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Choix des Gé

ciers.

Une conduite contraire avoit abfolument décrié les Etoliens, & les avoit même rendus odieux, comme brigands & voleurs, parce que, n'ayant pour régle de leur conduite que leur intérêt, ils ne connoiffoient ni les Loix de la guerre, ni celles de la paix, & que tout moyen de s'enrichir leur paroiffoit légitime, fans s'embaraffer s'il étoit contre le droit des gens, d'attaquer fubitement des voifins qui fe croyoient en fûreté fous la fauve-garde des Traités.

C'eft un grand avantage pour les Rois d'être maîtres néraux & des Offi- abfolus du choix des Généraux d'armées, & des Officiers; & un grand talent pour eux, eft de fçavoir bien choifir des hommes qu'ils rendent dépofitaires de la puissance, de la gloire & de la fortune de l'Etat. C'est la bonté de ce choix qui a principalement causé le succès des Princes qui ont fçu le faire. Philippe, Alexandre le Grand, Cyrus n'ont jamais confié leurs Troupes à des Généraux fans mérite & fans expérience. Leurs fucceffeurs négligèrent cette attention nécessaire. La cabale, le crédit d'un Favori préfidoient ordinairement à ce choix, à l'exclufion des bons Sujets; auffi le fuccès des guerres répondit à de tels commencements; & dans tous les temps, dans toutes les circonftances les mêmes abus auront toujours des fuites auffi funeftes.

Sparte étoit gouvernée par deux Rois qui étoient par leur rang en poffeffion de commander les Armées; &,dans les premiers temps, ils marchoient ensemble à la tête de leurs Troupes; mais une divifion arrivée entre Cléomène & Démarate, donna lieu à une Loi, qui ordonnoit qu'un feul des deux Rois commande

que

roit en temps de guerre. Ces Républicains comprirent l'autorité s'affoiblit dès qu'elle eft partagée; qu'il eft rare que deux Généraux ayant même autorité, s'accordent parfaitement enfemble, & que rien n'eft plus funefte à une armée, que le partage du com

mandement.

Cet inconvénient étoit bien plus grand à Athénes, où, par la conftitution même de l'Etat, il devoit toujours y avoir dix Commandants; parce qu'Athènes étoit compofée de dix Tribus, dont chacune fourniffoit le fien, & le comandement rouloit par jour entre ces dix Chefs. C'étoit le Peuple qui les choififfoit chaque année. Il falloit que cette République fût bien fertile en Grands-Hommes, puifque pendant près de deux cents ans, on compte à la tête de fes Armées un nombre infini de Généraux habiles. La jaloufie fut très-rare parmi eux, parce qu'ils n'avoient en vûe que le bien public. On en voit un exemple dans la guerre que Darius porta contre les Grecs. Le danger étoit extrême; les Athéniens fe trouvèrent feuls contre une Armée formidable; des dix Généraux qui les commandoient, cinq étoient pour donner le combat, & cinq pour le retirer. Miltiade, qui étoit du premier avis, ayant entraîné dans fon parti le Polémarque, (c'étoit un Officier qui avoit droit de fuffrage dans le Confeil de guerre, & qui décidoit en cas de partage); tous les autres Généraux reconnurent la fupériorité de Miltiade, déférèrent à son avis, & lui cédèrent le commandement à la fameuse bataille de Marathon.

Il paroît que c'étoit un ancien ufage chez les Grecs,

Difcipline militaile.

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que les Officiers fuffent choifis par les Soldats, & tirés
de leur corps. On voit dans la Retraite des Dix-Mille
un exemple pofitif de ce que j'avance. Après la tra-
hison de Tisapherne, les Grecs, se voyant sans Géné-
raux, comprirent qu'une armée fans chef eft un corps
fans âme. Mes amis, leur dit Chirisophe, ne per-
dons
pas un temps précieux ; féparons-nous; que ceux
» de vous qui manquent de Chefs s'en choififfent, &
revenez enfuite au centre du Camp avec ceux que
» vous aurez nommés». Cet ufage ne pouvoit produire
qu'un bon effet, & je ne lui vois aucun inconvénient.
Il donnoit aux fimples Soldats beaucoup plus de confi-
dération. C'est toute autre chose d'être élu par l'ac-
clamation de ses pareils, ou d'être nommé par des
Chefs. Il n'y avoit rien à craindre du côté de la partia-
lité, ou de la féduction; ils étoient intéressés à ne
donner leur voix qu'à un fujet digne d'occuper la place
pour laquelle on le propofoit. Chaque Soldat regardoit
cette dignité à laquelle il voyoit élever fon Camarade,
comme un bien qui lui étoit propre, & dont il s'ef-
forçoit de mériter la poffeffion par fon courage & sa

bonne conduite.

