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flottoit en marchant, ce qui reftoit en arrière ayant couru pour s'alligner, tous les Grecs jettèrent en même-temps les cris ufités pour invoquer le Dieu de la Guerre, & fe mirent à la courfe. Quelques-uns prétendent même qu'ils frappoient avec leurs piques fur leurs boucliers pour effrayer les chevaux. Avant qu'il fuffent à la portée du trait, la Cavalerie Barbare détourna ses chevaux & prit la fuite. Les Grecs la poursuivirent de toutes leurs forces, & se crièrent les uns aux autres de ne pas courir & de combattre en gardant leurs rangs. Quant aux Chars des Barbares, dénués de Conducteurs, les uns retournèrent sur l'Armée des Ennemis, les autres traversèrent la Ligne des Grecs. Dès que les Grecs les voyoient venir ils s'arrêtoient & s'ouvroient pour les laiffer paffer. Il n'y eut qu'un Soldat qui, frappé d'étonnement, comme on le feroit dans l'Hippodrome, ne fe rangea pas, & fut renversé par un de ces Chars; mais cet homme même n'en reçut aucun mal, à ce qu'on prétend. Aucun autre des Grecs ne fut bleffé à cette affaire fi ce n'est un seul à l'aile gauche, qui fut, dit-on, atteint d'une fléche.

Cyrus voyant les Grecs vaincre & pourfuivre tout ce qui étoit devant eux, reffentit une vive joie. Déjà les Perfes qui l'entouroient l'adoroient comme leur Roi. Cette apparence de fuccès ne l'engagea pas à se livrer à la pourfuite des fuyards. Mais, à la tête de l'Escadron ferré des fix cents Chevaux qu'il avoit avec lui, il observoit avec foin quel parti prendroit fon frère; car il fçavoit qu'il étoit au centre de l'Armée

Perfe; c'est le pofte ordinaire de tous les Généraux des Barbares. Ils croient qu'étant des deux côtés entourés de leurs Troupes, ils y font plus en sûreté, & qu'il ne faut à leur Armée que la moitié du temps pour recevoir leurs ordres, s'ils en ont à donner. Le Roi, placé (ainfi au centre de fon Armée, dépassoit cependant la gauche de Cyrus. Ce Monarque, ne trouvant point d'Ennemis devant lui ni devant les fix mille Chevaux qui couvroient fa Perfonne, fit faire à fa droite un mouvement de converfion, comme pour envelopper l'autre Armée. Cyrus craignant qu'il ne prît les Grecs à dos & ne les taillât en piéces, pique à lui, & chargeant avec les six cents Chevaux de fa Garde, il replie tout ce qui eft devant le Roi, & met en fuite les fix mille Chevaux commandés par Artagerfe; on dit même que Cyrus tua Artagerse

de fa main.

Dès que la déroute commença, les fix cents Chevaux de Cyrus, s'éparpillèrent à la poursuite des fuyards. Il ne refta que peu de monde. auprès de lui & prefque uniquement ceux qu'on appelloit fes Commençaux. Etant au milieu d'eux, il apperçoit le Roi Roi environné de ses Courtifans. Il ne peut fe contenir,& ayant dit: Je vois mon homme, il fe précipite fur lui, le frappe à la poitrine, & le bleffe à travers la cuiraffe, à ce qu'attefte Ctéfias le Médecin, qui prétend avoir lui-même pensé & guéri la blessure. Pendant que Cyrus frappe le Roi, il eft percé lui-même au-deffous de l'œil, d'un javelot lancé avec force. Ctéfias, qui étoit avec Artaxerxe, raconte combien per

dit la Troupe qui entouroit le Roi dans ce combat des deux frères & de leur fuite. Cyrus fut tué, & près de lui tombèrent huit des plus braves Guerriers. qui l'accompagnoient. On prétend qu'Artapate, le plus fidéle de fes Chambellans, voyant Cyrus à terre, fauta à bas de fon cheval, & fe jetta fur le cadavre de fon Maître. Les uns difent que le Roi l'y fit égor ger; d'autres, que ce fut lui qui s'y égorgea lui-même, ayant tiré fon cimétère; car il en portoit un à poignée d'or, ainfi qu'un collier, des braffelets & les autres marques de diftinction dont fe parent les Premiers des Perfes, Cyrus fe plaifant à l'honorer à cause de fon affection & de fa fidélité.

