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L'Autel (6) Tout cela paroift encore en plufieurs Eglifes Cathédrales & Collégiales (7). On y voit la Croix, communément de cuivre jaune, au haut du Retable ou contr'Autel, & la fufpenfion au pied & au deffous de cette Croix (8). Quelques-uns, au lieu de in armario, li. fent icy in imaginario ; & pour y trouver du fens, ils fuppléent le fubftantif ordine, lifant ainfi in imaginario ordine. Mais loin que ces termes puiffent avoir une fignification raisonnable, ils ne font bons qu'à gafter & à corrompre davantage cet endroit du Concile de Tours II. & à répandre de nouvelles obfcuritez fur le refte du Canon ; dont en effet, lû de cette façon, les Doctes de ce fiécle, font encore à nous donner l'intelligence. Et adhuc fub judice lis eft, dit icy le Cardinal Bona. Il faut donc faire de la différence entre la Croix qui eft po fée fur la table ou fur les gradins de l'Autel & celle qui eft au 'deffus de l'Autel, hors de la portée des yeux du Preftre célébrant la Meffe. Celle-cy eft des fiécles les plus reculez, & cel

(6) Sub crucis titulo, fous le titre de la Croix, pour dire, fous la Croix mefme, par une figure nom mée fynedoche, qui fait dénommer le tout, de l'une de fes parties; tel qu'étoit l'Ecriteau appellé Titulus, qui fut mis fur la Croix de Notre Seigneur, & où on lifoit ces paroles, Jefus de Nazareth, le Roy des Juifs.

(7) Comme à Laon, à faint Ouein de Rouen, & autres.

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(8) En d'autres Eglifes, comme à Beauvais, c'eft tout l'oppofite, & la fufpenfion eft bien plus haute que le Crucifix. Super crucis titulum & non Sub crucis iitulo.

le là d'un ufage très moderne. Il n'en eft pas mefme fait mention dans tout le Cérémonial Romain du xiv. fiécle, où cependant toutes les Cérémonies de la Meffe font extrémement circonftanciées & détaillées. Et véritablement il y a bien de l'apparence que fi c'eut efté l'ufage en ce temps-là, de mettre un Crucifix fur l'Autel, on n'auroit pas manqué, comme on a fait depuis, d'encenfer le Crucifix & de s'incliner devant luy; cependant il n'en eft pas dit un feul mot. Quelques-uns mefmes prétendent qu'aux encenfemens qui fe font à la Meffe dans les Eglifes Cathédrales, c'eft la fufpenfion, c'eft-à-dire le faint Sacrement, & non la Croix ou le Crucifix qu'on encenfe. Et il ne faut pas que les Sacriftains, pour excufer icy leur conduite & leur négligence, croyent pouvoir fe couvrir & s'authorifer de la Rubrique du Mif fel, qui porte qu'il doit y avoir une Croix fur l'Autel; car manifeftement cette difpofition ne s'entend que pour le temps qu'on y célébre la Meffe. In quo facro-fanctum Misse facrificium celebrandum eft; dit la Rubrique en parlant de cet Autel. Autrement il faudroit donc auffi y laiffer continuellement brûler les cierges puifque la mefme Rubrique veut pareillement qu'il y ait du moins deux cierges allumez fur l'Autel; Et candelabra faltem duo cum candelis accenfis, hinc & inde in utroque eus latere, Il faudra auffi fur le mefme principe y laiffer encore la table des Sécrettes ou du Canon, les Burettes, le Miffel & le refte; tout cela eftant également spécifié par la Rubrique. Mais ce qui prouve que la Rubrique fuppofe l'Autel, fans tous ces accompagnemens, hors le temps du

