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Maffiniffa, Roi de Numidie, Allié des Romains, fes Terres; qu'ils payeroient à la République dix Dix talents va mille talens Euboïques d'argent, & qu'ils donneroient cent ôtages au choix de Scipion.

loient a peu-près dix millions.

Troifiéme Guerre Punique,

La troifiéme Guerre Punique, moins longue & moins fertile en événements que les deux premières fut cependant plus confidérable par la deftruction totale de Carthage, cette puiffante rivale de Rome, qui ne fe crut pas en sûreté, tant qu'elle exifta. Le fujet de cette Guerre fut encore l'ombrage qu'elle donnoit aux Romains qui faifirent un prétexte trèsléger, pour détruire de fond en comble cette Ville célébre par fes richeffes, fon commerce & le nombre de fes Habitants.

Dans le dernier Traité de Paix, il avoit été convenu que les Carthaginois rendroient à Massinissa, Roi de Numidie, toutes les Villes & le butin dont ils s'étoient emparés. Quelques différents furvenus. entre lui & cette République, au fujet de ces reftitutions, trente Citoyens de Carthage bannis de cette Ville par un Décret, & reçus à la Cour de Maffinissa ; des outrages faits aux fils de ce Prince qu'il avoit envoyé pour négocier la grâce des Exilés ; une longue inimitié entre ce Prince & la République les armèrent l'un contre l'autre.

Caton fut envoyé de Rome avec plufieurs Députés pour examiner les différends, & les régler. Ils ne purent en venir à bout, & furent témoins d'une fanglante bataille donnée entre Maffiniffa & les Carthaginois, où ceux-ci furent défaits. Caton, à fon retour à Rome, rapporta que Carthage étoit plus flo

Prétexte de la

riffante que jamais. Le récit qu'il fit de ses richesses, de fes forces, de fes reffources effraya les Romains, qui réfolurent enfin de fe délivrer d'une rivale dont l'existence leur donnoit des craintes perpétuelles fur la leur, & de détruire de fond en comble cette malheureuse République. En conféquence on fit des préparatifs immenfes pour la Guerre; le prétexte étoit fimple. Les Carthaginois avoient violé le dernier Traité de Paix, en faisant la Guerre à Maffiniffa fans 3 Guerre Punique. l'agrément de la République; d'ailleurs, fi celui-là n'avoit pas exifté, on en auroit nécessairement trouvé d'autres. La haine, la crainte, la jalousie en euffent plutôt inventé. Enfin on se prépara vigoureusement à la Guerre. Les Carthaginois voyant l'orage qui les menaçoit, envoyèrent des Ambassadeurs; on leur dit qu'on ne les écouteroit qu'en Afrique. L'Armée Romaine, fous les ordres de Manilius & de Marcius y débarqua, & s'avança jufqu'auprès de Carthage. Ce fut là qu'on reçut les Députés des Carthaginois, qui, épuifés d'armes, d'hommes & d'argent, vinrent demander la Paix à telles conditions qu'on voudroit leur impofer. Le Conful exigea, avant d'entrer en conférence, qu'on lui remît toutes les armes, toutes les munitions de Guerre de la République, & qu'on envoyât à Lilibée trois - cents ôtages de gens d'Elite. Les malheureux Républicains obéirent en verfant des larmes de rage & de défefpoir. On vit arriver dans le Camp une longue file de charriots chargés de tous les préparatifs de Guerre qui étoient dans Carthage, deux-cents mille armures complettes, un nombre infini de traits, de javelots,

Destruction de Carthage.

