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'il eft actuellement heureux, il me répondroit, apparemment. Hécom-ment pourrois-je être actuellement heureux, ne fentant plus en moi cette douceur que je fentois autrefois? Quoi, lui dirois-je, fentez-vous quelque reproche interieur. Eft-ce le repentir qui vous afflige? Hélas,nenni, me répondroit-il. Mais je ne goûte plus combien le Seigneur eft doux; je n'ai plus cet avant goût que produit l'efperance,ou cette foi vive que j'avois aux promeffes du Seigneur Jefus.

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C'est donc le sentiment agréable ou le goût du bien qui rend formellement heureux. Or tout plaisir eft agréable; donc tout plaifir actuel rend actuellement heureux felon le Jangage ordinaire. Mais comme il y a de grands & de petits plaifirs,comme il y en a de jufles & d'injuftes,de paffagers & de durables, & qu'il arrive fouvent qu'un petit plaifir nous prive d'un grand;quoique tout plaifir nous rende heureux à fa maniere, il est évident qu'il n'eft pas toûjours avantageux d'en jouir. Tels font les plaifirs des fens. Il faut les éviter avec horreur & avec vigilanTome III, A a

ce particuliere, pour les raisons que j'ai dites dans le Chapitre qui eft le fujet de ce difcours, & fouvent ailleurs.

Vous m'avez interrogé, Monfieur, & je vous ay répondu le mieux que j'ai pû. Je ne fçai pas fi vous êtes fa tisfait. Il eft vrai que je vous ai fait attendre long-temps pour bien peu de chofe; mais je n'ai pas crû en cela vous défobliger. Si vous me faites encore l'honneur de m'interroger, je fuis presentement dans le deffein de tout quitter pour vous contenter promptement; & en ce cas je vous demanderai, avec tout le ref pect qui vous eft dû,l'éclaircissement de plufieurs difficultez qui m'embaraffent dans votre Metaphyfique & dans votre Morale. Ce n'est pas que je me plaise à parler devant tant de monde qui nous écoute, & qui peutêtre fe divertit à nos dépens. Mais c'est que quand on m'y force, je tâche de me tirer d'affaire le plus promptement que je puis, & de ne pas défrayer feul la Compagnie. Croyez-moi, Monfieur, vivons en paix. Employons notre temps à critiquer en toute rigueur nos propres

opinions. Ne nous y rendons- que lorfque l'évidence nous y oblige. Ne nommons jamais dans nos Ouvrages ceux dont nous condamnons les fentimens. On s'attire par là prefque toûjours des réponses un peu fâcheufes. J'ai tâché qu'il n'y eût rien dans la mienne qui vous pût fâcher, & j'efpere d'y avoir bien réüffi. Car il me femble que je n'ai point eu d'autre vûë que de deffendre fortement mes fentimens, à caufe que je les croi veritables. Mais fi dans la chaleur de la difpute, il s'y eft gliflě quelque expreffion un peu trop dure, ce que vous pouvez fentir mieux que moi; voyez fi vous n'y auriez point donné vous-même un fujet raifonnable. Mais en tout cas, je vous prie de me la pardonner d'auffi bon cœur, que j'oublie,comme je le dois, certaines manieres qui me bleffent dans votre Ouvrage.

Fin du troifiéme volume,

I

AVERTISSEMENT.

Left à propos de lire enfuite ma Réponse à une troifiéme Lettre pofthume de Monfieur Arnauld, dans laquelle il appro ve le fentiment de M. Regis, fur les idées & fur les plaifirs.

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