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Prêtoit à Syracufe une clarté moins vive, L'heure fatale approche, il la trouve tardive : Il demande au Tyran qu'il daigne l'avancer Denis eft trop cruel pour ne pas l'exaucer. Déja pour Pythias Damon rempli d'a

larmes

Avoit fui fes Parens, & méprifé leurs larmes Sur un Vaiffeau leger que guidoient les Zéphirs, Il s'approchoit du but où tendoient fes defirs. Il découvre de loin les murs de Syracufe:

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Tout à coup, au milieu du calme qui l'abuse,
Un orage fubit vient troubler ce répos
Les flots féditieux s'élèvent fur les flots.

Que peut-il dans l'effroi dont fon ame eft faifie?

Il craint également, & la mort, & la vie ; Tout l'écarte & l'égare; il erre quelque tems Au gré de la fortune, & de l'onde, & des vents ; Mais la vague bien-tôt indocile, incertaine, Dans le port qu'elle fuit

?

en courroux le ra

mène:

Sur le bord il s'élance, en rendant grace aux

Dieux,

Il court vers le Palais, interdit, furieux.

Quel mouvement s'élève en fon ame èpers duë?

Pythias enchaîné fe préfente à fa vùë.

Il voit briller fur lui le glaive menaçant.
Arrête, me voici, refpecte l'innocent.
Du crime

que j'ai fait doit-il porter la peine? Barbare, c'est moi feul qui mérite ta haine. Ainfi, cher Pythias, tu périffois pour moi Et tu mourois encore en doutant de ma foi. Qu'ai-je fait ? Trop longtems arrêté par l'orage,

Je te laiffois en bute au plus cruel outrage.
A quel affreux péril ne t'expofois - je pas ?
Trop heureux d'avoir pû prévenir ton trépas;
D'avoir pû te revoir, & par une more prompte
Te conferver la vie, & réparer ma honte.

Non, non, dit Pythias, je ne te veux pas

voir;

Fuis ca vue en ces lieux caufe mon défespoir t

Autant qu'elle m'étoit autrefois précieuse, Autant dans con malheur elle m'eft odieufe.

Pourquoi m'enviois tu les douceurs d'une

mort,

Qui devoit t'arracher aux rigueurs de ton fort? Je n'en mourrai pas moins. Voudrois-je te furvivre ?

N'ayant pû ce fauver, je fçaurai bien te fuivre. Tyran, que ta fureur m'accable de fes traits: Je les mérite tous je connois tes forfaits; Frappe pour moi la mort eft un bienfait infigne,

Me ferois-tu l'affront de m'en juger indigne?

A ce tendre spectacle, immobile, ètonné, Denis rompt par ces mots fon filence obstiné. Ils m'outragent, grands Dieux ! Et moi je les admire.

Avec mes ennemis d'où vient que je confpirc ?

Je fuis dans cet inftant étranger dans mon

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J'y trouve la pitié, j'y cherchois la fureur.

Je

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Je fouffre la vertu : que dis-je ; je l'eftime.

Ciel ! comment ai-je pû me plaire dans le

crime?

C'est vous qui produifez ce changement heua

reux;

Vous me rendez à moi, je vous rends à tous

deux.

Puiffe votre amitié s'accroître davantage; Mais fouffrez qu'avec vous votre Roi la par

tage:

C'eft en vous imitant qu'il veut la mériter; Commencez à m'aimer; c'eft trop me redouter.

Le Peuple à ce difcours entrevoit par avance D'un empire plus doux la flatcufe efperance. La vertu fçait ranger tous les cœurs fous fa Loi,

On l'aime dans autrui, quand on la hair dans foi.

1732.

Non vultus inftantis Tyranni Mente quatit folida. Horat. Lib. 3. Od. 31

F

L'INCONSTANCE,

POE ME.

Mufe, raconte moi par quels charmes

vainqueurs

Nos volages défirs tyranni fent nos cœurs. Rien ne peut nous fixer; une ombre fugitive. Trouble notre répos, nous plaît & nous captive;

Et fans ceffe agitez par de nouveaux défirs, Nous fommes inconftans, même au fein des plaifirs.

L'Homme jadis fidèle aux Loix de la Nature, Couloit des jours heureux fans trouble & fans

murmure;

Libre de Paffions, dans le fein de la paix,
Il goûtoit des plaifirs tranquiles & parfaits.
Dans cet heureux ètat, les Dieux le firent
naître ;

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