

Le poids naturel de la grace nous *. Cor. doit porter à nous anéantir, à nous ré13. duire, à être comme les balicures du

monde, à mener une vie obfcure & cachée; & au contraire nous ne devons avoir de peine que de nous voir élevez dans quelque lieu qui nous mette audeffus de nos freres. Il n'y a pas moyen d'être dans la paix & dans le repos quand nous ne fommes pas dans la der

niere place,qui eft celle que Dieu nous

a choifie.

Ce que nous devons le plus appre hender eft d'indifpofer nos freres contre nous, de les irriter, & de les bleffer, en forte qu'ils n'ayent plus pour nous l'affection dont ils nous font redevables, & qu'ils ayent même de l'averfion de notre conduite.

Nous devons extrêmement veiller fur nous-mêmes, afin que cela n'arrive pas: & pour ce fujet il faut que nous ne temoignions jamais de fierté, de mépris,de rebut à l'égard de perfonne. Il ne faut jamais faire de railleries qui rendent ceux contre qui nous les faifons ridicules; jamais de réproches qui les deshonorent; ne relever jamais des fecrets qu'on nous a confiez, rien n'étant plus capable de nous faire des ennemis.Il faut pour cela étudier les hu meurs, les inclinations & les foiblef-> fes de nos freres, afin de nous menager envers eux d'une telle maniere que nous ne les bleffions, ni par nos actions, ni par nos paroles, ni par no tre filence, ni par une trop grande re tenuë, ni par notre legereté.

Mais fi nous avons manqué en quel que chofe à leur égard, il faut redou

[ocr errors]

bler envers eux notre charité, notre patience, notre prudence, notre déference, & faire tout ce que ces vertus nous infpireront pour les adoucir ou pour les gagner.

28. Le véritable état des chrétiens eft d'être un même efprit & un même cœur avec Jefus-Chrift; mais cela ne fe peut fai:e s'ils ne font parfaitement unis entre eux, & fi chacun d'eux ne contribuë autant qu'il lui eft poffible à cette union; c'est ce qui nous oblige à nous tenir unis avec nos freres par toutes les liaisons que peut inventer la charité; il faut que nous leur ouvrions le cœur par toute forte de bons offices, & que nous leur tenions auffi notre cœur ouvert par une charité affable, douce, complaifante, en forte que nous puiffions dire que quoiqu'ils faffent à notre égard, de quelqu'humeur qu'ils foient, quelque chofe qu'ils defirent de nous, qui ne foit point contre notre confcience, nous fommes à eux fans jamais refufer aucun des fervices qu'ils fouhaitent de nous. Il faudroit même que quand nous ne pouvons pas les contenter, ils viffent que ce n'eft pas manque d'af fection, que ce n'eft que par impuif

Lance

« AnteriorContinuar »