deux mille machines propres à lancer les pierres & les dards. Quand le Conful les eût ainsi défarmés, il leur annonça de la part de la République l'Arrêt foudroyant de leur deftruction, leur ordonna d'abandonner Carthage, & de tourner leurs pas où ils voudroient. Le Conful fut attendri de leur pofition cruelle; mais, inexorable à leurs cris, il persisia dans fa rigueur. La fureur, le défespoir fournirent des ressources à ces malheureux. Tous les Carthaginois devinrent Soldats. On fit de nouvelles armes; les femmes donnèrent un exemple mémorable de patriotisme & de fureur; leurs beaux cheveux coupés & treffés tinrent lieu de chanvre pour faire des cordes. On tira parti de tout, & ils fe mirent, au grand étonnement du Conful, en état de fe défendre, & de faire encore durer la Guerre. Et en effet, ils combattirent avec la plus grande opiniâtreté. Enfin manquant de vivres, épuifés d'hommes & de toute espéce de reffources, ces malheureux Habitants se rendirent fans autre condition que d'avoir la vie fauve. Ce fut Scipion, furnommé le fecond Africain, qui eut la gloire de terminer cette Guerre. Ainfi finit cette République, qui avoit été floriflante pendant feptcents ans, comparable aux plus grands Empires par fa domination fur mer & fur terre, fes Armées nombreuses, fes Flottes, fes élephants & fes richeffes. Jules-Céfar fit rebâtir une feconde Ville fur les débris de la première; on l'appella nouvelle Carthage; mais elle fut détruite de fond en comble par les Sarazins, & aujourd'hui on n'en voit aucun veftige.

DESCRIPTION

DESCRIPTION

DES FORTIFICATIONS

DE CARTHAGE.

ELLE étoit clôfe d'une triple muraille, haute de trente coudées, fans les parapets & les tours qui flanquoient tout à l'entour à égale distance, éloignées l'une de l'autre de quatre-vingt toifes. Chaque tour avoit quatre étages, les murailles n'en avoient que deux. Elles étoient voûtées, & dans le bas il y avoit des étables pour mettre trois-cents élephants, avec les chofes néceffaires pour leur fubfiftance, & des écuries au-deffus pour quatre mille chevaux, & les greniers pour leur nourriture. Il s'y trouvoit auffi de quoi y loger vingt mille Fantassins, & quatre mille Cavaliers.

Les Carthaginois avoient les mêmes armes & la même manière de combattre que les autres Peuples de la Gréce, beaucoup de chars & d'éléphants; mais le mauvais fyftême qu'ils avoient de n'avoir leurs Armées compofées que d'Etrangers, leur fut préjudiciable, & contribua beaucoup à la deftruction de cette fameuse & puiffante République.

S

NOTES

SUR L'HISTOIRE MILITAIRE

DES ROMAINS.

Génie des Ro- L'HISTOIRE Militaire des Romains est, sans contre

mains, & des cau

deur & de leur dé

cadence.

fes de leur gran- dit, la plus intéressante. On eft curieux de fçavoir par quels moyens ce Peuple, foible d'abord, composé d'une poignée de Vagabonds, ( qui, fous la conduite d'un Brigand, nommé Romulus, bâtirent une petite Bourgade) acquit de la confiftance, augmenta peu-àpeu, devint célébre par fon Gouvernement, fon génie, fon patriotifme, fa difcipline Militaire, & se rendit enfin maître du monde. L'amour de la patrie, la liberté & l'ambition ont été les premières. vues des Romains dans l'établissement de la République, la cause ou le prétexte des Guerres qu'ils ont eues à foutenir, & des révolutions qu'ils ont effuyées. Ce fut l'amour de la liberté qui fit profcrire la Royauté, qui détermina l'autorité du Confulat. Le Peuple même, pour balancer la puissance des Confuls voulut avoir des Protecteurs particuliers tirés de fon Corps, & ces Magistrats Plébéiens, fous prétexte de veiller à la confervation de la liberté, s'érigèrent insensiblement en Tuteurs des Loix, en Infpecteurs du Sénat & de la Nobleffe.

Ces Inquifiteurs de l'Etat tenoient en respect les Confuls mêmes & les Généraux qu'ils obligeoient

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