RELIGIEUX Gaston les DE S. AN- YIENNOIS. Gafton les gouvernoit avec tant de douceur, & exerçoit l'hofpitalité avec tant de charité, que non feulement la Provin ce de Dauphiné; mais une bonne partie de l'Europe fut bien-toft informée par le moïen des Pelerins qui y venoient de toutes parts, des grandes aumônes qu'on leur faifoit & de la charité avec laquelle on traitoit les malades ; ce qui fit qu'Urbain II. approuva cette fainte Societé dans le Concile de Clermont, & qu'il l'avantagea de beaux Privileges. On les appella Freres, & Grand-Maiftre le Chef ou Superieur auquel ils obeïffoient: Gafton fut le premier élevé à cette dignité qu'il exerça jufqu'à fon deceds qui arriva l'an 1120. Cette Congregation n'aïant point d'Eglife particuliere où elle puft vaquer à fes exercices de pieré, Falcon feptiéme Grand-Maistre en voulut faire bastir une ; mais les Religieux Benedictins de l'Abbaïe de Montmaïour s'y oppoferent fortement. Ils avoient efté mis en poffeffion de l'Eglife de faint Antoine par Guy-Didier heritier de Jocelin. Ce Seigneur avoit fait enlever le facré corps de ce Saint de la petite Eglife où il repofoit, & le faifoit toujours porter avec lui par tout où il alloit,principalement à la guerre; mais en aïant efté repris par Urbain II. qui paffant par le Dauphiné lui commanda authorité Apoftolique de porter plus de refpect à de fi faintes Reliques qui ne devoient pas eftre entre les mains des Seculiers, il fit achever l'an 1101. l'Eglife de S. Antoine que Jocelin avoit commencée, & par ordre du Pape, il y mit des Religieux Benedictins de l'Abbaie de Montmaïour pour y faire le fervice Divin, & y dépofa ce facré corps, dont il fe conferva la garde pour lui & pour fes Succeffeurs. par Les Religieux Benedictins aïant donc formé leur oppofition à la construction de l'Eglife que Falcon vouloit faire faire, il y eut procés entr'eux, qui fut renvoïé pardevant Humbert Archevefque de Vienne, & ce Prelat prononça en faveur des Hofpitaliers. Falcon pour plus de fureté, fit approuver la conftruction de cette Eglife par Innocent III. l'an 1208. elle fut bien-tost achevée & dediée à la fainte Vierge par le mefme Humbert Archevelque de Vienne,qui y celebra la premiere Meffe. Le mefme Grand-Maître obtint auffi d'Honorius III. la permiffion pour tous les Freres, de faire les trois vœux de Religion, ce que le Pape accorda par fes Lettres de l'an 1218. ainfi les Freres de faint Antoine avoient toujours vescu DE S. AN dans cet Ordre qui avoit commencé en 1095. fans y eftre RELIGIEUX engagés par aucun Voeu jufqu'à cette année 1218.. TOINE DE Ce ne fut pas le feul Procés qu'ils eurent avec les Bene- VIENNOIS dictins de Montmaïour, ceux qu'ils eurent dans la fuite furent plus confiderables. Aymond de Montanay XVII. GrandMailtre, aïant acheté la Seigneurie de faint Antoine, le Pape Boniface VIII. l'an 1297. pour terminer tous ces procés, accorda l'Eglife de faint Antoine avec tous fes droits & toutes fes jurifdictions aux Freres de l'Hofpital, fans que les Reli gieux Benedictins puffent avoir à l'avenir aucun droit ni prétention fur cette Eglife, dont il changea le titre qui eftoit Prieuré, en Abbaïe; ordonnant que les Freres vivroient fous la Regle de faint Auguftin, fans néanmoins quitter le Tau qu'ils porteroient attaché fur leurs habits; qu'ils s'appelleroient Chanoines Reguliers; que leur chef prendroit la qualité d'Abbé, & que tous les Religieux & toutes les Maisons de cet Ordre, en quelqu'endroit qu'ils fe trouvaffent, en dépendroient, & releveroient de