Deuxième espéce de tortue. Troifiéme efpéce de tortue. du monde à rompre. A la bataille du Casilin, gagnée par les Romains fur les François, dès le commencement de la Monarchie, les Romains avoient formé une tortue de cette espéce en avant de leur front de bataille. La feconde espèce de tortue se formoit de même avec des hommes & des boucliers ; mais la différence étoit que celle-ci fervoit à approcher, fans danger du pied de la muraille dans des fiéges; les plus grands hommes étoient placés au premier rang, les plus petits aux derniers. Ce toît formé par les boucliers joints ensemble, avoit moyennant cette ordonnance une pente douce, pour aider à d'autres Soldats à monter deffus, former une feconde tortue fur la prémiere, & s'élever ainfi par dégrés à la hauteur des murs ou d'une bréche. Les hommes étoient fi ferrés, les boucliers fi unis, & il y avoit une union de forces & de maffe fi bien entendue, que cette tortue ne pouvoit être rompue, ni par les pierres, ni les poutres qu'on jettoit fur elle du haut des remparts. La troisiéme espéce de tortue, étoit une machine de guerre qu'on employoit dans les fiéges; c'étoit un affemblage de planches qui formoient une caiffe ouverte pardevant & par derrière; on la préservoit de l'embrâfement en la couvrant de cuirs, ou de peaux fraîches & humides. Cette tortue renfermoit, tantôt une poutre garnie à une de fes extrémités d'un fer crochu, pour détacher & démolir les pierres du rempart; (cette poutre garnie d'un crochet s'appelloit Corbeau démo- corbeau démolisseur); tantôt une piéce de bois énorme, lifeur. armée d'un morceau de fer, qui avoit la forme de la tête d'un bélier, & qui, suspendu à des chaînes ou à des cordes, & mife en mouvement par l'impulfion & les efforts d'une multitude de bras, dégradoit les murs, faifoit bréche, & finifloit par les détruire. L'objet de la tortue étoit de mettre à couvert la machine qu'elle renfermoit, & les hommes destinés à la faire mouvoir. Vitruve parle d'une tortue qui avoit quarante-cinq pieds à chaque face, & vingt-cinq de haut, les côtés en étoient garnis de claies couvertes de peaux nouvellement écorchées ; il y avoit dix à douze pieds depuis la platte-forme de la tortue jufqu'au toît, fur lesquel on élevoit encore une tour à quatre étages, dont le plus élevé avoit environ dixhuit pieds de large; on y plaçoit les catapultes les plus légères & les plus portatives. Dans les étages inférieurs on amaffoit beaucoup d'eau, pour éteindre le feu que les ennemis auroient pu jetter fur la tortue, & on plaçoit dans le rez de chauffée de la machine le bélier fufpendu au plancher par des courroyes, au moyen defquelles il alloit, venoit, & donnoit des coups proportionnés à fon poids. Les mantelets étoient des efpéces de parapets de planches avec un toit fait de planches, auffi garnies de peaux. Cette machine, qui, felon Végéce, avoit huit pieds de haut, fept de large, & vingt-fix de long, fe conduifoit moyennant des roulettes jufqu'au pied du mur. Elle fervoit à garantir des traits de l'ennemi les Sapeurs, qui travailloient à couvert derrière elle. Bélier. Mantelets. Cavalier ou Agger. Galerie. Balifte. Catapulte. Le Cavalier, dit communement Agger, étoit une masse énorme, compofée de terre & de bois, qu'on élevoit au niveau, ou même au-deffus des murs de la place. On y établissoit des machines pour lancer dans la place des pierres & des traits. Les Anciens connoiffoient auffi l'ufage des galeries; &, fans poudre, ils fçavoient parfaitement miner une tour, ou un ouvrage quelconque; ils arrivoient, par le moyen d'une galerie pratiquée fous terre, jufqu'au pied du rempart; ils détruifoient une portion des fondations qu'ils étayoient avec des morceaux de vieilles folives. Enfuite ils mettoient le feu à ces étais, qui, fe consommant, faifoient écrouler cette partie de la fortification, & la bréche étoit fouvent assez praticable, pour qu'on pût donner afsaut. Ils avoient encore plufieurs autres machines inventées & variées suivant les circonftances, & le génie des Généraux; mais toutes n'avoient d'autre but que de détruire les murs de la ville affiégée, & d'y introduire les affiégeants avec le moins de perte poffible. Les affiégés & les affiégeants avoient d'autres machines, comme la balifte, la catapulte, le fcorpion, les arbalêtes, les corbeaux, &c. qu'ils employoient avec fuccès. La baliste étoit une machine qui fe bandoit avec des cordes de lin ou de boyau ; elle fervoit à lancer des javelots & des dards avec une roideur extrême. La catapulte fervoit à lancer, avec l'impétuofité de la foudre, des pierres d'une groffeur énorme, qui écrafoient hommes, chevaux, & brifoient les machines machines les plus fortes. Les affiégeans faifoient quelquefois pleuvoir, avec cette machine, dans la ville affiégée, une quantité de cadavres & de bêtes mortes, qui portoient l'infection dans l'enceinte des murs, hâtoient quelquefois la prise de la Ville. & L'arbalête, ou scorpion, servoit à lancer des petits dards avec une vîtesse extrême. Arbalète ou Scorpion. La phalérique étoit une espèce d'artifice qu'on Phalérique. attachoit à un dard, & qu'on lançoit contre les tours ou d'autres ouvrages pour y mettre le feu. Telle eft l'idée générale qu'on peut avoir des armes des Anciens. Leur effet n'étoit certainement pas à beaucoup près fi meurtrier que celui des nôtres. Nos balles & nos boulets font des armes infiniment plus deftructives que les fléches & les dards même, lancés par les machines les mieux exécutées. Et, fi les combats étoient bien plus fanglants, la vraie cause existe dans la manière même de se battre. Autrefois, lorfque les fléches étoient épuisées, on se mêloit, l'épée à la main. L'adrefle & le courage décidoient du fuccès. Chaque individu étoit intéressé, pour sa confervation, à la mort de l'ennemi qu'il avoit en tête ; auffi les batailles étoient-elles bien moins longues, & plus décifives; nos armes blanches ont pour le moins le même avantage que les leurs, & celles de jet font incomparablement meilleures, & pour la vélocité & pour l'effet. * C |