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Les hommes fenféz, qui ont un peu medité fur cette matiere, en vienent bientot au poinct d'évidence, qu'il leur paroit impoffible que le monde puisse exifter, s'il n'exifte en même tems une intelligence infiniment puiffante, infiniment fage, infiniment bienfaizante, in finiment jufte, il leur paroit impofli ble, que cet être exifte fi jufte, & fi bienfaizant, s'il n'a deftiné une vie malheureuse à certains hommes, qui é tant néz avec une ame inmortelle devienent heureux dans cette vie par leurs félératèffes, par leurs mechancetéz, & par leurs autres injuftices, & s'il n'a deftiné une vie très heureufe aux gens de bien néz inmortels, qui foufrent en cette vie, & fouvent pour la verité, pour la juftice & pour la bienfaizance même.

M

IV.

Ais il faut avouer, que ces deux veritéz fur l'Enfer & fur le Paradis n'ont été bien dévelopées que depuis le Chriftianisme; qu'avant ce temslà les opinions des Grecs & des Romains fur les Enfers, & fur les Chams

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Elizées n'étoient que des opinions foibles & chancelantes, qui n'influoient prèfque point dans la conduite de leur premiere vie, & que les hommes du commun n'ont proprement comencé à en tirer un grand nombre de conféquences très raizon bles pour la conduite de la vie prefente, & pour imiter les perfections divines par l'obfervation de la Juftice, & par la pratique de la bienfaizance, que depuis l'Incarnation du fils de Dieu, & la publication de fon Evangile.

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Os loix civiles ne font pas enco

Nie arivées au poinct de faire tou

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jours punir fufizanment tous ceux qui comètent des injuftices, & de faire toujours recompenfer fufizanment toutes les bones actions dèz cette vie, mais heureuzement le Chriftianifme eft venu fupléer au defaut des loix humaines, & nous a fait fentir qu'il étoit impoffible, que Dieu jufte, comme il eft,laiffât des crimes impunis & de bones actions fans recompenfe, & qu'ainfi il étoit impoffible, qu'il ne preparât pas

ane feconde vie très malheureuze pour les injuftes, & très heureuse pour ceux qui ont paffé leur vie dans l'observation de la justice, & dans la pratique de la bienfaizance. Or il eft certain

que

la crainte de la punition & l'efperance de la recompenfe éternelle font deux nouveaux refforts très forts, deux puiffans mobiles pour porter les hommes à éviter les vices, & à pratiquer les vertus, particulierement fi ces habitudes de crainte & d'efperance, qui font les principales bazes de toute Religion, font continuellement fortifiées dez la premiere Jeuneffe par des exercices journaliers, durant tout le cours d'une longue Education.

CHAPITRE II:

"Moiens pour procurer la bone Education » MOIEN GENERAL,

Habitude à la Prudence Crétiene.

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E tems de l'Education eft proprement le tems de la vie deftiné à depoüiller les enfans de leurs mauvai

zes habitudes & à leur en faire aquerir de bones; or l'aquifition des bones détruit les mauvaizes.

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Les habitudes, les coutumes c'est ce que les Latins apeloient Mores mœurs, & il eft de la derniere impor tance pour le bonheur de l'Enfant, & de ceux avec qui il doit vivre de lui 'doner dans fon enfance de bones mœurs, de bones habitudes; or les bones font celles, qui ne nuizent à perfone, & qui font plaifir aux autres, Abftine à malofac bonum.

A force de voir tantot par notre experience, tantot par l'experience des autres, tantot par nos reflexions, tan tot par nos lectures, à force de voit les grands maux futurs atachés à l'inju ftice, il fe forme en nous une habitude de fentiment de crainte falutaire, qui nous done une averfion habituelle, pour tout ce qui fent l'injustice.

Enfuite cette averfion habituelle nous done un difcernement fin pour reconoitre, & pour fentir en toute ocazion les plus petites & les plus delicates injuftices, & c'eft ainfi, que le cœur augmente la penetration de l'efprit, en lui donant une plus forte aplication fur

certains objets, après que l'efprit à co mencé à ébranler le cœur & à le mètre en mouvement par de fimples reflexions.

Mais fans une longue habitude à fe representer les motifs de crainte, fans P'habitude à reconoitre les plus petites injuftices, l'illuzion des paffions & de notre amour propre mal entendu, & la force des mauvais exemples l'emporteront toujours fur les lumieres de la raizon, notre efprit s'ocupera a juftifier nos injuftices, & c'eft ainfi que le cœur feduit l'efprit quand il n'eft pas foutenu par une longue & anciene ha bitude d'une crainte falutaire, qui ra pelle à lon fecours de puiffans motifs capables de furmonter la force d'une paffion naiffante.

Nos entreprises & prefque toutes nos actions font des effets de nos habitudes & elles font bones ou mauvaizes à proportion que nos habitudes font bones ou mauvaizes; prefque tout est habitude en nous, nos prejugèz font forts, nos opinions, nos maximes nous paroiffent certaines à proportion, qu'el les ont étê foutenües, & depuis lontems repetées; notre memoire elle mê

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