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de fons & de beaux mots (1); que Boffuet n'eft qu'un déclamateur (2) ; quand on ne craint pas de défigner maladroitement fon fiecle par les noms de Diderot, de d'Alembert, de Marmontel, de Delifle & de St. Lambert (3): on ne peut aller que d'abfurdité en abfurdité, & qu'y mettre le comble par les derniers excès de l'injustice & de l'extravagance.

Avoir préfenté Fénélon fous les traits qui lui affûrent les honneurs de l'Epopée, c'eft n'avoir fait connoître qu'une partie de fes talens. Que les ennemis de fa gloire apprennent que dans fes autres Ouvrages il a de nouveaux titres pour exciter leur jaloufie, & les humilier par fa fupépériorité. Rien de plus éloquent que fes Discours, &, entre autres, celui qu'il prononça pour le Sacre de l'Electeur de Cologne. Ce Difcours eft un vrai modele à propofer aux Orateurs Chrétiens, foit pour l'art d'appliquer, fans affectation, l'Ecriture Sainte, foit pour celui de favoir disposer, embellir & animer les productions de leur propre génie.

Ses Œuvres philofophiques auront toujours le

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(1) De la Poéfie lyrique, par M. de la Harpe, Mercure de France, Avril 1772, premier vol.

(2) Mélanges de M. de Voltaire. (3) Question für l'Encyclopédie.

mérite de réunir la précision & la netteté à la méthode & à l'élégance. Cet Ouvrage, compofé pour l'inftruction du Duc de Bourgogne, fon Eleve, offrira à la jeunesse un contre-poison victorieux contre les délires de notre espece de philofophie.

Dans les Réflexions fur la Grammaire, la Rhétorique, la Poétique & l'Hiftoire, on admire le Littérateur éclairé, l'Erudit fans étalage, l'Hom me de goût fans affectation. Quiconque les lira avec attention, [& tout le monde devroit s'empreffer de les lire ] y apprendra à éviter les écueils, à refpecter les regles, à préférer le naturel au belefprit, les beautés réelles & folides au feu brillant & aux penfées recherchées, l'éloquence de tous les tems à celle du moment.

Il a fait encore des Dialogues fur l'Eloquence pleins de réflexions lumineufes qui, prouvant fon génie, ne fauroient convenir qu'à des génies aussi heureux que le fien. Sans adopter fon fyftême, qui donneroit peut-être plus de reffort à l'imagination & aux vrais talens, les Orateurs Chrétiens doivent au moins en fuivre les préceptes, & fe garantir des défauts qu'il condamne.

Nous ne parlons pas de fes Ouvrages afcétiques; c'est à la piété à les juger. Il fuffit de dire que la piété ne fut jamais accompagnée de plus de lumieres, de plus d'onction, de plus de douceur

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de plus de perfuafion, de plus de charmes, de plus de reffources enfin, pour le faire goûter. Fénélon étoit, dans les chofes céleftes, comme dans les chofes humaines, toujours entraîné par la pente de fon efprit à choisir dans tout ce qu'il y avoit de plus folide & de plus exquis. La piété étoit, pour ainfi dire, la feconde vie de fon ame: pouvoit-il ne la pas faire respirer dans ses Ecrits, qui portent continuellement l'empreinte de fon carac

tere ?

Il femble qu'un tel homme n'eût jamais dû effuyer de contradictions. On fait pourtant que la fenfibilité de fon ame le conduifit trop loin dans une matiere où il feroit beau de s'égarer, fi la Divinité ne rejettoit elle-même tout excès. Ses fentimens fur l'amour de Dieu exciterent des débats. Mais fans aigreur dans la difpute, fans entêtement dans fes idées, fans acharnement contre fes Adverfai→ res, l'Archevêque de Cambrai fe contenta d'ex pofer ses raifons, & les abandonna dès qu'il eut lieu de connoître qu'il défendoit une mauvaise cause. Son Livre des Maximes des Saints fut condamné par lui-même, auffi-tôt qu'il eut été condamné à Rome.

Ce genre de triomphe, fi glorieux pour sa mé~ mo`re, prouve que, fi l'efprit peut s'égarer, parce qu'il eft faillible, la droiture des fentimens, l'élévation de l'ame, la générofité du cœur, font des

reffources puiffantes pour contenir l'amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires feroient tentés de regarder comme une humiliation. Il fit plus, il vou lut éterniser lui-même fa foumiffion par un monument auffi respectable que magnifique. Le Soleil de la Cathédrale de Cambrai dépofera toujours contre la folle opiniâtreté de toute efpece de novateurs, & atteftera la magnificence & la docilité da Pasteur qui en conçut l'idée & en fit le présent *.

Son défintéreffement égaloit fa modeftie. Il vaut mieux, répondit-il à celui qui lui annonça l'incendie de fa Bibliotheque, il vaut mieux que le feu ait pris à mes livres, qu'à la chaumiere d'un pauvre Laboureur.

C'est à ces traits qu'il faut reconnoître sa véritable & fublime Philofophie, & non dans un Couplet abfurde que M. de Voltaire lui impute, & qu'il n'a jamais fait. Cette anecdote impertinente a été démentie fur des preuves fans replique ; & quand ces preuves nous auroient manqué, il eût fuffi de dire: Philofophes, Fénélon cût été votre plus grand adverfaire, ne lui imputez pas votre langage.

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* Ce Soleil représente la Vérité, foudroyant plusieurs Livres d'erreurs, parmi lefquels on en voit un intitulé a Maximes des Saints.

FENOUILLOT DE FALBAIRE, [N] Auteur de plufieurs Drames médiocres qui n'ont eu aucun fuccès, malgré le goût de la multitude pour les tableaux triftes & déchirans. C'eft dans les Greffes criminels qu'il en a pris les fujets; tel est du moins celui du Fabriquant de Londres, Piéce en cinq Actes & en profe, jouée & fifflée au Théatre François en 1771. Tel eft encore le fujet de l'Honnête Criminel, qui, à la faveur du fentiment qui y regne, n'a pas laiffé que de réuffir fur des Théatres de Société. Il s'en faut bien cependant que cette Piéce lugubre, quoiqu'en vers, ait autant de mérite que la Piété filiale de M. Courtial, qui a traité en profe le même fujet. Ce dernier a le talent du dialogue, & celui de marcher avec activité au dénouement; l'autre ne fonge qu'à aecumuler les incidens, & perd en déclamations & en Loupirs un temps qui doit être employé à l'action.

FERRAND, [ Antoine ] Confeiller à la Cour des Aydes de Paris, fa patrie, mort en 1719, âgé de 42 ans.

Le naturel & la délicateffe font l'agrément du petit Recueil de fes Poéfies; elles consistent en Chansons mifes en mufique par Couperin, en Madrigaux pleins de fineffe, & en Epigrammes pleines d'enjouement & de fel. Si Ferrand n'a pas eu la force & l'énergie pittorefque de Rouf

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