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dans la fymmétrie du ftyle, trop de goût pour les antithèses, ne pourroient produire & n'ont peut-être déjà que trop produit de mauvaifes copies, parce qu'il eft plus facile d'imiter l'efprit des grands Orateurs, que leur génie. C'est fans doute cette imitation mal entendue qui a altéré fi fort, parmi nous, le vrai goût de l'Eloquence de la Chaire. On a cru pouvoir faire revivre les Grands Hommes, & plaire, à leur exemple, en ne prenant d'eux précisément que ce qui les empêche d'être des Grands Hommesaccomplis.

Il s'en faut bien que Fléchier ait toujours été entêté des défauts qu'on lui reproche. La maturité de l'âge & la perfection du goût les lui firent fentir & éviter dans fes derniers Ouvrages. Si fes Oraifons funebres & fes Sermons perdent beaucoup de leur mérite par une élégance trop compaffée, on peut dire que fes Inftructions Paftorales, fes Difcours Synodaux, font bien éloignés d'une pareille affectation. Ceux qui n'ont jamais connu le véritable efprit de la Religion, , peuvent les lire : ils y reconnoîtront ses vrais fentimens & fon langage. Ceux qui s'obstinent à reprocher à l'Eglife un caractere odieux de dureté, d'intolérance, n'ont qu'à parcourir les inftructions qu'il donnoit à fes Diocésains pendant les troubles des Cévennes; ils verront

tomment un efprit vraiment paftoral fait allier la fermeté de la foi avec la charité qu'elle ordonne; ils admireront des exhortations propres à affermir le courage des Miniftres de la Reli gion, & à foutenir leur patience dans les perfécutions; ils feront pénétrés de refpect & d'attendriffement pour cette douceur de morale, cette générofité de fentiment, cette indulgence qui plaint l'erreur en la combattant, cette magnanimité qui fe refuse même la plus légere fatisfaction, lorfque les perfécuteurs les plus atroces font devenus malheureux. C'eft dans ces Ouvrages enfin que la Philofophie apprendra l'ufage qu'on doit faire des lumieres & du fentiment, & que l'humanité n'a pas de confolation plus folide que la Religion, comme la Politique n'a pas de meilleur appui.

FLEURY, [ Claude ] Prieur d'Argenteuil, Sous-Précepteur des Ducs de Bourgogne, d'Anjou & de Berri, de l'Académie Françoise, à Paris en 1640, mort en 1723; un des Ecrivains qui ont honoré le plus la France & les Lettres, par la fupériorité & le bon usage de leurs talens.

Son Hiftoire Eccléfiaftique, qui finit au Concile de Conftance, eft un de plus beaux & des plus utiles monumens élevés à la gloire du Chrif

tianisme, & le titre d'une célébrité durable. Cette Hiftoire réunit le ton qui convient à fon fujet, & les qualités qui caractérisent un grand Hiftorien. Le plan en eft vafte, fagement entendu, habilement exécuté. L'Auteur n'a point écrit, comme il l'annonce lui-même, pour repaître la vaine curiofité de ceux qui ne recherchent que des faits nouveaux & extraordinaires ; il s'est encore moins propofé d'amufer les Efprits oififs, qui ne lifent que fuperficiellement ou pour fe défennuyer. Il a écrit pour des Efprits folides, pour des Chrétiens jaloux de connoî→ tre leur Religion dans fon origine, dans fes progrès, dans fes vrais caracteres; pour les ames droites qui lifent dans la vue d'acquérir des connoiffances utiles & de devenir meilleures; pour les hommes de toutes les conditions qui n'ont ni le loifir, ni la facilité, ni le talent de puiser dans les fources & d'en écarter ce que la prévention, l'ignorance & la fuperftition ont pu y mêler de faux, d'exceffif & d'indigne de la divinité du dogme & de la fainteté du culte. Pour remplir, avec succès, un projet fi utile, l'érudition, le difcernement & le zele de l'Ecrivain fe font pliés à tous les objets. Traduire avec autant de force que d'exactitude les Auteurs Grecs & Latins, analyser avec clarté & précifion les Peres de l'Eglife, préfenter avec une fimplicité élo

quente la fubftance des décifions des Conciles, raconter les événemens, ou plutôt les peindre de maniere que le Lecteur croit en être témoin, tel est le résultat du travail de M. l'Abbé Fleury. Toujours guidé par des lumieres sûres & un jugement fain, il a fubjugué les matieres, afin de les rendre plus fenfibles. Une critique fage lui a fait négliger les petits faits comme fuperflus ou comme étrangers au but de son Histoire, qui est de mettre au grand jour la doctrine de l'Eglife, fa difcipline, fes mœurs. Autant il eft févere à profcrire les inutilités, autant il fe montre attentif à circonftaneier les grands événemens, à recueillir fcrupuleufement les détails qui ont rapport aux traits instructifs & intéreffans. Jamais l'ambition inquiete d'étaler fes propres idées ? défaut ordinaire à la plupart des Historiens, ne l'entraîne à prévenir les réflexions du Lecteur; il se contente de le mettre à portée de réfléchir luimême, en se bornant à la fimple narration. Par cette louable difcrétion, l'efprit n'eft occupé que des actions racontées ; il les voit, les faifit, les compare, les pefe, les juge. L'illufion du récit eft telle, qu'on ne s'apperçoit pas qu'on lit une Hiftoire on ne voit qu'une fuite non interrompue de tableaux, qui frappent, intéreffent, & qu'on ne quitte qu'en confervant les impreffions profondes qu'ils devoient produire. Il eft fâcheux,

après cela, que la monotonie trop continue du ftyle, qu'une narration lente & trop timide, affoibliffent, en quelque forte, aux yeux des Lecteurs délicats, le mérite de cet excellent Ouvrage. Mais où l'Ecrivain est absolument exempt de ces défauts, & fe développe avec une fupériorité qui étonne, c'eft dans les Discours préliminaires. Ils ont été imprimés féparément, & on peut les regarder comme des Chef-d'œuvres de raison, de critique, de ftyle, par la pureté, la précision, la force & l'élégance qui y regnent. Ces Difcours renferment la quinteffence de tout ce qu'on a penfé de plus fage fur l'établiffement, les progrès & les révolutions de la Religion Chrétienne. L'Auteur y eft Obfervateur éclairé, profond Politique, Differtateur plein de sagacité, toutes les fois qu'il s'agit de remonter aux principes des troubles, d'en faire connoître les dangers, & d'indiquer les moyens de les empêcher de renaître. Boffuet, en un mot, n'est ni plus lumineux, ni plus fublime, dans fon Difcours fur l'Hiftoire univerfelle.

N'eft-il pas étonnant qu'un Hiftorien, tel que M. l'Abbé Fleury, ait trouvé un Continuateur auffi nrédiocre, que le P. Fabre, de l'Oratoire ? Celui-ci a bien pu entreprendre de nous donner la fuite de fon Hiftoire; mais en marchant fur fes traces, il n'a fervi qu'à faire connoître la

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