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Monarque qui daigne en être le Protecteur. Vos bontés, MESSIEURS, ont prévenu mes fervices, & vous avez bien voulu m'accorder votre correfpondance avant que j'eule rien fait pour me rendre digne d'un honnenr aussi diftingué. Confus d'avoir reçu la récompense avant le mérite, je me fuis hâté de vous donner au moins un léger témoignage de ma bonne volonté. Daignez agréer l'offre d'un Ouvrage, que le zele m'a fait entreprendre, & que la reconnoissance m'a fait achever. Cet hommage n'eft certainement pas capable de m'acquitter envers vous ; mais j'efpere que vous voudrez bien le regarder comme une preuve de la vénération profonde avec laquelle je fuis,

"

MESSIEURS,

Votre très-humble & trèsobéiffant ferviteur,

PEYSSONNEL;

DISSERTATION

SUR

L'ORIGINE DE LA LANGUE SCLAVONE,

I

prétendue Illyrique.

La paru il y a quelque temps un petit

par

Discours en Italien fur l'origine de la Langue Illyrique ou Sclavone; le but de l'Auteur étoit de prouver qu'on doit regarder cette Langue comme l'ancienne Langue Illyrique ou Dalmate; qu'elle eft née en deça du Danube, & n'a pas été introduite dans l'Illirium les Barbares. Cet Ouvrage m'a fait naître l'envie d'approfondir un peu cette matiere; mais bien-loin d'adopter ce nouveau systême, je crois avoir lieu de penser, d'après les recherches que j'ai faites, que la Langue Sclavone a fa premiere fource au-delà du Danube, qu'elle est descendue du Septentrion au Midi, & que bien loin d'être née dans la Contrée connue fous le nom d'Illyrium, cette Province a été la derniere où elle a été portée. Si je ne viens pas à bout de persuader,

je femerai du moins des doutes, qui mettront peut-être l'Auteur du Difcours dans le cas de ramaffer de nouvelles

preuves, pour établir fon opinion avec plus de solidité, & l'on profitera de son érudition & de ses recherches.

La Langue Sclavone eft de toutes les Langues vivantes une des plus étendues. On la parle en Europe, dans la Dalmatie, la Liburnie ou la Croatie, qui eft la partie Occidentale de l'Illyrie, dans la Macédoine Occidentale, dans l'Epire, la Bosnie, la Servie, la Bulgarie, la Ruffie, la Moscovie, la Boheme, la Pologne, la Siléfie; & elle eft auffi en vigueur dans plufieurs Contrées de l'Afie. Suivant Gefnerus & Roccha, elle est commune à foixante Nations, & s'étend jusques au bord du Don ou Tanaïs, en exceptant la Hongrie, où l'on parle une Langue qui n'a rien de commun avec la Sclavone, mais qui ne s'y eft introduite que dans la feconde & troifieme incurfion des Turcs, des Uzes & Madgiars, venus à ce que l'on croit de la Siberie Septentrionale, & des environs de l'Obi, où l'on parle encore le Hongrois d'aujourd'hui, dont les racines ont beaucoup de rapport avec le Tartare ou le Turc. Ces Peuples étant même mentionnés sous le nom de Turcs, par Constantin Porphyrogenete dans le dixieme siecle, il eft à croire qu'avant l'incurfion de ces derniers, on 'parloit en Hongrie la Langue Slave, qui y avoit été

portée

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portée par les Huns, les Avares, les Patzinacites, & d'autres Tribus Sclavones qui avoient précédé l'incurfion des Turcs, puifque cette Langue s'y eft confervée jufques aujourd'hui, & rivalise encore en Hongrie, la Hongroife & l'Allemande. C'est ce que je tâcherai d'éclaircir, dans la fuite. Edouard Brerenwod, dans fon Scrutinium Linguarum, affure que l'on parle Sclavon, même à la Cour des Empereurs Turcs, où beaucoup d'Officiers & de Soldats, qui ont été en garnison fur les frontieres des Etats Chrétiens, s'en fervent affez communément. Sans avoir recours au témoignage de tous ces Auteurs, nous favons que toutes les Nations que je viens de citer ont une Langue commune dont les dialectes different de fort de chose. Mon projet est de prouver que cette Langue a été portée du Nord au Sud par des Peuples qui ont fucceffivement envahi çes Contrées ; & que l'Illyrium, & toutes les Provinces Cififtrienes, ou en deça du Danube, ont été le dernier terme de leur émigration on n'y parle en effet cette Langue que depuis les incurfions que ces Peuples y ont faites en divers temps, fous les différens noms d'Avares, de Slaves, de Patzinacites, de Bulgares & de Chrobates.

peu

Le Pere Anfelme Banduri, Ragufois, paroît s'être rendu à l'évidence des preuves, & avoir préféré une Histoire véridique à un Roman flatteur pour Ragufe

b

fa patrie, qui étant aujourd'hui la petite Salente du fiecle, & une Ville où commence de regner la bonne difcipline, l'amour des Lettres, & le bon goût, semble être fâchée de devoir fa Langue à des Peuples auffi Barbares que les Slaves, qui n'avoient d'autre vertu qu'une bravoure féroce, & d'autres occupations que la guerre. Leur ignorance a répandu un nuage épais fur leur Hiftoire; ils ont fait de belles actions, & n'ont jamais fu les transmettre à la postérité ; nous ne connoissons d'eux que ce que d'autres Nations nous en apprennent. Banduri, dans fes Notes fur Conftantin Porphyrogenete, nous dit que bien des Auteurs ont prétendu qu'avant l'incursion des Slaves, la Langue Illyrique fubfiftoit à Ragufe & dans la Dalmatie. Maurus Orbini, Ragufois, Prêtre de l'Ordre de Malte, dans fon Ouvrage intitulé : Il regno delli Slavi, page 173, avance que les Peuples de l'Illyrium parloient la Langue Slave, avant que les Slaves fe fuffent emparé de cette Province. Banduri n'approuve point cette opinion, & prétend qu'Orbini n'a pas saisi le véritable fens de Saint Jérôme, fur lequel il s'appuye: il défend auffi à cette occafion la liberté de la Ville de Raguse, & soutient que quoiqu'elle n'ait commencé à adopter la Langue Slave que vers le' onzieme fiecle, cela ne prouve point qu'elle ait été subjuguée par Slaves, puisqu'il paroît, par ce qu'en dit Constantin

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les

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