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fophie; en un mot, il embraffe toutes les Connoiffances.

Gaffendi Reftaurateur de la doctrine d'Epicure, qu'il a épurée, a fait par là en quelque forte l'apologie de la Philofophie & des mœurs de cet ancien Philofophe, & a effacé pour toujours les impreffions defavantageufes, que divers Ecrivains en avoient données. Dans fa Philofophie, qui n'a pa ru qu'après la mort, il s'eft déclaré pour le Vuide, fans lequel le mouvement lui paroiffoit inexplicable: c'étoit, comme vous fçavez, le dogme capital d'Epicure. Notre Philofophe l'a rendu fi vraisemblable, que de trèscélébres Philofophes modernes l'ont adopté. La Philofophie, l'Aftronomie, l'Anatomie, la Métaphyfique, l'étude des Langues, l'Hiftoire Ecclefiaftique, les Antiquités profanes partagerent tour à tour fon loifir. Jamais Philofophe n'a été fi bon Humanifte, & jamais Humaniste n'a été fi bon Philofophe. Il

* Il s'agit des Philofophes Anglois; mais le Livre nouveau de M1 Abbé de Moliere les a, dit-on, fort ébranlés, & on affure que la plûpart font revenus au Cartéfianifme. Nous parlerons de cet excellent Ouvrage au premier jour.

joignit à tant d'efprit & à tant d'éra. dition des mœurs fimples & aimables, une modération & une douceur toujours égales, un parfait defintereffement, une humilité profonde, une vie auftere, enfin des vertus Chrétiennes auffi admirables dans un Philofophe que dignes d'un Prêtre. Que cet exem ple eft capable de détromper ceux qui croyent la vertu & la piété incompatibles avec le bel efprit & la fcience! A la vûë d'un Gaffendi, qui célébre la Meffe régulierement les Dimanches & les Fêtes, qui observe exactement les jeûnes de l'Eglife, & qui la refpecte toujours comme fa mere, l'incrédule ne peut-il pas dire ce que Dioclès dit un jour en voyant Epicure dans un Temple? Mes doutes fe diffipent: Epicure genoux prouve la grandeur de Jupiter.

Je vous indique d'une maniere gé nérale ce qui fait la matiere de cet Ouvrage, fans rifquer de m'égarer dans de longues difcuffions. Je ne vous parlerai ici que des difputes litteraires, que notre Philofophe eut à foutenir elles forment une fuite de ; faits plus ailés à réunir : j'y en joindrai quelques autres, qui m'ont paru inté, ceffans, & je dirai enfuite avec une li

berté honnête ce que je penfe du fond & de la forme de l'Ouvrage. Mais avant que d'entamer les difputes lit. teraires, permettez-moi de citer ici deux traits, qui me paroiffent peindre vivement la modeftie de Gaflendi. Il vint en 1632. de Paris à Grenoble avec Maridat Confeiller au Grand Confeil, perfonnage fort fçavant & amateur des gens de Lettres. Dans ce voyage il n'échapa jamais au Philofophe de fe faire connoître au Magiftrat. Maridat arrivé à Grenoble va vifiter fes amis; un d'entr'eux le rencontrant dans la ruë, lui dit qu'il va voir Gaffendi, qui eft, dit-on, arrivé à Grenoble. Maridat, qui fouhaitoit depuis long-tems de connoître cet homme fameux, accom pagna fon ami. Quelle fut fa furprise de fe retrouver dans fon Hôtellerie, & de voir que cet illuftre Philofophe étoit fon compagnon de voyage! Que de modeftie dans ce filence! Gaffendi, comme vous voyez, n'affectoit point le bel efprit. Quelle violence ne fallut-il pas lui faire, pour l'engager à accepter la place de Profeffeur de Mathématique au College Royal Un homme, qui avoit l'efprit fi élevé & le cœur fi noble, n'auroit pas fûrement

rampé dans une antichambre pour l'ob tenir. Encore moins eût-il été dire équivalemment de porte en porte : j'ai de l'efprit & du fçavoir; les honneurs de la litterature me font dûs. Ce rôle lui eût fans doute femblé indigne d'un homme fenfé, d'un honnête homme.

Quoique l'Ouvrage de Gaffendi contre les Sectateurs d'Ariftote n'ait pas été pofitivement réfuté, je ne laifferai pas d'en parler, comme s'il avoit donné lieu à quelque difpute, parce qu'en 1624, époque de fon impreffion, il fit beaucoup de bruit. Vous fçaurez donc que Gaffendi, étant encore écolier de Philofophie, méprifa ouvertement les opinions Péripatéticiennes, que lui enfeignoit fon Maître. Devenu enfuite Profeffeur de Philofophie à Aix, il ofa faire foutenir des theses. pour & contre Ariftote, qui alors régnoit dans les Ecoles. Il fit enfuite imprimer à Grenoble contre les Péripatéticiens un Ouvrage, où il leur reproche leur folle ardeur pour la difpute, fans fe mettre en peine de trouver la verité. D'anciens Philofophes, dit-il, & plufieurs Peres de l'Eglife, ont rejetté la doctrine d'Ariftote, adoptée depuis dans des fiécles barbares, &

malheureusement introduite dans la Théologie par les Scolaftiques. L'hif toire qu'il fait de la fortune des Ecrits Ariftoteliciens, prouve qu'il nous en refte fort peu, & que la plûpart font fuppofés. Ce point d'érudition avoit déja été traité d'une maniere plus étendue par François Patrizi dans fes Difcuffions Péripatéticiennes. Après avoir fait ces réfléxions générales, il fronde la pitoyable méthode des Sectateurs d'Ariftote, & il fe propofe d'attaquer avec la même vigueur leur Physique, feur Métaphysique, & leur Morale. Cet effai irrita tellement les Philofophes de l'Ecole, qu'il n'ofa imprimer la fuite de fon Ouvrage. Ce qu'il y a de fingulier, c'eft que le P. Fabry Jefuite, que Gaffendi avoit lui-même exhorté à imprimer fes Ecrits Philofo. phiques, a vivement attaqué le Philofophe Provençal, pour avoir fait cette

fortie contre Ariftote. C'eft un fait que le P. B... a oublié de dire. Mor hof dans fon Polyhistor s'est auffi élevé contre Gaffendi. L'entêtement pour le Péripatétifme enfantoit ces déclamations. Quoique l'Eglife ne se foit déclarée pour ou contre aucune Philofophie, on pourroit cependant dire

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