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l'Epidicus, du Rudens de Plaute, de toutes les Comédies qui nous restent de Térence; fes Commentaires fur plufieurs Auteurs Grecs & Latins, établiroient folidement la réputation d'un docte & excellent Ecrivain; à plus forte raifon doiventils immortaliser une femme qui a rendu de fi grands fervices à la Littérature. Sa Traduction de l'Iliade & de l'Odyffée eft la meilleure de toutes celles qu'on a faites, & celle qu'on lit avec le plus de plaifir, pourvu qu'on ne s'attache pas à la trop abondante érudition prodiguée dans les

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notes.

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L'efprit d'observation & la folidité du raisonnement égaloient dans elle les richesses du favoir. Son Ouvrage des caufes de la corruption du goût, fera toujours, malgré les mépris de l'Auteur du Siecle de Louis XIV, un Ouvrage rempli d'analyfes exactes, de vues faines, de réflexions fines & de fages critiques.

On ne doit pas s'étonner qu'avec tant de mérite, Madame Dacier fe foit attiré l'admiration de tous les grands Littérateurs du fiecle dernier. Boileau lui dit, au sujet de sa Traduction d'Anacréon, que perfonne ne devoit entreprendre de traduire ce Poëte après elle, même en Vers. Un Savant d'Allemagne la pria d'infcrire fon nom avec une fentence parmi ceux des Hommes célebres qu'il avoit vus dans fes Voyages. Madame

Dacier, après avoir long-temps réfifté, le rendit à la priere de l'Etranger, & écrivit son nom avec un vers de Sophocle, dont le fens eft, le filence eft l'ornement des femmes. Ce choix annonçoit fa modeftic. Elle auroit dû s'en ressouvenir plus particuliérement dans la difpute au fujet des Anciens & des Modernes, où elle montra certainement trop de vivacité. Par - là elle fe feroit épargné le jufte reproche qu'on lui a fait de n'avoir pas été auffi polie que M. de la Mothe, fon adversaire; ce qui fit dire, avec raison, que celui-ci écrivoit comme une femme galante pleine d'efprit, & Madame Dacier comme un Pédant de Collége. On doit cependant pardonner quelque chofe à fon zele pour une aussi bonne cause. Les Auteurs qu'elle défendoit avec tant d'intrépidité, exigeoient un pareil tribut de la jufteffe de fon efprit & de la bonté de fon goût. Il eft tant de femmes qui s'enthousiasment fi mal-à-propos pour de minces Littérateurs qu'elles veulent mettre à la mode! ce bizarre enthousiasme les porte à tant d'intrigues, à tant de manéges, à tant de folles déclamations qui ne trompent, tout au plus, qu'un moment, que celle-ci mérite une gloire particuliere pour avoir confacré fa plume à la défense des Héros des fiecles paffés, & vraisemblablement des ficcles à venir.

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2. DACIER, [ André ] de l'Académie Fran çoise & de celle des Infcriptions', né à Caftres en

1651, mort en 1722.

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on

Ce n'eft pas du génie & du goût qu'il faut chercher dans fes Ouvrages de la littérature & de l'érudition, voilà ce qui l'affocie aux Savans qui ont rendu fervice aux Lettres. Il auroit pu leur être utile, s'il fe fût un peu défié de la démangeaifon de tout expliquer & de tout admirer, Sa Traduction d'Horace n'eft guere eftimable que par les Remarques qui l'accompagnent; parmi un grand nombre de curieufes & d'inftructives, en trouve plufieurs d'inutiles & de diffuses, fruit ordinaire d'un savoir qui ne cherche qu'à s'étaler, On fait qu'il a auffi traduit Théocrite, quelques Pieces de Sophocle,plufieurs Dialogues de Płaton, Hippocrate, Plutarque, Marc-Antonin; Ouvrages dont la plupart ne font recherchés que pour les Commentaires, quoique l'élocution en foit fimple & exacte. Il a encore traduit la Poétique d'Ariftote, Traduction que celle qu'en a donnée depuis M. l'Abbé Batteux n'a point furpaffée, & qui eft précédée d'un Difcours très-lumineux & très-bien écrit fur la Poéfie & fur les regles en général. Nous avons, outre cela, de M. Dacier, des Obfervations fur Longin, que Boileau jugea dignes d'être inférées dans la Traduction qu'il donna de ce Rhéteur.

Gafton, Duc d'Orléans, difoit plaifamment, à l'occafion du mariage d'un Auteur pauvre avec une Demoiselle qui n'étoit pas riche, que la faim & la foiffe marioient ensemble. M. de Bauval dit au fujet de celui de M. Dacier avec Mlle le Fevre, c'est l'union du Grec & du Latin. Cette alliance n'a pas été féconde, car ces deux Langues font aujourd'hui fort négligées parmi

nous.

DAGUESSEAU, [ Henri-François D'] Chancelier de France, Commandeur des Ordres du Roi, né à Limoges en 1668, mort en 1751, un de ces hommes qui font l'honneur de leur fiecle, de leur Nation, de l'humanité, & dont le culte, s'il nous eft permis de nous fervir de cette expreffion, ne peut qu'augmenter par la fucceffion des temps.

La Nature n'en produit pas fouvent de cette trempe. Pour les former, il faut qu'elle réunisse tous les talens & toutes les vertus, un efprit capable de toutes les connoiffances, un cœur rempli de tous les fentimens.

Jamais homme ne fit fentir avec plus de dignité l'accord de ces deux mérites. Placé dans le plus haut rang,'il en fut la gloire, & feroit un de nos plus célebres Ecrivains, quand même il n'auroit pas été un de nos plus grands Magiftrats.

F

Avoir reçu du Ciel une imagination vive & féconde, un jugement auffi exquis que folide; allier à l'étendue du favoir une profonde fageffe; aux charmes de l'éloquence l'empire de la vertu ; à l'élévation des dignités un amour auffi éclairé qu'intrépide pour le bien; avoir ajouté à ces qualités une application infatigable à cultiver fes talens, une modestie fincere la véritable parure du mérite: tel eft le privilége heureux qui diftingue ce Grand Homme, à qui les hommages ne peuvent être trop prodigués.

Il passa fucceffivement par toutes les places de la haute Magiftrature, &, dans les différentes fonctions qu'il eut à remplir, il fut toujours régler les travaux felon l'efprit de chaque miniftere.

Les Difcours qu'il prononça, étant Avocat ou Procureur-Général, ne nous laissent rien envier aux Orateurs d'Athenes & de Rome. On y admire une éloquence naturellement proportionnée aux fujets, fublime dans les plus élevés, communicative & intéreffante dans les plus fimples; une érudition choisie, toujours dirigée pour l'utilité ; une profondeur de raifonnement parée de toutes les graces de l'élocution. Quelles que foient les matieres qu'il embrasse, il fait naître la perfuafior & entraîne les fuffrages. Les inftructions,

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