Ainfi finit Cyrus. Tous ceux qui paffent pour l'avoir intimement connu, s'accordent à dire que c'est le Perfe, depuis l'ancien Cyrus, qui s'eft montré le plus digne de l'Empire, & qui poffédoit le plus les vertus d'un grand Roi. Dès les premiers temps de fa vie, élevé avec fon frère & d'autres enfans, il paffoit pour l'emporter en tout genre fur fes compagnons ; car tous les fils des Perfes de la première distinction recevoient leur éducation aux portes du Palais du Roi. Ils y prenoient d'excellentes leçons de fagesse, & n'y pouvoient rien voir ni entendre de mal-honnête. Les uns étoient distingués par le Roi, les autres disgraciés & privés de leurs emplois, enforte que dès leur enfance ils apprennoient à commander & à obéir. Cyrus étoit regardé alors comme celui des enfants de fon âge qui montroit le plus de disposition à s'instruire. Ceux d'une naissance moins diftinguée n'obéiffoient pas

avec tant d'exactitude aux Vieillards. Il témoigna enfuite le plus d'ardeur pour l'Equitation, & passa pour mener le mieux un cheval. On jugea qu'il s'adonnoit & s'appliquoit plus qu'aucun autre aux exercices d'un Guerrier, à lancer des fléches & des javelots. Lorfque fon âge le lui permit, il aima la chaffe avec passion, & perfonne ne fut plus avide des dangers qu'on y court. Un jour il ne voulut pas fuir un ours qui revenoit für lui. L'ayant au contraire attaqué, il fut arraché de fon cheval par cette bête féroce, en reçut des bleffures, dont il lui reftoit des cicatrices apparentes; mais il finit par le tuer, & fit un fort digne d'envie à celui des Chaffeurs qui étoit arrivé le pre

mier à son secours.

Les boucliers dont l'Infanterie Perfanne fe fervoit, avoient la forme d'un lofange, & un paffage de Lucien fait préfumer qu'ils étoient d'ofier.

Les Affyriens fe retranchoient dans leurs Camps, & mettoient pendant la nuit des entrâves à leurs chevaux; mauvaise pratique & très - préjudiciable, en cas d'attaque.

Telles font les notions les plus exactes qu'on peut avoir de l'Art Militaire Afiatique. Cet Art refta toujours chez eux dans l'enfance, & leur nombre, leurs chars & leurs chariots ne purent jamais réfifter. à une petite Armée bien conduite, bien disciplinée fous les ordres d'un habile Général.

Puiffance militaire de Carthage,

NOTES

SUR LES CARTHAGINOIS.

CARTH ARTHAGE; Colonie des Tyriens, & fondée par la fameuse Didon, chantée par Virgile, peut être regardée comme une République Guerrière, d'abord par la néceffité de fe défendre contre les Peuples voifins, & enfuite par le défir d'étendre fon Empire. Sa Puiffance Militaire confiftoit en Alliés, en Peuples tributaires, dont elle levoit des Milices & de l'argent, en quelques Troupes compofées de fes propres Čitoyens, & en Soldats mercenaires qu'elle achetoit dans les Etats voisins, fans être obligée ni de les lever ni de les exercer, parce qu'elle les trouvoit tout formés, & elle avoit foin de les choifir chez les Peuples les plus agguerris. La Numidie lui fournissoit une Cavalerie légère, hardie, impétueufe, infatigable; des Ifles Baléares, elle tiroit les plus habiles Frondeurs de l'Univers; de l'Espagne, une Infanterie ferme & invincible; des Gaules, des Troupes d'une valeur reconnue & de la Gréce, d'excellens Soldats propres à toute espéce de Guerre. Ainfi, fans dépeupler fes Campagnes, elle mettoit tout-à-coup fur pied une puiffante Armée, composée de l'Elite des Troupes de l'Univers. Par un fang vénal elle s'acquéroit la poffeffion des Provinces & des Royaumes. Défauts de la Cette conftitution Militaire avoit pourtant fes détaire de Carthage, fauts. Toutes ces parties fortuitement afforties ne te

conftitution mili

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