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fut une équité inflexible, jointe à la vigueur du génie & au zele pour la gloire des Beaux-Arts. Si on ofe nous répéter encore qu'il manquoit de fentiment, nous dirons qu'il aima mieux le mettre 1 dans les actions que dans fes Ouvrages, & qu'il -n'en eft que plus eftimable. Il est fi ordinaire de paroître fenfible dans un Discours ou une Epître, & d'être impitoyable dans la Société, que l'éloge du fentiment a toujours l'air d'un blafphême, dans ceux qui en parlent avec trop d'affectation.

DESTOUCHES, [Philippe Néricault] de l'Académie Françoise, né à Tours en 1689, mort à Paris en 1754.

Quand il n'auroit fait que la Comédie du Glorieux & celle du Philofophe marié, il n'en mériteroit pas moins un des premiers rangs parmi les Poëtes comiques. Ses autres Pieces n'ont pas, à la vérité, le même mérite; mais elles n'en prouvent pas moins fon talent & sa supériorité dans le genre qui lui étoit particulier.

Le Glorieux peut être mis à côté des bonnes Pieces de Moliere. Plan, ordonnance, action, caracteres, comique, dialogue, ftyle, verfificationt tout y annonce un Peintre habile à faifir les nuances du ridicule, & à le présenter dans un jour propre à le faire reffortir. Le Philofophe

marié eft d'un autre genre de mérite : il prouve combien Deftouches avoit de reffources dans l'imagination: conduire pendant cinq actes, fans langueur & fans inutilité, un fujet qui paroît capable de fournir tout au plus deux ou trois fcenes, ne fauroit être l'Ouvrage que d'un efprit qui connoiffoit les fecrets du cœur, & favoit tout ramener à l'action théatrale.

que ces

Ses autres Comédies font moins achevées, & fuppofent, malgré leurs défauts, des talens finguliers pour la bonne Comédie. Sans avoir la force comique de Moliere, ni la gaieté de Re-' nard, il a plus tiré de fon propre fonds deux Poëtes. Plus adroit, plus heureux dans fes dénouemens que le premier; plus décent, plus moral que le fecond, il ne perd jamais de vue le but de la vraie Comédie, qui eft de corriger les hommes, de guérir leurs travers, en les amufant. Moliere a plus de génie ; Regnard plus de vivacité Deftouches a pour lui la fagesfe & la régularité. Il pourroit donc marcher à côte d'eux, fi trop de monotonie dans la coupe de fes Pieces & dans les contraftes, un dialogue quelquefois diffus " un ton trop froid & trop réservé, ne devoient le céder aux faillies vives & piquantes de l'Auteur du Légataire, & au fel foutenu de celui des Femmes Savantes, du Mifanthrope:s.

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& des premiers chef-d'œuvres de notre Théatre

comique.

DIDEROT, [ Denis ] De l'Académie de Berlin, né à Langres en 17. Auteur plus prôné que favant, plus favant qu'homme d'efprit, plus homme d'efprit qu'homme de génie; Ecrivain incorrect, Traducteur infidele, Métaphyficien hardi, Moralifte dangereux, mauvais Géometre, Phyficien médiocre, Philofophe enthoufiafte, Littérateur enfin qui a fait beaucoup d'ouvrages, fans qu'on puiffe dire que nous ayons de lui un bon Livre. Telle est l'idée qu'on peut fe former de M. Diderot, quand on l'apprécie en lui-même, fans se laiffer éblouir par les déclamations des avortons de la Philosophie, dont il a fait entendre le premier les grands hurlemens parmi nous.

Il faut que la vérité ait changé de nature, depuis qu'il a entrepris de nous l'enfeigner. Ses principaux effets font d'éclairer, de saisir, de pénétrer les Vérités de M. Diderot n'ont aucun de ces caracteres. Lycophron proteftoit publiquement qu'il fe pendroit, s'il ne fe trouvoit quelqu'un qui pût entendre fon Poëme de la Prophétie de Caffandre: on diroit que notre Prophete moderne a fait le même ferment. Ce n'eft pas

qu'on ne trouve dans fes ouvrages des étincelles de lumieres, des maximes fortes, des traits hardis, des morceaux pleins de force & de vigueur ; mais ces découvertes ne fe font que par intervalles, & fouvent les intervalles font très-longs. On eft obligé de marcher long-temps dans les ténebres, avant d'appercevoir des lueurs; de se repaître de fumée, avant de trouver un peu de nourriture folide; de s'engager dans un labyrinthe raboteux, avant de rencontrer un espace de chemin droit & praticable. Peut-être cet Auteur s'eft-il perfuadé que l'obscurité dans les penfées & dans le style feroit propre à donner du prix à fes productions? Mais on a décidé depuis long-temps que nous étions difpenfés de le comprendre, parce qu'il eft évident qu'il ne s'eft pas toujours compris lui - même. Je ne crois pas, difoit un Académicien du dernier fiecle, que ceux qui font fi inintelligibles, foient fort intelligens. Cette fentence, fondée fur la vérité, eft un arrêt terrible contre les Ecrits de M. Diderot. Que fera-ce, fi nous ajoutons avec Quintilien, que plus un Ecrivain eft médiocre, plus il eft obfcur?

Qu'on ne croye cependant pas que ce Génie mystérieux ait tout tiré de fon propre fonds: le plus fouvent il n'a fait que copier les autres, ce qui le rend plus inexcufable d'être inintelligible.

Les Principes de la Philofophie morale ne font 'qu'une Traduction très-libre de l'Essai fur le mérite & la vertu de Mylord Shaftersbury. Sans vouloir difcuter ici le mérite de l'Original, c'est affez de faire remarquer qu'il ne s'agissoit pour le Traducteur, que d'employer un style clair, précis & correct; c'eft ce que M. Diderot n'a pas jugé à propos de faire: il s'eft contenté de fe rendre fenfible dans les notes; mais une douzaine de notes fuffifent-elles pour former un bon Livre ?

Les Penfées fur l'interprétation de la Nature appartiennent en grande partie à Bacon, ce dont l'Auteur ne s'eft nullement mis en peine de nous avertir. Il eft vrai que les penfées du Chancelier d'Angleterre deviennent méconnoiffables par la maniere étrange dont elles font travesties: c'est un corps robufte duquel on n'a fait qu'un fquelette, fans y laiffer la moindre apparence de nerfs & de muscles; tout y eft en germe, tout y eft fi recondit & fi obfcur, qu'on peut regarder cette Interprétation comme beaucoup plus inintelligible que le texte. Il ne faut pas croire, au refte, que cette obfcurité vienne du fonds des matieres; un efprit fage ne doit pas les traiter, quand il n'eft pas capable de les éclaircir & l'efprit net & méthodique fait rendre tout fenfible: c'eft ainfi que Bacon, Mallebranche, l'Auteur des Mondes,

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