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un fiecle où Kepler lui-même les avoit jugés infuffisans (a); nous croyons qu'il lui reste affez de gloire pour juftifier ce long article. Ce n'eft pas parce qu'il eft François, nous penfons avoir fait une juftice affez rigoureufe. Mais Defcartes cut un génie vaste & une grande force de tête; s'il a produit des erreurs il rangea parmi les vérités l'hypothèse de Copernic (b); & fans en être martyr, comme Galilée, il a peut-être autant contribué que lui à la faire admettre. Ses ouvrages philofophiques, à la portée d'un plus grand nombre de lecteurs, familiariferent les efprits avec cette idée; ils font l'époque de l'admiffion prefque générale du vrai fyftême du monde. Defcartes a mérité de l'aftronomie pour avoir découvert la force centrifuge; c'est une pierre marquée de fon fccau, & laiffée pour la construction du monde. Il a beaucoup avancé la géométrie jointe à l'algebre, elle devient un inftrument pour des recherches profondes. Mais ce qui le rend encore plus recommandable, c'eft fon influence fur les ficcles; nous devons le dire, car en traçant les progrès de l'astronomie, nous faisons l'histoire de l'esprit humain : l'homme ne fe feroit pas transporté fi loin dans l'efpace, il n'auroit pu demander compte aux aftres de leurs loix & des détails de leurs mouvemens, s'il n'avoit pas lui-même perfectionné fa raifon pour dominer fur l'univers. Et qui l'a perfectionnée, cette raifon, fi ce n'eft Descartes, qui a dédaigné le jargon des écoles, qui a voulu des idées à la place des mots, qui a marqué l'évidence pour le caractere de la vérité, qui enfin, en établissant une connexion & une dépendance néceffaires entre les principes &

(a) Kepler avoit donné pour une caufe des mouvemens des planetes, la rotation du foleil, les tourbillons ne font dans le fond que cette rotation, étendue comme Kepler le penfoit, dans toute la fphere du foleil.

Mais Kepler avoit vu qu'il falloit y ajouter la vertu magnétique. Il entrevoyoit dès lors qu'il falloit deux caufes, & Defcartes a cru faire affez d'en établir une.

(b) Principes de la phil. part, III

les conféquences, nous a appris à raifonner, comme nous marchons, pas à pas, & nous a mis en état de marcher feuls, mieux que lui, de voir fes fautes, & de le juger lui-même! En revendiquant cette gloire pour Descartes, les nations étrangeres ne nous accuferont point de prévention nationale, cette premiere gloire appartient en effet à la France. L'Allemagne & l'Italie ont assez fait jusqu'ici, il reste beaucoup à faire à l'Angleterre ; & comme nous avons blâme Descartes d'avoir trop préfumé de foi dans fa vafte entreprise, il ne faut pas non plus qu'un fiecle, ni qu'un peuple préfume trop de luimême. Les dunes s'élevent fur le bord de la mer par le tribut des ondes la fuite des ficcles & le concours des peuples formeront dans tous les tems la maffe de nos lumieres.

:

V.L3

HISTOIRE

DE

L'ASTRONOMIE MODERNE.

LIVRE CINQUIEM E.

DE Bouillaud, d'Hévélius, de Huygens & de quelques autres

pas

Aftronômes.

§. PREMI E R.

LES grandes vues de Descartes furent une occafion de progrès & une fource de lumieres. On a beau s'élever contre les systémes, c'est c'est par eux que nous avançons, c'eft par eux que les font doublés dans la carriere des fciences; il en naît souvent des guerres, mais dans l'histoire de l'humanité, c'est le feul cas où les guerres foient utiles. Les efprits, en fe heurtant, produisent des étincelles, qui éclairent les combattans. On obferve, on raisonne, foit pour attaquer,

