30 Si l'on veut favoir comment on penfoit de son temps fur cet étrange perfonnage, on peut en juger par cette Lettre d'un certain Jean Angeodanus, où l'on ne trouvera pas la politeffe du style, mais une peinture affez fidele d'un Athée. » Seulement à le voir, dit-il, on démêloit un → étourdi, un fou, un insensé, un furieux, un » enragé, un glorieux, un impertinent, un men» teur, un débauché, un méchant, un querel» lêur, un impie, un Ecrivain fans Dieu, fans » foi, fans religion quelconque ; & l'on voyoit » fi bien tout cela, que ni le bronze, ni la toile n'cuffent jamais pu être, comme fon visage, l'image d'un monftre. Il est du nombre de ceux » qui font à la fois, selon Erasme, à plaindre » & rifibles. Il a déshonoré, autant qu'il étoit en lui, à force de paflions & de vices, & les Belles-Lettres qu'il entendoit parfaitement, & » le Saint-Chrême qu'il avoit malheureusement » reçu «. دو DOMAT ou D'AUMAT, [ Jean] Avocat du Roi au Siége Préfidial de Clermont en Auvergne, fa Patrie, né en 1625 mort à Paris en 1696, célebre Jurifconfulte, & également verfé dans les Langues & les Sciences. Son Livre des Loix civiles dans leur ordre naturel, excellent dans fon efpece, très-eftimé de ceux qui 1 étudient le Droit & la Morale, n'est point dépourvu du mérite littéraire, par la maniere purę & lumineufe dont il est écrit, & fur-tout par l'introduction qui eft à la tête de l'Ouvrage. DONAT, [ Dominique ] de l'Académie des Arcades de Rome, né à Beziers en 1709, Ecrivain infatigable, & qui, à notre avis, aura bien de la peine à fe faire une réputation, & encore plus à procurer du débit à fes Ouvrages, malgré les Profpectus qu'il en diftribue, & d'après les Profpectus mêmes. Il ne s'attache qu'à des compilations fur la Topographie, les Généalogies, l'Hiftoire eccléfiaftique, &c. Ce genre de travail peut être utile; il fuppofe de l'étude, des recherches, de la méthode, & cet Auteur peut avoir ces bonnes qualités; mais ce ne font pas les qualités que le fiecle estime. Que ne fait-il des Ouvrages philofophiques! Il aura du moins l'avantage de trouver, dans l'efprit de Corps, du zele pour les faire acheter fur la parole de certains Prophetes; & celui de les faire vivre quelques jours dans les Sociétés merveilleufes où ces Prophetes donnent le ton. 1. DORAT, [Jean] Profeffeur Royal en langue Grecque à Paris, né dans le Limousin en 1507, mort à Paris en 1588. Sa maniere d'enseigner cette langue, contribua beaucoup à la renaiffance des Lettres, & n'eft pas le feul fervice qu'il leur rendit. Il établit chez lui une espece d'Académie, où l'on agitoit des queftions de Littérature, propres à faire naître. l'émulation de tous les gens d'efprit qui y affiftoient. Ce fut là où Ronfard prit un goût fi intrépide pour les Auteurs Grecs & Latins. Ce Difciple enthoufiafte ne garda nulle mefure dans l'eftime qu'il avoit pour Dorat, & obferva encore moins les regles du goût, dans les louan ges qu'il lui donnoit. Si l'on veut juger des complimens de ce temps-là, en voici un échantillon. Je ferois grande injure à mes vers & à moi, . Non-feulement Dorat peut être regardé comme le Pere commun des Poëtes de fon temps; il fut encore Poëte lui-même & bon Poëte, fi l'on en juge par quelques-uns de fes Vers grecs & latins qui le firent furnommer par fes contemporains, le Pindare Moderne; car alors on ne louoit que par comparaifon. On a de lui des Odes. latines qui juftifient, finon l'excès de cette louange, du moins la justice de l'eftime qu'on avoit pour lui. On est fâché qu'il foit l'inventeur de l'Anagramme, genre pitoyable, à la portée de tout le monde , parce qu'il n'exige qu'un peu d'application, & point du tout d'efprit. Colletet lui-même l'a apprécié à sa jufte valeur, en difant dans une Epître à Ménage : J'aime mieux, fans comparaison, Que d'aller chercher la Raison Cet exercice monacal Ne trouvé fon point vertical Que dans une tête bleffée ; Et, fur Parnaffe, nous tenons Que tous ces Renverfeurs de noms 2. DORAT, [Claude-Jofeph] né en 173... Son exemple prouvera vraisemblablement dans la fuite, que beaucoup d'efprit, beaucoup d'Ouvrages & beaucoup de vogue, ne font rien moins que des titres folides pour une réputation durable. Après avoir lu fes Odes, fes Héroïdes, fes Contes, fes Fables, fes Romans fes Tragédies, fon Poëme fur la déclamation, les Lecteurs éclairés font forcés de regarder tant de productions, comme des efpeces de phosphores qui éblouiffent un inftant, pour se perdre enfuite dans l'obfcurité. La plupart de ces Ouvra ges pechent par le choix du fujet, les autres par le plan ou l'exécution, tous par le défaut de naturel & de fimplicité. : Ce n'eft pas que M. Dorat n'ait du mérite & du talent fes Pieces fugitives ont un ton & une phyfionomic qui lui font particuliers & le diftinguent honorablement de la foule des Poëtes de nos jours. Elles offrent en effet une tournure d'efprit agréable, de la fineffe, des détails piquans, des comparaisons ingénieuses, des images riantes, un coloris brillant, une touche délicate & facile, & une peinture affez vraie des travers aimables qui caractérisent notre Nation. Mais eft - ce affez de pofféder tous ces dons d'un efprit agréable, & peut-on ignorer que rien n'eft plus fujet à perdre fes charmes? Il faut, pour être affäré de toujours plaire, s'attacher à des refforts plus effentiels & plus folides, c'est-àdire, à ce naturel qui furvit à tout, à cette chaleur vivifiante, à ce moëlleux féduifant & Aatteur, qui naiffent de la force du fentiment & que l'efprit ne fauroit jamais fuppléer. Les Poéfies des Chaulieu, des Voltaire, des Greffet, ne fubfifteront jamais que par ces heureux & véritables principes de vie. Ces Poëtes n'ont exprimé que ce qu'ils fentoient avec vivacité [au moins pour le moment]; par-là, ils ont fu captiver & intéreffer, M. Dorat, au con |