Imágenes de páginas
PDF
EPUB

DE LA CAVALERIE DES GRECS.

Il y avoit de la Cavalerie au

IL EST affez difficile de fçavoir fi les Grecs avoient au fiége de Troie de cette efpéce de Cavalerie qui, fiége de Troye. formée en Escadrons, & compofée d'hommes à cheval, eft destinée à protéger les aîles de l'Infanterie, à attaquer celle de l'Ennemi, & à enfoncer par la vélocité de fon choc les Troupes qui lui font oppofées; ou bien, fi ce qu'Homère nomme Cavalerie dans fon Iliade, n'étoit que l'ensemble des chars attelés de deux, trois ou quatre chevaux. Les Sçavants fe réunissent assez pour vouloir qu'il n'y eût au fiége de Troie fiége de Troie que de cette dernière efpéce; mais différents paffages que j'ai trouvés dans Homère même, me forcent à être d'un avis contraire, & je ne puis m'empêcher, pour appuyer mon opinion, d'en citer quelques-uns. D'abord, long-temps. avant le fiége de Troie, cette efpéce d'armes (la Cavalerie de l'efpéce de celle que nous avons) étoit connue chez les Grecs. On fçait que les Centaures étoient antérieurs d'une génération au fiége de Troie, & que ces Centaures, dont la fable fait des monftres, moitié hommes moitié chevaux, n'étoient que des Peuples: de la Gréce très-habiles en équitation, & fi bons écuyers, qu'ils fembloient ne faire qu'un avec les chevaux qu'ils montoient. Or, s'il eft vrai que cet Art fût: connu des Grecs, & que des Peuples entiers le pratiquaffent, comment ne fe feroient-ils pas procuré de cette arme fi néceffaire dans un fiége, pour protéger

Iliade.

Iliade,

Iliade,

les travaux de l'Infanterie, & repouffer les forties des Affiégés.

Ménefthée, fils de Pétus, dit Homère, n'avoit pas d'homme égal à lui, pour ranger en bel ordre de bataille la Cavalerie & l'Infanterie.

Neftor qui fçavoit fi bien animer les Grecs par fon éloquence, mettoit fes Troupes en bataille, encourageoit les Chefs de fes bandes, il plaçoit à la tête ses Efcadrons, avec les chars & leurs chevaux. (Jamais. le mot Escadron voulut-il défigner des chars? D'ailleurs on voit clairement qu'ici le Poëte diftingue les chars & leurs chevaux, de la Cavalerie).

Les ordres qu'il donnoit à fa Cavalerie étoient, de retenir les chevaux, & de marcher en bon ordre, fans mêler ni confondre les rangs. Il recommandoit qu'aucun, par trop de confiance, ne fe piquât de dévancer fes camarades pour attaquer le premier l'Ennemi; comme auffi, qu'après avoir donné, aucun ne reculât ou ne tournát bride; car, difoit-il, par-là vous affoibliffez vos Escadrons, & vous ferez plus aifés à défaire. Cette phrase feule me fournit plufieurs raifons qui viennent à l'appui de mon opinion. D'abord on fçait que l'ordre dans lequel on rangeoit les chars, étoit fur une feule ligne. Il n'y avoit donc pas de rangs dans cette ordonnance; & ici l'on recommande à la Cavalerie de ne mêler ni confondre fes rangs. En fecond lieu prefque toutes les expreffions dont on fe fert femblent indiquer la Cavalerie. On défend qu'aucun ne tourne bride, de peur d'affoiblir les Efcadrons. Enfin le difcours de Neftor eft précisément celui qu'un Meftre-de-Camp

de

de Cavalerie de nos jours pourroit tenir à son Régi-
ment, avant que de charger. Toutes les expreffions
conviennent à notre ordonnance, & non à un assem-
blage informe de chars, qui une fois lancés, ne pou-
voient plus, que très difficilement tourner bride, par
le défordre, qui néceffairement s'établissoit parmi eux
dans la mêlée. L'Infanterie enfonce les bataillons
Troyens, & la Cavalerie preffe fi vivement les Efca-
drons qui lui font oppofès qu'elle les renverfe. C'eft ici
où la vérité de mon systême est en évidence. L'objet
des chars étoit d'attaquer la ligne ennemie, d'y mettre
le défordre, pour faciliter enfuite à l'Infanterie le
moyen d'enfoncer ces Troupes en défordre & d'ache-
ver leur déroute. Ici il eft dit que la Cavalerie preffe
les Efcadrons. Jamais des chars ont-ils combattu contre
des chars ; d'ailleurs il eft clair que le front de bataille
étoit dégarni de cette arme, puifque l'Infanterie avoit
la liberté de combattre l'Infanterie. C'étoient donc
des gens
à cheval, placés aux aîles de l'Infanterie, qui
attaquoient d'autres gens auffi à cheval, disposés de
même. Ainfi, je crois qu'on peut conclure que les
Grecs avoient de la Cavalerie au fiége de Troies, mais
en petite quantité, selon leur usage.

