les anecdotes qu'il m'apprenoit chaque jour fur » le compte des Philofophes, les plaifanteries que » nous en faifions enfemble, les éloges qu'il a » donnés à des Productions où ils étoient attaqués. » Il n'ignoroit pas que je m'étois élevé contre eux dans la Ratomanie, dès 1767, & dans le Tableau Philofophique de l'Esprit de M. de Vol» taire, au commencement de 1771. Il fe ref» fouviendroit fur-tout de ce jour où l'un de leurs Coriphées oublia fi fort en fa présence, à l'oc> cafion de ce dernier Ouvrage, & la Philofophie » & l'honnêteté. [ Voyez l'article CONDORCET] » La crainte d'une inimitié redoutable put bien impofer filence à fon indignation, pendant que le Philofophe Géometre m'accabloit d'injures en ftyle de Crocheteur : elle ne put ni » étouffer le mépris que méritoit un tel procédé, 55 3D 30 ni l'empêcher de me dire le lendemain en propres termes: Ces vilains Philofophes dégradent per-. » pétuellement les Lettres. Dès que leur humeur eft en jeu, ils n'ont d'égard ni pour les jeunes. » Littérateurs, ni pour eux-mêmes. Ils finiront par fe faire honnir. 35 » Revenons à M. de Voltaire. Comment a-t-il » ofé m'impofer d'avoir outragé M. Helvetius, » que j'ai, au contraire, cherché à excufer, lui qui a attendu fa mort pour relever les erreurs » du Livte de l'Esprit, avec une févérité & une 55 ככ ́s amertume qui décelent plus de haine pour l'Au teur, que d'amour & de zele pour la vérité. Lifez, M., lifez les Questions fur l'Encyclopédie *; & fi vous vous rappelez la maniere → dont certains Sauvages traitent leurs ennemis qu'ils mettent en pieces après leur mort, vous » aurez une idée de celle dont l'honnête Philofophe des Alpes a traité cet Ecrivain, jusqu'alors l'objet de fes adulations «. 1. HÉNAULT, d'autres écrivent HESNAULT, [Jean] né à Paris, mort en 1682. Boileau ne lui a pas rendu justice, en le confondant, dans fa neuvieme Satyre, avec Bardin, Colletet, Pelletier. Son Sonnet fur un Avorton, celui qu'il fit contre le Miniftre Colbert, un autre fur la Vie privée, font des preuves décisives de fes talens pour la Poéfie. Ce fut lui qui en inspira le goût & en apprit les regles à Madame Defhoulieres; peut-être même a-t-il facrifié, à la gloire de cette Dame, quelques morceaux dont il auroit pu lui-même se faire honneur. Du moirs l'a-t-on penfé de fon temps, & le penfe-t-on ercore aujourd'hui. Quoi qu'il en foit, il étoit peu jaloux de la gloire que donnent les talens, comme * Tome VI, pag. 265, 266 & suiv. de l'édition en 44 vol. in 8. il le paroît par une Lettre adreffée à fon Eleve, pour l'exhorter à ne pas tant s'appliquer à l'étude. On ne peut caindre trop d'être trop eftimée, On affûre que ce Poëte avoit traduit en Vers tout le Poëme de Lucrece, & qu'il le mit au feu par des motifs de confcience. A juger de cette Traduction par les cent premiers Vers qui nous en reftent, & que nous devons à fes amis, c'eût été un des meilleurs Ouvrages de ce genre. Les divers morceaux qu'il a traduits de Séneque le Tragique, nous confirment encore dans cette idée. On a oublié d'inférer, dans le Recueil de fes Poéfies, une Eglogue & une Elégie qui feroient honneur certainement à la plupart des Poëtes de nos jours. L'Elégie, dont le fujet principal eft le combat de la Raifon contre l'Amour, offre fur-tout de très-beaux Vers, beaucoup de morale & des sentimens bien rendus. Tel en est le début : Echappé des périls d'un ardente jeuneffe, Je contemplois déjà les miferes humaines, Et j'en accufois plus nos plaifirs que nos peines; J'en accufois fur-tout nos plaisirs amoureux Comme les plus légers & les plus dangereux; Je m'en croyois auffi pour jamais dégoûté; , Nous y ajouterons ce morceau où le Poëte fait parler la Raison, qui vient de l'exhorter à ne pas la confondre avec l'Opinion. Fuis le phantôme vain qui porte mes couleurs, L'Auteur de l'Art Poétique n'auroit-il pas d retrancher du nombre des mauvais Poëtes un homme qui penfoit & verfifioit ainfi *? Son jugement, à l'égard d'Hénault, ne doit donc être regardé que comme un de ces excès auxquels le penchant à la fatyre entraîne quelquefois les efprits les plus éclairés & les plus juftes d'ailleurs. 2. HÉNAULT, [ Charles - Jean-François ] Préfident Honoraire au Parlement de Paris, de l'Académie Françoife & de celle des Infcriptions, mort à Paris, fa patrie, en 1770. Ceux qui font capables d'apprécier la méthode & la précifion, la profondeur & la clarté, la multitude des inftructions & la brieveté des volumes, l'art de préfenter en raccourci des tableaux, fans rien dérober aux objets les plus étendus & les plus multipliés, trouveront toutes ces qualités réunies dans fon Abrégé chronolo * » C'étoit, dit M. de la Monnoie, un des hommes de » fon temps qui tournoit le mieux un vers. Despréaux, >> fi délicat là-deffus, ne le nioit pas ; & quand on lui » demandoit, pourquoi donc au troisieme Chant de fon » Lutrin, & dans fa neuvieme Satyre, il en avoit parlé >> avec mépris? Il répondit, qu'au lieu d'Hefnault, il > avoit d'abord mis Bourfault, & enfuite Perrault, avec >> lefquels s'étoit réconcilié, & leur avoit fubstitué, en » dernier lieu, Hefnault, qui, étant mort dès 1682, étoit » hors d'état de former aucune plainte «<. |