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que,

feu Empereur Chang hi, Prince trèscurieux, ne fe laffoit point de les voir & de les entendre. Ils lui donnerent la connoiffance de l'Optique, & lui en étalerent les merveilles dans plufieurs expériences, ainsi que de la Catoptride la Perspective, de la Statique, & de l'Hydroftatique. Ces diverfes expériences font détaillées dans le Livre dont il s'agit. A l'égard de l'Aftronomie des Chinois, ce que j'en ai dit en vous rendant compte du 21 volume des Lettres curieufes & édifiantes, doit fuffire.

Il y a néanmoins fur cela des cho

fes dignes d'attention.

L'application avec laquelle les Chinois ont toujours obfervé les mouve- Aftronomie mens célestes, leur a fait ériger un Tribunal d'Aftronomie, qui eft un des plus confidérables de l'Empire, & qui dépend du Tribunal des Rits, auquel il eft fubordonné. De 45 en 45 jours, ce Tribunal eft obligé de préfenter à l'Empereur une figure célefte, où foit marquée la difpofition du Ciel. Mais ce qu'il y a de ridicule, eft qu'il eft obligé de prédire en même tems les changemens qui doivent fe faire dans l'air, felon les variations des faifons; les ma

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ladies qui doivent arriver, les fechie reffes, la difette de vivres, & les jours où il y aura vent, pluye, grêle, tonnerre, neige, &c. ce qui ne dépend d'aucun calcul Aftronomique. On veut que les Aftronomes Chinois foient en même tems Aftrologues; faut-il s'en étonner? Les ignorans confondent ces deux chofes en Europe comme à la Chine. Le petit peuple de Paris ne s'imagine-t'il pas que les Aftronomes de l'Obfervatoire doivent prédire la pluye & la fechereffe, comme ils prédisent les Eclypfes Après tout, il faut avoüer qu'une Nation, qui entretient depuis fi long-tems une efpece d'Académie pour prédire la pluye & le beau tems, a l'ef prit bien bouché. Si les Chinois n'ont aucune P hy fique, nepeuvent-ils pas confiderer au moins que les évenemens ne s'accordent avec les prédictions de leurs Aftrologues que rarement & par hafard? Enfin toute l'Aftronomie Chinoife fe réduit à dreffer des Calendriers ornés de prédictions, à peu près comme nos Almanachs de Liége.

On trouve ici le détail de plufieurs opérations Aftronomiques, faites en présence de l'Empereur par les Jefuites, & furtout par le P.Verbieft; operations qui étonnerent & couvrirent de confu

fion les plus fçavans Aftronomes de la

Chine. Toutes les machines de leur Obfervatoire furent profcrites, & on y fubftitua, par ordre de l'Empereur, celles des Jefuites, plus commodes & plus fures. Comme le P. Verbiest fit voir des erreurs confidérables dans le Calendrier Chinois, l'Empereur fit publier un Edit par tout l'Empire, qui portoit, que fuivant la fupputation Aftronomique du P. Verbieft, il falloit néceffairement ôter de l'année courante le mois intercalaire, avec défense de le compter à l'avenir. Cette réformation inquiéta beaucoup les Chinois ignorans; ils ne pouvoient comprendre ce qu'étoit devenu le mois retranché, & ils fe demandoient les uns aux autres; en quel lieu on l'avoit mis en réserve, & quand il reparoîtroit.

Si la Chine eft recommandable pour Histoire quelque fcience, c'ett furtout par rapport à l'Hiftoire. Nul Peuple n'a été fi foigneux de conferver fes Annales, & n'a été fi fcrupuleux fur la fidélité hif torique. Il y a un certain nombre de Docteurs, hommes vertueux & défintereffés, qui font chargés d'obferver toutes les paroles & toutes les actions de l'Empereur. Chacun d'eux en particulier, & fans en faire part aux autres,

BellesLettres.

Médecine.

les écrit fur une feuille volante, à me fure qu'il en eft inftruit, & jette cette feuille dans un bureau, par une ouver ture pratiquée à ce deffein. On y mar que tout ce que le Prince a dir & fait de bien & de mal: Par exemple, tel jour l'Empereur oublia fa dignité; il fe mit en colere; il punit injuftement un Officier; il caffa mal-à-propos un Arrêt. On fait la même chofe par rapport aux bonnes actions. Le Bureau où ces feuilles font déposées ne s'ouvre jamais durant la vie du Prince, ni même tant que fa famille eft fur le Thrône, De plus, chaque Ville fait imprimer tout ce qui arrive de fingulier dans fon diftri&t. On y fait mention de tous ceux qui fe font diftingués par leur mérite perfonnel; les femmes mêmes ont place dans ces Mémoires.

L'Auteur dans la vûë de nous don ner une idée du goût des Chinois pour les Belles-Lettres, c'eft-à-dire, pour la Poëfie en général, pour les fictions romanefques, pour les Piéces de Théatre, a inferé dans fon Livre quelques échantillons, qui font bien peu de chofe. Telle fut chez les Grecs la Tragédie dans fon berceau, du tems de Thelpis.

Les Chinois n'ont aucune Phyfique, & ils ignorent abfolument l'Anatomie

du corps humain. Toute la science spéculative de leurs Médecins confifte dans ces grands mots, Chaleur vitale, Humide radical; fur quoi ils forment des raifonnemens pitoyables & chimériques. Mais comme tous les fyftêmes fpéculatifs, bons ou mauvais, font indifferens à la Médecine, leurs erreurs fur ce point ne nuifent point à leur habileté. Ce qui furprend eft que ces Médecins fi ignorans connoiffent depuis un tems immémorial la circulation du fang*, qui n'a été découverte en Europe que dans le fiécle paflé. Il faut avoüer encore qu'ils font très-habiles par rapport aux fignes diagnoftics & prognof tics des maladies, & qu'ils font particulierement verfés dans la connoiffance du pouls. Par les battemens de l'artere, ils prétendent connoître parfaitement la qualité du fang & le mouvement des efprits, la fource & la nature des maladies. » Quand »ils font appellés chez un malade, »>ils appuyent d'abord leur bras fur » un oreiller: ils appliquent enfui» te les quatre doigs le long de l'ar» tere, tantôt mollement, tantôt avec force. Ils font un tems très-confide

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* Les Annales de la Chine font foi qu'elle y a été connuë environ 400 ans après le Déluge.

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