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pétillans, des pensées ingénieuses; mais l'efprit, fans le talent, ne procura jamais de fuccès, & le talent ne fe fit jamais fentir dans des Vers assez communément profaïques, fans grace, & péniblement travaillés. Ce n'eft point l'abeille légere qui fe joue fur les fleurs pour y préparer fon miel; c'est la fourmi qui voiture laborieufement les minces denrées qui doivent former fon magafin.

LELONG, [ Jacques ] Bibliothécaire & Prêtre de la Maifon de l'Oratoire, né à Paris en 1665, mort en 1721; Auteur laborieux & utile, à qui nous devons deux Bibliotheques, l'une facrée, écrite en Latin, l'autre historique & écrite en François, dans laquelle il a rassemblé tous les Ouvrages qui ont rapport à notre Hiftoire. C'est particuliérement par cette derniere qu'il a rendu de grands fervices aux Historiens. En indiquant les fources où l'on peut puifer, on épargne des recherches pénibles & fouvent rebutantes aux Efprits capables de travailler avec fuccès, mais trop indolens pour foutenir les travaux préliminaires L'Ouvrage dont nous parlons. a exigé la plus grande affiduité & les plus grands efforts de patience; ce qui fuffit pour obtenir grace à fon Auteur fur plufieurs inexactitudes échappées à fon attention. Elles ont d'ailleurs été

corrigées dans la nouvelle édition donnée par M. Fevret de Fontette, qui a beaucoup augmenté cet Ouvrage, & y a joint des Notices, des Ex-' traits, des Analyses, quelquefois même des jugemens affez exacts fur un grand nombre de Livres peu connus. L'Editeur s'eft fur - tout appliqué à donner une idée des Ouvrages qui ont précédé l'établiffement des Journaux littéraires

les Journalistes n'ont pas parlé.

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ou dont

On dit que le P. Lelong favoit l'Hébreu, le Grec, le Latin, le Chaldéen, l'Italien, le Portugais, l'Espagnol & l'Anglois. Quand même on en croiroit fur ce point les Auteurs du Nouveau Dictionnaire hiftorique, qui ont copié, à cet égard, les autres Lexicographes, la réalité de ces connoiffances importeroit peu au Public, qui ne fait cas que de celles qui ont pu contribuer à la perfection des Ouvrages qu'on lui préfente. Ce qu'il y a de certain, c'eft que jamais Compilateur n'eut plus ce qu'on appelle l'efprit du métier. Il étoit plus jaloux de la découverte d'un lambeau d'érudition, de la vérification d'une date, que de l'exactitude & de la correction du style; auffi le fien eft-il dépourvu de tout ce qui peut plaire ou intéreffer. On ne doit pas lui en faire un grand crime, non plus que du dégoût général qu'il témoigna toujours pour l'Eloquence, la Poéfie & les Belles-Lettres. Rien n'étoit plus naturel.

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Le P. Malebranche lui reprochoit quelquefois les mouvemens qu'il fe donnoit pour découvrir un titre de Livre, une date ou quelqu'autre minutie. La vérité eft fi eftimable, lui répondoit-il, qu'on ne doit rien négliger pour la découvrir. C'étoit appliquer un grand principe à de bien minces bagatelles.

LEMIÉRE, [ Antoine- Marin ] né à Paris

en 17..

Il est incontestable qu'il n'eft pas né Poëte; & que, par conféquent, il ne le deviendra jamais.

Ingenium cui fit, cui mens divinior, atque os
Magna fonaturum, de nominis hujus honorem.

Voilà le terrible anathême qu'Horace a prononcé contre lui, & que le Public ratifie tous les jours. Ce feroit donc vraiment ici le cas de dire, en nous fervant des expreflions de M. Lemiére, que des cerveaux les chanterelles élastiques s'accordent à réprouver fes Tragédies, comme des Poëmes d'une verfification propre à les roidir & à les ruiner. Il y a apparence que les Comédiens ont redouté pour leur gofier le même fort; car on ne les donne plus. Idomenée eft mort après fa naissance; Térée eft rentré dans les ténebres;

Guillaume Tell, après avoir débité un Françols

Suiffe, a dit ;

Je pars, j'erre en ces rocs où par-tout se hérisse, Cette chaîne de monts qui couronne la Suiffe *. Et perfonne n'a été tenté de le rappeler. On ne s'eft pas plus empreffé de retirer la Veuve de Malabar des flammes où on l'eût jetée, fi elle ne fe fût pas exécutée d'elle-même. Artaxerce, environné de tant de poignards, n'eft réellement mort que du poison de l'ennui mortel qu'il a communiqué aux Spectateurs ; & l'on ne fait pas ce que Barnewelt seroit devenu, fi on eût permiş qu'il parût fur la Scene.

Telle eft l'hiftoire tragique des Tragédies de M. Lemiére. Si fon Hypermeneftre a paru furvivre au défaftre de fa trifte famille, c'eft plutôt à la faveur des décorations , que par l'intérêt répandu fur fes malheurs. Une lampe d'une main, un poignard de l'autre, une femme toujours prête à être égorgée, & qui, par un quart de converfion, ne l'eft pas, ont paru, à des yeux avides de fpectacle, un jeu d'optique qu'on pouvoit fupporter quelquefois; mais les gens de goût favent combien cette pantomime est peu propre à intéreffer, ou plutôt combien elle prouve la féchereffe

Vers de la Tragédie de Guillaume Tell

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d'un efprit qui a eu befoin de recourir à de fi

minces refforts.

M. Lemiére paroît avoir renoncé au Cothurne. On applaudiroit à fa prudence, fi fon Poëme fur la Peinture étoit propre à le venger des défauts qu'on lui reproche. Malheureusement il eft par-tout le même homme. En prenant le pinceau, on croit qu'il ne tient en main qu'une lime. Il avoit cependant, dans ce dernier Ouvrage, un modele bien capable de féconder son imagination, & d'adoucir son style. Le Poëme de M. l'Abbé de Marfy auroit pu lui enfeigner le fecret de rendre fa touche plus moëlleuse; mais l'indomtable roideur de fon poignet a résisté à tout & n'a jamais voulu fléchir. C'étoit peu d'avoir fu imiter le plan & la marche de ce Poëte ingénieux, élégant & délicat, il falloit, comme lui, avoir le talent de donner de la vie & de l'intérêt aux tableaux qu'on vouloit préfenter. M. Lemiére paroît n'avoir pas fenti qu'il manquoit de ce talent. Il a cru que l'efprit pouvoit fuppléer à tout. Nous ne diffimulerons pas qu'il feroit plus en état qu'aucun autre de remplacer par-là le défaut de poéfie & de verfification, fi cet efprit étoit moins baroque & dirigé par un goût plus sûr & plus exercé. Les meilleurs morceaux de fon Poëme (& l'on ne peut difconvenir qu'il n'y en ait un certain nombre de

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