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çu une haute idée; il l'eftime un grand perfonnage & un homme rare. Defcartes,, à qui cette Lettre fut peut-être communiquée, ne demeura pas en refte; il pria le P. Merfenne d'allurer M. Gaffendi, qu'il l'eftimoit & l'honoroit extrê mement. Mais la délicateffe de celui-ci altera en 1641 cette eftime mutuelle. Defcartes infera à la fin de fon traité des Météores la découverte des Parhelies ou faux Soleils, qui avoient paru à Rome en 1629, fans faire mention de la Differtation de Gaffendi fur ce Phénomene. Ce filence lui parut inju rieux, & il s'en plaignit. Defcartes écrivit au P. Merfenne, que Gaffendi avoit tort de s'offenfer, de ce qu'il avoit taché d'écrire de la vérité d'une chofe, dont Gaffendi avoit écrit des chiméres. On ne fçait fi Gaffendi vit cette Lettre,

Quoiqu'il en foit, preffé par le Pere Merfenne de propofer fes doutes fur les Méditations de Defcartes, il les lui envoya manufcrits. A la fin de fon Ouvrage il adreffe la parole à Defcartes, & lui dit » qu'il n'a pris la plume » que dans le deffein de s'entretenir » dans l'honneur de fon amitié; qu'il » ne doit pas être furpris qu'on pense » autrement que lui; qu'il ne doit pas

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même s'en embarraffer; quand je » trouve, ajoute-t'il, quelque mêts qui me plaît, & qui déplaît aux au» tres, je n'ai garde de vouloir exiger » qu'il plaife aux autres, comme à > moi : ainfi lorsqu'une opinion plaît à

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mon efprit, & ne plaît pas aux au» tres, je fuis bien éloigné de la dé »fendre comme la plus vraie je >> fuis perfuadé que chacun abonde dans » fon fens, & qu'il n'eft pas moins injufte de vouloir que chacun fuive »notre avis, que d'exiger que chacun »juge du goût comme moi. « Il lui laiffe la liberté de méprifer fon Ouvrage, trop charmé de lui avoir fait connoître fon refpect. Il défavoüe & confent qu'il efface tout ce qui pourroit lui déplaire. H joignit à cet écrit une Lettre, où il fait l'éloge de l'Ouvrage qu'il critique, & parle de fes doutes avec toute la modeftie imaginable. Il lui protefte qu'il ne combat que fa mé thode & fes preuves. » Je fais profef » fion, ajoute-t'il, de croire l'exiften» ce de Dieu & l'immortalité de l'ame; je n'hefrte que dans la force du raifonnement que vous employez pour 9) les prouver. « Que de modération, que de fageffe & de douceur dans ces procédés! Puiffent-ils devenir le mo

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déle de toutes les difputes littéraires! Dans cet écrit imprimé en 1642, & qui fut regardé comme un chef-d'œuvre polémique, & digne d'un fubtil Métaphyficien, il ne lui eft échapé aucune injure contre Defcartes, mais feulement quelques petites railleries, qui ne font pas capables de l'égratigner. Ce font les termes de l'Auteur. Descartes ne porta pas un jugement fi avantageux de cet Ouvrage. Dans la Lettre qu'il écrivit au P. Merfenne, il traite Gaf fendi d'Orateur, qui fe joue de fes opinions, fur lesquelles il ne fçait point raifonner. Il fait pourtant l'éloge de Gassendi, en lui déclarant qu'il n'avoit détruit aucune de fes raifons. Le Pere Merfenne fit imprimer l'écrit de Gaffendi avec la réponse de Defcartes; ce qui ne plut pas au premier. Gaffendi travailla enfuite à une réplique, qu'il tint cachée pendant quelque tems; mais à la follicitation du P. Merfenne, il l'envoya à Sorbiere, qui étoit alors en Hollande, & qui la fit imprimer en 1643, avec fon premier écrit contre Descartes.

Quoique celui-ci eût paru choqué de ce que Gaffendi lui faifoit un mystére de fa réplique, il refolut de la mépriser, & même de s'en interdire la lecture

pour ne pas prolonger une difpute done il étoit fatigué. Cependant s'entretenant un jour de cet écrit, avec ceux qui l'avoient lû, il convint qu'il méritoit une réponse, & il promit de la donner, après l'impreffion de fes principes. Quelques Sçavans traiterent ce filence d'incivilité & de mépris dédaigneux; d'autres le regarderent comme un aveu de fa défaite.

Il femble que Gaffendi voulut à for tour donner des marques de mépris à Defcartes, dont les Principes avoient paru en 1644. Dans une Lettre qu'il écrivit au Miniftre Rivet, qui l'exhortoit à critiquer cet Ouvrage, il dit que ce travail étoit affez inutile, & que cet Ecrit mourroit avant fon Auteur, Prophétie qui ne s'eft pas accomplie. Les procédés de Defcartes & de Gaffendi font voir, que dans la chaleur & dans la difpute, les Philofophes ne font pas plus fages que les autres. Defcartes voyant le mauvais effet que pro duifoit fon filence, attaqua enfin la replique de Gaffendi, en fe fervant des extraits fidéles que des amis communs avoient fait des endroits qui mé ritoient d'être réfutés. Il parle avec mépris de l'Ouvrage de fon rival; & pour juftifier les expreffions dures qu'il

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employe, il dit que Gaffendi ne lai avoit pas épargné les injures; ce qui est pourtant faux. Jugez combien l'on doit excufer les Critiques, lorfqu'il leur arrive de ne pas garder toutes les mefures convenables, puifqu'un des plus grands Philofophes ne fçait point fe renfermer dans les bornes de l'honnêteté, en écrivant contre un Auteur qui étoit la douceur & la modération même. M. Clerfelier, à qui cette réponse de Descartes étoit adreffée adoucit dans fa traduction Francoise les expreffions dures, & fit confentir Gaffendi d'être nommé; ce que Defcartes, pour ne pas l'offenser, avoit expreffément défendu. Ce fut là le dernier acte d'hoftilité. Ceci fe paffa en 1646.

Deux ans après, Defcartes étant ve nu à Paris, l'Abbé d'Eftrées, enfuite Evêque de Laon & Cardinal, qui étoit dèflors le protecteur des Gens de Lettres, forma le projet de reconcilier ces deux grands hommes. Ils étoient convenus de venir dîner chez lui avec

quelques autres Sçavans. Defcartes ne manqua pas au rendez-vous; mais une indifpofition furvenue à Gaffendi pendant la nuit l'empêcha de tenir fa

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