De tous les Peuples du monde, les Grecs ont été les mieux disciplinés. Aucun n'a mieux sçu préparer la guerre pendant la paix; profiter avec plus d'avantage de fes fautes pour s'en corriger, & des talents de fes voifins pour s'en enrichir. Des Ecoles publiques, où l'on démontroit publiquement & par principes le grand Art de la Guerre; des Maîtres entretenus par la République, des récompenfes dont on honoroit le zèle

peu

que les jeunes-gens faifoient paroître pour ces exercices;
des punitions dont on flétrifsoit l'indolence & le
de talents, étoient autant de moyens dont ils fe fer-
voient pour perpétuer ce génie militaire & patriotique,
dont ils faifoient dépendre le falut de l'Etat. Ils étoient
persuadés, avec raison, que dans toutes les sciences,
la théorie rend la pratique plus prompte & plus aifée,
& que les fuccès d'une Armée font en proportion avec
la fcience & les talents de tous les individus qui la
compofent; car le gain d'une bataille ne dépend pas
seulement du Chef; il ne peut y contribuer qu'en
partie; il faut que chaque être raisonnable qui com-
pofe l'Armée fçache s'acquiter de l'emploi qui lui eft
confié; auffi s'appliquoient-ils, avec la plus grande at-
tention à l'inftruction de la jeuneffe, comme à une
chofe effentielle & néceffaire.

Proxénès de Béotie, avant que d'entrer au service de Cyrus, fe fait donner des leçons, s'inftruit dans les armes, & ne fe met à la tête de ses troupes, que lorfqu'il eft en état de commander. Bel exemple, & qui éviteroit bien des défordres, s'il étoit suivi.

Xénophon n'avoit rempli aucun emploi confidérable, lorfqu'il fe trouva à la tête de dix mille Grecs, avec lefquels il fit cette fuperbe Retraite. Ce n'étoit donc pas la pratique, mais une excellente théorie qui le rendit capable des plus grandes chôfes.

Les Rois, à la tête de leurs Armées, fe chargeoient eux-mêmes du commandement. Il falloit pour cela, que, pendant la Paix, ils se fuffent inftruits de ce qu'ils devoient faire pendant la guerre.

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Les Lacédémoniens font les premiers de la Grèce, on pourroit dire du Monde, qui ont écrit fur l'Art Militaire, & qui ont inftitué des Ecoles de Tactique. A leur exemple, les Macédoniens en ont fait autant.

Ils ne négligèrent rien de ce qui pouvoit donner du reffort à l'âme, & lui infpirer cet amour, cette foif de la gloire qui font les Héros.

La plupart des Républiques Grecques avoient des corps d'élite, tels que les Sguires à Sparte, la bande facrée des Trois-Cents à Thèbes, la Phalange Macédoniene, la bande des Amis, le corps des Argirofpides. Chaque Guerrier qui compofoit ces corps flatté de la diftinction qu'on lui accordoit, faifoit des prodiges, pour n'en pas paroître indigne, & pour conferver l'honneur du corps dont il faifoit partie.

La Phalange Macédoniene fut formée par Philippe, qui la compofa de 6,000 Macédoniens des plus confidérés & des plus braves. Cette Troupe formoit un quarré long, ayant un front de trois-cents. foixantequinze hommes, fur feize de hauteur. Alexandre augmenta fa force & la détruifit. Elle étoit dans fa juste proportion, & il en fit un corps lourd & trop difficile à remuer.

La Troupe des Amis fut créée par Alexandre. Ce Conquérant, voulant former une excellente Cavalerie, s'attacha à la composer de la jeunesse Macédoniene la plus diftinguée par la naiffance & par le courage. Il voulut qu'elle s'appellât la bande des Amis, & dans toutes les batailles, il combattoit à la tête de çe Corps; il étoit compofé de huit Escadrons, formant

en

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