Iliade.

Les Grecs ont toujours eu peu de

vaife.

Soit par négligence, pauvreté, ou à cause de la nature du pays, ils n'eurent jamais que fort peu de cette Cavalerie & mauarme, & encore celle qu'ils eurent ne fut-elle jamais fort bonne. On voit, dans la guerre de Messène, les deux Cavaleries ennemies combattre avec des armes de jet par-dessus un ravin qui les féparoit;dans une autre

L

occafion, mifes en réserve, elles furent fpectatrices

du combat.

A Ithôme, les Lacédémoniens eurent l'imprudence d'engager un combat général fans Cavalerie.

Comme,dans les commencements, ils ne faifoient la guerre que dans leurs Pays, & qu'ils n'avoient pas plus de Cavalerie les uns que les autres, combattant à armes égales, ils pouvoient s'en passer; mais, par la suite, ayant eu affaire à des Peuples pourvus de cette arme, ils furent obligés de s'en procurer.

Les Grecs augmentèrent leur Cavalerie durant la guerre du Péloponèfe; depuis ils n'en manquèrent jamais totalement. A la bataille de Mantinée, celle de Sparte contribua beaucoup à la victoire de l'aîle qu'Agis commandoit, tandis que les Athéniens durent à la leur de n'être pas taillés en piéces.

Mais cette Cavalerie fut prefque toujours mauvaise. Les Lacédémoniens mettoient à cheval leurs Troupes les moins bonnes, & les Soldats les plus paresseux. Lorfqu'il falloit aller à la guerre, ils prenoient leurs. chevaux chez les riches avec quelques méchantes armes, & marchoient de ce pas au combat, fans aucun

exercice.

Les dix-mille Grecs qui étoient à la folde de Cyrus le jeune, étant obligés de traverser des pays immenfes & ennemis, pour revenir dans leur Patrie, n'avoient qu'un feul Escadron de quarante hommes montés fur des chevaux d'équipages. La Cavalerie des Grecs ne commença à prendre un peu de consistance, que depuis Epaminondas.

La Cavalerie Gréque étoit de différentes espéces ; il y eut des Corps qu'on appelloit Cataphracles, qui étoient armés de toutes piéces. Le Cavalier portoit des cuiffards avec la cuiraffe de fer en écailles, & il avoit pour arme offenfive, une forte & longue lance. Le cheval étoit bardé par tout, c'eft-à dire, tout couvert de fer; ce Corps étoit deftiné à enfoncer & à ouvrir les rangs Ennemis. Alors la Cavalerie plus légèrement armée, qui étoit à portée, entroit dans ces bréches, les élargiffoit, & empêchoit le ralliement des Troupes rompues. Cette Cavalerie extrêmement lourde & pefante étoit peu nombreuse, & fouvent les Grecs n'en firent pas d'ufage.

L'autre efpéce de Cavalerie étoit compofée de Cavaliers armés d'une cotte de maille, faite de manière à ne pas gêner leurs mouvements; ils avoient le cafque de fer, des botines aux jambes, le bouclier au bras gauche; ils étoient armés d'une lance, & une longue épée bien large étoit pendue à leur baudrier mis en bandoulière.

Différentes efpéces deCavalerie.

Ces armes étoient celles de la Cavalerie régulière, de celle qui faifoit partie de la ligne. Outre cela, ils avoient encore une efpéce de Cavalerie légère, montée, armée, vêtue différemment, fuivant les pays d'où elle étoit. Certains Cavaliers armés d'une demi-pique, comme ceux de Fez & de Maroc, la lançoient avec & de Maroc. une roideur extrême.

Les autres jettoient des traits, & chargeoient enfuite l'Ennemi l'épée à la main, comme les Tarentins.

D'autres mal-vêtus, montés fur des chevaux de la

Cavaliers de Fer

Cavaliers Tarentius.

Cavalerie Numide.

« AnteriorContinuar »