l'Abbaïe qu'il declaroit chef de tout l'Ordre, & la foumettoit entierement au faint Siege. Čes nouveaux Chanoines Reguliers prirent d'abord un grand foin de remplir leurs devoirs; & quoiqu'un des principaux fut de chanter l'Office au Choeur, ils n'abandonnerent pas pour cela l'hofpitalité ; au contraire leur zele redoubla, il y en avoit toujours un nombre pour voir fi toutes chofes fe faifoient dans le bon ordre, & fi les malades eftoient bien foulagés. On entretenoit plufieurs Freres Convers à ce fujet; mais dans la fuite du tems plufieurs abus fe glifferent dans la plufpart de leurs Maifons qui avoient titres de Commanderies; les Superieurs qui vivoient en veritables Commandeurs, regardoient les Maisons dont on leur avoit donné la conduite, comme un Benefice qu'ils poffedoient à vie, & les refignoient mefme à l'infçu de l'Abbé. Antoine Tolofain xx111. Abbé, travailla long-tems pour reformer ces defordres, il ne put néanmoins executer fon deffein. Ce ne fut que l'an 1616. dans le Chapitre General de l'Ordre, qu'on prit les mefurés neceffaires pour y reüflir à la follicitation d'Antoine Brunel de Grammont qui en eftoit pour lors Abbé, à quoi contribua beaucoup le R. P. Senncian perfonnage d'une finguliere pieté,dont le zele fut fecon RELICIEUX dé par l'autorité du Roi Louis XIII, qui ordonna par fes TOINE DE Lettres Patentes du 24. Decembre 1618. que l'on introduiroit VIENNOIS. la Reforme dans tous les Monafteres. Ce ne fut néanmoins DE S. AN que l'an 1630. qu'on reçut dans les Maifons les nouvelles Conftitutions qu'on avoit dreffées dans le Chapitre General, qui furent approuvées par le Pape Urbain VIII. S'il y a quelques Maisons hors de France qui ne les ont pas reçuës, elles ne laiffent pas de reconnoiftre l'Abbé de faint Antoine pour Chef & Superieur de tout l'Ordre, dont la place eft presentement occupée par le R. P. Jean d'Anthon, qui fut élu l'an 1702. Cet Ordre joüit de beaucoup de Privileges qui lui ont efté accordés par plufieurs Souverains Pontifes. Un très-grand nombre de Princes ont temoigné l'estime qu'ils en faifoient par les grands biens dont ils l'ont enrichi. L'an 1306. le Dauphin Viennois du confentement unanime de toute la Nobleffe, accorda à l'Abbé, la féance dans les Estats de Dauphiné immediatement après l'Evefque de Grenoble, & le droit d'y prefider en l'abfence de ce Prélat qui en est Prefi dent né. L'Empereur Maximilien I. pour faire connoistre combien il diftinguoit cet Ordre, lui donna pour armes l'an 1502. celle de l'Empire, fçavoir un Aigle, eploié de fable, becqué, membré, & diademé de Gueules, timbré d'une Thiare Imperiale d'Or, & fur l'eftomac un Ecuffon d'Or à un Tau d'Azur. Charles, Roi de Jerufalem & de Sicile, eftant en l'Abbaïe de faint Antoine, prit en fa protection les Religieux de cet Ordre les Lettres du 4. Mars de l'an 1288. Jacques, auffi par Roi de Jerufalem & de Sicile, outre les Fondations qu'il fit à l'Abbaïe, recommanda à fes Heritiers & à fes Succeffeurs d'avoir toujours une particuliere devotion à saint Antoine, & de porter toujours pendu au cou un Tau d'Or & une petite clochette qui eft le fymbole de ce Saint, pour qui il avoit une grande veneration,comme il paroift par fon Teftament fait en l'an 1403. La devotion que l'on portoit à ce Saint, eftoit autrefois fi grande, que deux Papes, Calixte II. & Martin V. Jules II. & Leon X. lorfqu'ils eftoient Cardinaux, fix Rois de France, grand nombre d'autres Rois & Souverains, de Reines & de Princeffes, de Cardinaux & de Prélats, & une infinité |