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nue, cette variété de tours & d'expreffions qui font de Chaulieu un Poëte inimitable.

Avant de s'égayer dans les jeux d'une Muse badine, M. de Lafare avoit manié les crayons de l'Histoire. On ne peut trop s'étonner qu'un homme dont les Poéfies annoncent un caractere porté à l'indulgence, & qui en avoit lui-même befoin, fe foit livré, avec fi peu de réferve, au fiel qui domine dans les Mémoires & Réflexions fur les principaux événemens du Regne de Louis XIV. Ces Mémoires ne font, à proprement parler, qu'une fatyre d'un bout à l'autre. L'humeur qui y éclate en décrédite l'autorité, & infpire une jufte défiance au Lecteur.

LAFARGUE, Etienne DE 1 Avocat au Parlement de Pau, des Académies de Caen, de Lyon & de Bordeaux, né à Dax en 1728.

On trouve, dans fes Œuvres mêlées, plufieurs petits Ouvrages qui annoncent un homme éclairé, un Obfervateur judicieux, un fage Moraliste, un Ecrivain qui, fans être de la premiere ni de la feconde claffe, ne laiffe pas d'avoir du mérite.

LAFITAU, [ Pierre - François] Evêque de Sifteron, né à Bordeaux en 1685, mort en 1764. Nous ne dirons pas, d'après le Gazetier Ecsléfiaftique comme les Auteurs du Nouveau

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Dictionnaire hiftorique des Hommes célebres, que T'Hiftoire de la Conftitution UNIGENITUS de M. Lafitau, offre plus de légèreté dans le style, que de vérité dans les faits, & ce sera par un efprit d'impartialité. Au contraire, nous dirons qu'on y trouve le vrai, qui doit être la base de tout Ouvrage hiftorique, & avec le vrai, de l'ordre, de la clarté, du développement, un style noble, convenable à l'Hiftoire, & une modération dont on ne doit jamais s'écarter. Ses Ouvrages de piété font écrits avec onction, avee élégance, & renferment des maximes très-utiles pour la conduite des ames pieuses. Si les Sermons n'abondent pas en raifonnemens & en folidité, ils font du moins bien fupérieurs anx Difcours légers de la plupart de nos Orateurs modernes, & n'ont point du tout l'air d'être plutôt l'Ouvrage d'un Moine Portugais que d'un Evêque François, comme l'a dit encore, avec fon élégance ordinaire, le Gazetier Eccléfiaftique.

LAFONT, [N. DE ] né à Paris en 1686, mort en 1725.

Son exemple doit fervir d'instruction pour les talens & pour les mœurs. Sa mort, caufée par La débauche, l'enleva dans la vigueur de l'âge, ✯ l'empêcha de fe faire une grande réputation

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que

dans la carriere dramatique. De plufieurs Comédies qu'il a compofécs, on ne joue aujourd'hui les Trois Freres rivaux. Son Ballet lyrique des Fêtes de Thalie, repréfenté pour la premiere fois en 1714, eut quatre-vingt représentations de fuite, & reparoît avec fuccès. La vigueur de l'efprit, les graces du pinceau, fe font fentir dans ces deux Productions, quoique d'un genre différent.

LAFONTAINE, [ Jean] de l'Académie Françoise, né à Château-Thierry en 1621, mort à Paris en 1695.

Croiroit-on que l'homme de tous les âges de toutes les Nations, le Poëte de la Nature, le génie peut-être le plus original qui ait paru dans le Monde Littéraire, ait trouvé dans notre fiecle des détracteurs? Croiroit-on que, parmi ces détracteurs, le plus acharné soit précisément celui qui en eût dû le mieux fentir tout le mérite, M. de Voltaire? Nous n'infinuerons pas qu'après s'être exercé dans tous les genres, ce célebre Ecrivain a voulu déprimer le feul Poëte qu'il eût tenté vainement d'imiter, & dont il n'a pas même effayé de suivre la carriere. Ce motif fuffiroit pour ôter toute autorité à fon jugement. Mais quand on le voit, dans différentes Brochures, réduire tantôt à trente les bonnes Fables de l'Efope Fran

çois, tantôt à une cinquantaine, & en dernier lieu* lui en accorder, comme par grace, quatre-vingt ; quand on lui entend dire que ce Poëte n'a rien inventé, qu'il n'a qu'un style, qu'il écrivoit un Opera du même style dont il parloit de Jeannot Lapin & de Rominagrobis; que fon génie n'étoit, nullement propre à la Poéfie fublime, & que tout cela pouvoit excufer Boileau de n'avoir pas fait mention de lui, & de ne l'avoir jamais compté parmi ceux qui faifoient honneur au fiecle de Louis XIV **, il eft impoffible de ne pas croire que, dans une critique auffi peu judicieuse, il n'a eu d'autre objet que de s'égayer par des paradoxes. Ne devoit-il pas craindre de foulever contre lui, non-feulement fes Compatriotes, mais encore tous les Peuples éclairés de l'Europe, qui ne s'applaudiffent de leurs progrès dans notre langue, qu'à proportion qu'ils fentent mieux les beautés originales de ces mêmes Fables qu'il cherche à déprifer?

* Questions sur l'Encyclopédie, fixieme Partie, article Fable.

** Ibid. Voyez auffi les Mélanges, édit. de 1713. Voyez encore le tome 13 de l'édition in-8. en 41 volumes, où il dit en propres mots, pag. 334, qu'il demandoit l'aumône à M. le Duc de Vendôme, pour aller voir des filles.

Après cette obfervation, il feroit înutile de réfuter des décifions auffi étrangeres que celles que nous venons de citer. Cependant, comme un nom accrédité dans la Littérature n'est que trop capable aujourd'hui d'en imposer à la multitude; comme les Efprits foibles & légers fe laissent aisément ébranler par le perfifflage; comme la plupart d'entre eux ceffent d'admirer, dès que la mode le commande, ou que le ridicule les effraie, il eft néceffaire de défendre la gloire d'un des premiers Poëtes de la Nation.

Nous remarquerons d'abord que la méthode de M. de Voltaire, pour décrier Lafontaine, est précisément la même qu'il a constamment employée contre les grands Génies qui ont illuftré notre Littérature. Defcartes, Corneille, Montef quieu, les deux Rouffeau, Crébillon, Maupertuis, M. le Franc, feroient déchus depuis long-temps de leur célébrité, fi on eût foufcrit à cette formule qui lui est si familiere ; un homme qui s'exprime ainfi, mérite-t-il... formule qui ne vient jamais qu'après l'expofition de quelques fautes légeres contre la langue, & presque inévitables dans les Ouvrages de génie.

Nous ne prétendons pas juftifier Lafontaine fur quelques défauts de langage: nous pourrions dire que ces défauts tiennent en quelque forte à la tournure de fa pensée, & contribuent sou

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