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De Plutus la main libérale,

En vain à mes regards ètale
L'éclat de fes dons précieux,
L'Ennui cruel, qui me tourmente,
Sur tous les biens qu'on me préfente
Répand un poison odieux.

Le Monde accroît l'inquiètude,
Qui règne fans ceffe en mon cœur
Si je cherche la folitude,
Elle m'infpire de l'horreur.

Je crains le jour : la nuit me trouble
Pour nourrir l'Ennui qui redouble,
Tout femble à la fois confpirer.
Et tel eft mon malheur extrême,
Que mon cœur ignore lui- même
Ce qu'il doit fuir ou défirer.

Que me fert de porter la vûë Sur les objets les plus touchans : Contre le poifon qui me tuë, Tous leurs attraits font impuiffans;

De l'Enhui, la rigueur conftante
Change la Campagne riante
En des lieux triftes & déferts;
Et bien loin d'adoucir ma peine,
Les Princems, que Phébus ramène,
Pour moi reffemblent aux Hivers.

Beauté, Souveraine des Ames,
Ceffe de in'offrir tes attraits:
Je ne fens plus les vives flammes
Qui partoient jadis de tes traits
Malgré fa puiffance fuprême,

Oui, l'Amour, vainqueur des Dieux même,
Ne fçauroit calmer mes Ennuis;

A l'aspect de mon front févère,
Je le vois d'une aîle légère
S'enfuir loin des lieux où je fuis.

Loin du Rivage que j'habite, Tâchons de flèchir les Deftins : Fuyons; mais, ô Ciel ! à ma fuite Je vois marcher les noirs chagrins.

De l'Ennui, compagne fidèle,
J'apperçois leur troupe cruelle
Qui vient m'affiéger en tous lieux.
Le Lieu même de ma naiffance,
Séjour fi cher à mon enfance,
N'eft pas un azile contre eux.

O Dieux! obftinez à me nuire;
Soyez fenfibles à mes cris,
Ou bien daignez enfin m'inftruire
Des attentats que j'ai commis.

Bravant la foudre redoutée,

M'a-t-on vû, nouveau Prométhée,
Ravir le feu facré des Cieux ?

Viton jamais ma bouche impie,
D'une triste & pènible vie,
Vous reprocher les maux affreux?

Hélas! les foûpirs & les larmes Furent mon recours contre vous: Je n'employai point d'autres armes Pour détourner votre courroux.

Lieux écartez, affreux Rivages,
Ce n'eft qu'à vos antres fauvages
Que je confiai ma douleur.
Des humains fuyant l'affiftance,
J'ai toujours craint que ma préfence
Ne verfât fur eux mon malheur.

Monftre affreux, auteur implacable
Des maux cruels que je décris,
Tu me parois plus redoutable
Que le Taureau de Phalaris. (4)
Semblable au Vautour de Titye, (b)
Pour éternifer ta furie,

Tu renais fans ceffe en mon cœur ;
Et plus je combats ta puiffance,
Plus je fens que ma résistance

Me fait reffentir ta rigueur.

Mais quel fpectacle plein de charmes Vient calmer mes triftes regrets!

(a) Taureau d'airain, où l'on brûloit les Coupables. (b) Titye fut condamné par les Dieux à être dévoré par un vautour.

Apollon

Apollon touché de mes larmes,

"

Voudroit-il combler mes fouhaits?
Pour ravir la fleur éclatante

Qu'à mes yeux charmez il préfente;
Je fens rallumer mon ardeur
Et déja l'espoir qui m'enflame,
A fçû fufpendre dans mon ame
L'Ennui qui troubloit mon bonheur.

Poft equitem fedet atra cura. Hor,

(

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