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Sacrifice, c'eft qu'elle ordonne expreffément de les y mettre pour dire la Meffe. De mesine que de celle qu'elle prefcrit encore au Preftre de fe reveftir d'ornemens pour célébrer, c'eft une marque qu'elle ne fuppofe pas que le Preftre ait toûjours ces ornemens, mais feulement lorfqu'il célébre. A Angers & en d'autres Eglifes, les Autels demeurent toûjours nuds, & on ne les couvre que dans le moment mesme qu'on y doit dire la Meffe. Et nous avons vû qu'en plufieurs Eglifes du Royaume, on a encore foin de retirer du moins le Crucifix après la Meffe. Bien plus, 'autrefois (& il n'y a guere plus de trois cens ans), on dégarniffoit entierement l'Autel. Les Acolythes, portent l'Ordre Romain XIV. auront foin d'ofter la Nap"pe de deffus l'Autel après la Communion de la plier & la refferrer. C'eft ce qui s'obferve encore tous les jours à Lyon, où, la Meffe achevée, le Sacriftain retire la Nappe, comme fans comparaison on ofte celle des tables communes après le repas. La mefme chofe fe pratique dans toute l'Eglife le Jeudy-faint; où, après la Meffe, le Sacriftain, felon quelques Cérémoniaux, & felon l'usage Romain le Pref tre luy mefme, aidé de fes Miniftres, dépoüille l'Autel, qu'on laiffe nud jufqu'au lendemain, oì après la Communion, on le dégarnit encore de tout ce qui le couvre. Enfin le Titre feul de la Rubrique, De præparatione Altaris & Ornamentorum ejus, fait affez entendre que l'Autel n'eft pas toujours preft, & qu'il ne doit eftre paré en effet que par rapport au faint Sacrifice qu'on y doit célébrer. Ajoûtons, en pallant, qu'en la plufpart des Eglifes Cathédrales & Col

légiales, l'Autel y eft tellement regardé comme n'eftant d'ufage que pour la Meffe, que hors le temps qu'elle s'y dit, il demeure caché de chaque cofté par des rideaux. Et mefme en Carefie, pour qu'on ne puiffe voir d'aucun endroit, on tire un grand voile par devant, entre le Sanctuaire & le Choeur. En quelques Eglifes, ces rideaux ne s'ouvrent mefme qu'au moment de l'Oblation; parcequ'en effet le Sacrifice ne commence proprement qu'en ce temps-là. Et nous avons vu plus haut à la Remarque vii. que les Evefques, pour cette raifon, ne montent encore à l'Autel qu'à l'Offertoire. Bien plus, lors qu'anciennement & dans la premiere origine, l'Autel n'eftoit que de bois, comme font nos tables communes, & que cet Autel eftoit par conféquent mobile, il est à croire qu'on le retiroit aprés le Sacrifice, & qu'on le tranfportoit en un autre endroit, comme on en ufe tous les jours à l'égard de nos tables à manger. Enforte qu'il paroift que ce n'eft guere que depuis que l'Autel eft devenu tout à fait fixe & immobile, que comme il n'a plus efté poffible de le ranger ailleurs, on l'a couvert & enfermé de rideaux des quatre coftez, pour le cacher & empefcher qu'on ne le vift hors de l'heure du Sacrifice. Il n'y a que quelques années, qu'on voyoit encore au grand Autel de Notre Dame de Paris, la tringle ou verge de fer qui fervoit à fufpendre le rideau de devant. Tout cela eft encore refté en Carefme, en plufieurs Eglifes, mefme par rapport au rideau de devant,ainfi que nous le faifions obferver il n'y a qu'un moment,c'est-à-dire qu'il en eft de l'Au tel, comme de ce que nous avons marqué plus

haut, des Images & des Croix, qui ne peuvent eftre déplacées; on les cache & on les voile. Il n'y a pas encore long temps qu'à Percyl, Prieuré de l'Ordre de faint Benoist, au Diocêze d'Autun (9), l'Autel, fermé de rideaux par les coftez, l'eftoit auffi par devant d'une porte de fer à claire voye.

REMARQUE X.

Sur le KYRIE ELEISO N.

IRIE ELEISON &c. refte de la Litanie qui

K précédoit autrefois la Meffe. 1 Voicy ce que

ç'eftoit que cette Litanie. Aux jours de Synaxe & de Collecte, on s'affembloit dans une Eglife; comme par exemple le Mercredy des Cendres, à fainte Anaftafie. Colligunt fe omnes ad Ecclefiam Santa Anaftafia circa horam Jeptimam, (environ une heure aprés midy.) Là on chantoit d'abord l'Antienne nommée Introït (nous avons parlé plus haut de cette Antienne, fur la Rubrique XIX.), le Pontife disoit enfuite la Collecte, aprés quoy on commençoit un Répons & on fe met

(9) Ce Prieuré eft poffedé par M. l'Abbé Berryer, lequel, après avoir renoncé aux employs & aux dignitez dont il eftoit revestu dans le monde, s'eft retiré, depuis plufieurs années, dans ce Monaftere; où, rigide & exact obfervateur luy mefme de la Regle de faint Benoist, il a plus encore par fon exemple que par inftructions, repris l'efprit & rétably à la lettre les pratiques de cette Regle ; du moins aurant que le comportept les mœurs de ce fiécle.

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