foit

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pour défendre; les observations s'accumulent, & la raifon se perfectionne. Le Cartéfianisme n'exista jamais fans combattre, d'abord contre les fectateurs de l'ancienne philofophie, qui se battirent jufqu'à leur extinction; enfuite contre les partifans de Newton & de la vérité. On fe livra de toutes parts à l'observation & à l'éxpérience, foit qu'on eût senti que les faits avoient manqué à Defcartes, & qu'il pouvoit s'être perdu 1. en voguant fur une mer trop peu connue, foit que le befoin commande toujours, & que dans les tems les efprits fe portent d'eux-mêmes vers les connoiffances alors néceffaires. Les obfervatoires s'éleverent dans l'Europe; le télescope dirigé par Galilée, avoit ouvert le livre du ciel, tout le monde s'empreffa d'y lire. Bouillaud obfervoit à Paris dès 1633 (a): Hevelius à Dantzic en 1641. La tour de Coppenhague fut achevée en 1656: Abdias Trew en 1657, construisit à Altorf un obfervatoire meublé de grands inftrumens (6).

Des idées faines, ou plus généralement adoptées, l'affermiffement dans les vrais principes, furent encore un effet de la raifon développée. Ce développement étoit fenfible par le difcrédit de l'aftrologie. Le P. de Billy annonça la fin prochaine de cette fuperftition dans fon ouvrage intitulé Tombeau de l'aftrologie judiciaire. En Angleterre Jean Newton, Seth-ward, Stréet (c), en France le comte de Pagan, & Bouillaud qui les avoit même précédés, rendoient un hommage public au fyftême de Copernic & aux formes elliptiques de Kepler. Bouillaud, qui donna à cette astronomie le nom de Philolaïque, le nom de fon premier auteur, ou du moins du philofophe qui transporta jadis en Europe cette ancienne vérité de l'Afie.

(a) Riccioli, Almag. Tom. I, pag. 251.

(6) Weidler, p. 498.

(c) Ibid.

§. II.

S. I I.

ISMAEL BOUILLAUD naquit à Loudun en 1605 (a); il fut d'abord protestant, enfuite catholique & prêtre : ses connoiffances étoient très-étendues; elles embraffoient la théologie, le droit, l'histoire, les belles - lettres, & enfin l'astronomie. Après avoir voyagé long-tems, il se fixa à Paris ; c'est là qu'il publia en 1639 une differtation intitulée Philolaüs, fur le vrai systême du monde; puis en 1645 l'aftronomie philolaïque, qui eft compofée dans la même vue de développer, d'affermir les idées de Copernic & de Kepler, mais où elles font revêtues de toutes les preuves aftronomiques. Le grand favoir, l'érudition historique de Bouillaud lui fut utile; il trouva dans la bibliotheque du Roi des obfervations anciennes & peu connues, telles celles de Thius (6), qu'il compara que aux observations moyennes, pour en tirer les moyens mouvemens. Il fit usage peut-être le premier de l'astronomie étrangere & afiatique, la mere de toutes les autres; il fit connoître les tables des anciens Perfes, & leur exactitude.

En adoptant les routes elliptiques que Kepler donne aux planetes, il adopta auffi l'idée d'Albert Curtius (c), qui fuppofe que les planetes, mues inégalement autour du foyer où le foleil eft placé, se meuvent uniformément autour de l'autre. Cette maniere de confidérer la chofe donnoit plus de facilité pour calculer l'inégalité des planetes. Le problême eft difficile, il n'a pas été réfolu directement par Kepler (d); & avant que

(a) Il est mort à Paris en 1694.

(b) Suprà, Tom. I, p. 207 & 575. (c) Suprà, p. 144.

(d) Kepler ne réfoivoit ce problême qu'en fuppofant l'anomalie vraie , pour trouyer l'anomalie moyenne. C'eft l'anomalie Tome II.

moyenne qui eft réellement donnée par le tems; mais par la méthode des fauffes pofitions, on parvient facilement à trouver l'anomalie vraie, qui répond à cette anomalie moyenne donnée. M. de la Lande Aftr. art. 1238.

Dd

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