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CHAPITRE

VII

Obfervations generales

Sur les quatre principales Habitudes.

A Juftice & la Bienfaizance embraçent tout ce qui peut comencer à perfectioner le cœur ou les fentimens; la Jufteffe de raizonement & la memoire embraflent tout ce qui peut comencer à perfectioner l'Esprit.

Nous entendons ici par le cœur de l'homme tout motif, tout fentiment, tout reffort qui le fait agir: il y en a quatre.

10. Le fentiment de plaifir actuel foit corporel, foit fpirituel, que l'on defire de faire durer.

20. Le fentiment de douleur actuelle foit corporelle, foit fpirituelle, que l'on dezire de faire ceffer.

30. Le dezir ou efperance d'un plaifir avenir que l'on veut obtenir efperance, qui eft elle même un plaifir ac tuel.

4. La crainte d'une douleur avenir que l'on veut éviter, qui eft elle même un fentiment dèzagréable & une douleur actuelle.

Il faut obferver, que la ceffation fubite de la grande douleur eft un grand plaifir, & peut être le plus grand des plaifirs, il y a mème des Filofofes, qui croient qu'il n'y a point d'autre plaifir pofitif, que celui qui vient d'une ceffation de peine & de douleur, mais cela ne me paroit pas exactement vrai.

L'experience nous aprend, qu'il y a dans cette vie de grands maux avenir atachés à de petits plaifirs actuels, & de grans biens avenir atachez à de petits maux actuels, voilà ce que les enfans ne favent pas faute d'experience, voila les erreurs principales, dont faut les garantir par des reflexions, qu'on leur fera faire pour augmenter leur dence.

pru

Il n'y a perfone, qui ne fache d'un coté que ceux qui ont aquis une grande & longue habitude à la prudence, à la moderation dans les plaifirs; à la temperance, une grande habitude à l'obfervation de la premiere regle d'équité & à la pratique de la bienfai

C

zance, & fur tout à la patience & au pardon des injures, qui fait une partie principale de la bienfaizance, n'ayent de grans avantages pour la conduite de la vie fur ceux, qui n'ont point aquis de pareilles habitudes.

D'un autre côté tout le monde convient, que l'âge où il eft le plus facile de faire prendre aux hommes de bones habitudes, c'eft le tems de l'enfence & de la jeuneffe, parceque a lors leurs mauvaizes habitudes ne font pas encore trop fortes, ils reffemblent aux jeunes plantes, qu'il eft facile de redreffer, quand elles ne font que comencer à fe courber dans la pepiniére.

Ce n'eft pas qu'il n'y ait de jeunes arbres tellement difpoféz à la courbure, & d'une nature fi forte que tout art du jardinier ne peut empêcher de venir courbés, mais ils le feroient devenus encore plus fi, le jardinier n'en avoit pris aucun foin; or fouvent le precepteur n'a comencé à coriger fon Ecolier, que lorfqu'il étoit dans un âge déja trop avancé, car il y a certains enfans, qui de bone heure font comme certains arbres trop fermes & trop re ziftans.

Ce que je veux infinuer par la com

paraizon des arbres du jardinier & de fa pepiniére, c'eft que le redreffement des enfans dans les Coleges doit fe faire également par dégrés infenfibles, mais de bone heure & par des exercices journaliers, car ce fera de la répetition de ces exercices durant huit ou dix anées, que l'on poura atendre la formation des fortes habitudes, que l'homme gardera le refte de fa vie.

Qu'est ce donq que les Ecoliers vont faire dans les Coleges? Ils y vont prendre des habitudes de fajeffe, & de vertu pour augmenter là droiture du cœur, ils y vont prendre des habitudes d'aplication & d'atention, pour augmenter la force & la jufteffe de l'éfprit, & pour exercer leur mémoire fur les connoiffances les plus utiles.

Ces cinq moyens principaux font pour ainfi dire eux-mêmes cinq autres fins fubordonées & particuliéres, où l'on fe propose d'ariver dans l'Education publique pour obtenir la fin générale & fupérieure, qui eft la grande augmentation du bonheur de l'enfant, de fes parens & de la patrie.

Nous alons les expliquer feparement dans le refte des Chapitres de cette pre

miére partie, on mezurera plus facile ment l'importance de chacun d'eux, & quand l'on en aura mezuré la diféren ce importante, les Maîtres fe détermi neront plus facilement & plus fure ment à former des ftatuts propres à fai re mettre plus de tems aux exercices les plus importans, & par conféquent, moins de tems à faire aquerir aux en fans, les habitudes les moins importan tes ; & ce fera cette proportion, qu métra toûjours une grande diférenc entre la bone & la mauvaize, & en tre la médiocre & l'excelente Education.

CHAPITRE VII I.

Explication du premier Moyen géneral Habitude à la Prudence Crètiéne.

T

Outes les habitudes bones & mau

vaizes comencent dans l'enfance, fe fortifient durant la jeuneffe, & gou vernent enfuite les hommes dans le cours de leur vie, les uns bien felon

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