son frere Baudouin, & s'efforçoit de rétablir les affaires des Latins, qui étoient dans un horrible défordre. Il remporta de grands avantages fur les Bulgares & les Walaques, & délivra la Ville d'Andrinople, dont ils vouloient former le fiége; les troupes qu'il envoya contre eux les mirent en fuite, & reprirent vingt mille prifonniers, & trois mille chariots chargés de butin, que ces Barbares emmenoient chez eux en fe retirant. Ce Prince porta même la guerre jufques en Bulgarie, détruifit plufieurs Villes, & retourna dans fa Capitale chargé de dépouilles. Quelque temps après le Roi de Bulgarie revint mettre le fiége devant Andrinople, à la follicitation de l'Empereur Grec Théodore Lascaris, qui implora fon aflistance contre Henri, par les troupes duquel il fe voyoit attaqué en Afie. Les Comains étoient encore de moitié avec les Bulgares & les Walaques dans cette expédition ; ils ravagerent toutes les campagnes, & poufferent même leurs courses jufques à Conftantinople. Mais ils abandonnerent leurs Alliés, & retournerent chez eux, dans un temps où la Ville d'Andrinople étoit réduite à la derniere extrêmité. Leur retraite fauva la Place, & les Bulgares furent forcés de lever le fiége. Genghizkhan, reconnu Empereur des Tartares en 1206, commençoit d'affervir l'Afie, & fes progrès dans cette partie du Monde, annonçoient l'orage qui devoit bien-tôt fondre fur l'Europe. Ce Prince, ni Chrétien, ni Musulman, & l'effroi des uns & des autres, poufsoit fes conquêtes vers le Midi de l'Asie. Dès l'année 1225, il s'étoit déja rendu maître de la Chine en partie, du Mavrulnahar, du Khorassan, du Mazanderan, & d'une infinité d'autres Provinces de la Perfe & de l'Inde; il avoit foumis les Villes célebres d'Otrar, de Bokhara & de Samarcande, dont il avoit fait paffer le plus grand nombre nombre des Habitans au fil de l'épée, & difperfé le refte; il força ces Barbares d'abandonner leurs demeures. Ils fe réfugierent chez Béla IV. Roi de Hongrie, qui leur donna un afile. Mais ils ne tarderent pas d'en abuser; ils firent de très-grands maux dans le Pays, & cauferent un mécontentement extrême des Peuples contre le Roi Béla, qui par fa facilité avoit donné lieu à ces défordres. J'ai déja dit que l'an 1227 le Prince des Comains avoit demandé au Pape d'être inftruit dans le Chriftianifme, & que le Souverain Pontife lui avoit envoyé l'Evêque de Strigonie avec la qualité de Légat. Mais les foins que ce Prélat fe donna pour leur converfion, furent alors prefqu'entierement infructueux, & jetterent à peine le premier germe de la Religion chez ces Barbares. L'an 1279, Ladiflas, Roi de Hongrie, promit de leur déclarer la guerre, ou de leur faire obferver les articles qui avoient été accordés dans les Traités conclus avec leurs Princes Uzuc & Tolon. Ces articles portoient que les Comains recevroient le Baptême, quit teroient leurs Montagnes & leurs Maisons de feutre, & viendroient habiter les Villes. Ladiflas rendit un Edit en conféquence; mais fes ordres ne furent point exécutés, ce Prince fut même maffacré quelques années après par ces Barbares auprès du Château de Kerefzeg. Les Comains ne fe convertirent que dans le fiecle fuivant, fous Louis d'Anjou, Roi de Hongrie, qui leur fit enfin embraffer le Chriftianisme. Ils habitoient alors la Moldavie & la Beffarabie jufques au Pont-Euxin, & aux Bouches du Danube. Cette région a été long-temps le théâtre des guerres des Hongrois, des Polonois, des Tartares & des Turcs. On l'a vûe plusieurs fois conquife par les uns & les autres, & la Nation des Comains s'eft infenfiblement confondue avec les Walaques, les Moldaves & les Tartares, qui font enfin demeurés en poffeffion de ces Pays, & y habitent encore aujourd'hui. Je renvoye le Lecteur à l'Hiftoire des Huns & aux autres Historiens pour ce qui concerne la fuite des opérations des Tartares en Europe, leur établissement dans la Crimée, la fondation de la Monarchie, connue aujourd'hui fous le nom de petite Tartarie, & la fucceffion des Princes qui ont occupé ce Trône jufques à nos jours, & qui depuis Mahomet II. se font foumis aux Empereurs Turcs. CHAPITRE X X V. La Walaquie démembrée du Royaume de Bulgarie forme un Etat à part. Etablissement de la Principauté de Moldavie. Suite hiftorique de ces Princes jufques à Etienne le Grand. ON Na vu dans le Chapitre précédent les opérations des Walaques, en fociété avec les Bulgares, qui vers la fin du douzieme fiecle étoient confondus avec eux, & compris fous le même nom. Après que la Bulgarie eut été conquise par les Rois de Hongrie, & rendue tributaire de cette Couronne, il paroît que la Walaquie en fut démembrée, & devint un Etat à part, qui eut fes Souverains particuliers. Cromerus, dans fon Histoire de Pologne, avoue qu'il n'y a rien de fi obfcur que l'origine de cette Principauté; il dit que la Nation des Walaques a été prefqu'entierement inconnue, trouve fon nom dans les Hiftoriens de Hongrie, que fous le regne de Charles. Il n'a pas tout-à-fait raifon fur ce point, & que l'on ne puifque Nicetas en parle environ deux fiecles auparavant. Il eft vrai que l'époque de l'établissement de cette Principauté n'eft pas fixée par les Hiftoriens, & que l'on ne voit nulle part comment elle s'eft formée. Il paroît indubitable que dès fon origine elle étoit, comme la Bulgarie, dépendante & tributaire du Royaume de Hongrie, puifque Bazarad, le premier Vaïvode de Walaquie dont l'Hiftoire faffe mention, payoit un tribut annuel au Roi Charles, cepen Bonfinius nous apprend que l'an 1330 Thomas, Vaïvode de Tranfilvanie, & un nommé Denis, fils de Nicolas, hommes ambitieux, qui avoient des vûes fur la Walaquie, & qui efpéroient s'emparer de cet Etat, s'ils pouvoient en chaffer Bazarad, engagerent le Roi à lui intenter une guerre. Il n'y avoit aucun reproche légitime à lui faire, il ne s'étoit jamais écarté de la fidélité qu'il devoit à fon Souverain, lui avoit toujours payé le tribut avec la plus fcrupuleuse exactitude, & ne l'avoit fruftré d'aucun de fes droits. Charles fe laiffa dant entraîner par les infinuations de Thomas & de Denis, & après avoir mis de bonnes garnifons fur fes frontieres, il marcha en perfonne contre les Walaques avec une armée nombreufe. Il s'empara en peu de jours de la Ville de Severino, & mit à feu & à fang tous les Villages des environs; il donna à Denis le Domaine de cette Place, dont la conquête lui ouvrit tout le vaste Pays qui eft depuis les frontieres de la Tranfilvanie jusques au Pont - Euxin. Bazarad informé & surpris de l'injufte procédé du Roi, voulut, avant de prendre les la défense de fon Pays, tenter les voyes de la négociation; il fit dire à Charles que s'il confentoit à fe retirer, & à lui accorder la paix, il lui abandonneroit la Ville de Severino, avec les dépendances, & lui céderoit à jamais armes pour |