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l'Abbé Mallet, ont écrit fur ces matieres fi fort rebattues. On y reconnoît fans peine ce que M. l'Abbé Dinouart y a ajouté. Il feroit difficile de douter, par exemple, que les remarques & les expreffions fuivantes, tirées du Traité de l'Eloquence du corps, ne foient de sa façon. » Une » taille trop haute eft, dit-il, une difformité. » dans un Orateur. Ces figures coloffales ont quelque chofe d'effrayant & qui choque la vite. On ne peut croire que la Nature qui donne à

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» tous les hommes une mesure ordinaire de bon fens, leur en ait dispensé à proportion de leur » taille; on y fuppose toujours du vuide. Je ne » crois pas qu'on puiffe louer beaucoup cet avanntage, qui ne peut être estimable que dans les » poutres «. Pour engager les Prédicateurs à tenir la tête droite, il les avertit très - élégamment, qu'une tête baiffée déplaît, parce que cette contenance eft commune aux dévotes. Pour joindre à fes préceptes des motifs plus preffans encore, il veut qu'on redreffe les Orateurs, en leur plaçant la pointe d'une épée fous le menton. Il faut cependant prendre garde, en relevant la tête ajoute-t-il, d'imiter le mouvement des oifeaux qui boivent. Selon ses judicieuses remarques, le front haut marque la paresse; le petit, la légéreté; le rond, la colere. » Il faut bien fe garder encore » d'ouvrir les yeux ni trop, ni trop peu, de cli

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gner ni de clignoter, de faire comme quelques » Prédicateurs, qui ouvrent la bouche avec » tant d'effort, qu'ils femblent vouloir y faire »entrer leur Auditoire, & d'en imiter certains

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qui remuent la mâchoire inférieure avec tant de force, qu'ils paroiffent croquer des noix. Je ris, pourfuit-il encore, de voir ces Orateurs, qui, bourfoufflés comme des Maures, ouvrent la » bouche comme s'ils vouloient parler à leurs » oreilles, & dont les mâchoires fe choquent » dans la colere comme deux béliers. A l'égard » de leurs doigts, il faut qu'ils foient près les » uns des autres pour éviter la patte d'oye. » J'aime mieux une main un peu ardente, que » celle qui eft engourdie, & qui paroît toujours » avoir la crampe aux doigts. Mais craignez d'i» miter ces doigts volages, qui femblent tracer en " l'air toutes les lignes de Mathémathiques «. On comprend aifément combien des préceptes fentis & annoncés de cette maniere font propres à fe faire goûter. Ne croit-on pas voir Arlequin donner des leçons & des exemples de gravité ?

Il en eft à peu près de même des autres Quyrages de M. l'Abbé Dinouart. Il a le fecret de pervertir les genres ; & le Journal Eccléfiaftique, qu'il a fait fuccéder au Journal Chrétien, dont fon style a hâté la ruine, se reffent encore plus de la -fatalité de fa plume.

Tome II.

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DIXMERIE, [N. DE LA ] Ce Littérateur, fans avoir des talens fupérieurs, ne laiffe pas d'être fort au deffus de fa réputation. Ses Contes font moins agréables, à la vérité, que ceux de M. Marmontel, mais ils font plus moraux, plus variés, & annoncent une ame plus fenfible. On trouve dans fes Poéfies, de l'aifance & de la fimplicité, qualités néanmoins insuffisantes pour for

mer un bon Poëte.

Ce qui nous paroît vraiment mériter de juftes. éloges, ce font les Notes qui accompagnent fon Ouvrage, intitulé les deux âges du Goût. On peut dire à ce fujet, que l'acceffoire l'emporte fur le fonds. Ces Notes font judicieuses, inftructives, écrites avec autant de netteté que de correction. Le feul défaut qu'on y trouve, confifte dans une indifcrete profufion d'éloges; tous les Auteurs y font loués: c'eft le moyen de n'en louer véritablement aucun. Une critique jufte donne du prix à la louange, & quiconque n'a pas le courage de blâmer quelquefois, s'expofe à être lui-même blâmé. Le goût & la raison ont leurs droits; la crainte de déplaire ne fauroit jamais être un motif pour les facrifier.

DOISSIN, [ Louis] Jéfuite, mort à Paris en 1753, à l'âge de 32 ans.

Ses deux Poëmes Latins, l'un fur la Sculpture,

l'autre fur la Gravure, lui donnent une place diftinguée à côté des Commires, des Rapin, des la Rue, des Sanadon, des Vaniere & des Marfy, fes Confreres. Ce jeune Poëte les auroit peutêtre furpaffés, fi la mort ne l'eût enlevé aux Mufes dans le printemps de fon âge. Son Poëme de la Sculpture, fur- tout, offre des descriptions & une force de coloris qui reffufcitent fouvent la Langue d'Augufte. Si les Détracteurs de la Latinité des Modernes avoient lu les Poëmes da Pere Doiffin & des autres Poëtes que nous venons de citer, ils n'auroient pas affûré fi décidément que les François ne fauroient faire de bons. Vers Latins.

DOLET, [ Etienne ] né à Orléans en 1509, mort à Paris en 1546.

ces,

temps,

Il avoit reçu quelques talens de la nature. Né avec une grande vivacité dans l'efprit, il cultiva affez heureusement la Poéfie Latine, les Scien& n'écrivoit pas mal, , pour fon dans fa propre Langue; mais emporté par fon imagina tion fougueule, il s'engagea dans les plus pitoyables travers. Ses éloges & fes critiques, fes travaux & fes plaisirs, tout étoit outré par le peu d'empire qu'il avoit fur lui-même. Il n'avoit, foit dans fes Ecrits, foit dans fes mœurs, d'autres regles que fes propres opinions ; &, felon

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le génie des efprits fans principes & fans frein, il traitoit de fables les dogmes de la Religion, & d'entraves ridicules les loix de la probité. Avec un tel caractere il devoit naturellement s'attirer bien des revers; auffi ne lui manquerent-ils pas. Il parcourut tout le Royaume, & par-tout il se fit des affaires. A Toulouse, on le mit en prison pour un Difcours qu'il eut la hardieffe de débiter contre les habitans de cette ville, & le Parlement, en particulier. A Lyon, il commit un assassinat, & ne fe fauva de l'échafaud que par le crédit de fes protecteurs. Dans d'autres villes, il se rendit coupable de nouveaux crimes, qui, joints à celui d'athéïfme, dont il faifoit ouvertement profeffion, le firent condamner par le Parlement de Paris, à être brûlé, & la Sentence fut exécutée.

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On ne voit pas que les Philofophes fe foient empreffés de réclamer ou de juftifier un pareil zélateur de la liberté. Son athéïsme trop déclaré & trop pratiqué, l'a peut-être exclu de l'affociation, & a retenu les plumes éloquentes qui auroient été tentées de le réhabiliter comme tant d'autres. Il y a cependant apparence qu'il eût trouvé grace aux yeux des Auteurs du Systême de la Nature. Les principes de cet Ouvrage monftrueux, font précisément les mêmes que ceux de Dolet, & le fort de Dolet a fans doute rendu plus prudens ceux qui ont voulu écrire comme lui.

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